Scène première
Géraste,Célie
Célie
Eh bien, j’en parlerai ; mais songez qu’àvotre âge
Mille accidents fâcheux suivent lemariage.
On aime rarement de si sages époux,
Et leur moindre malheur, c’est d’être un peujaloux.
Convaincus au dedans de leur proprefaiblesse,
Une ombre leur fait peur, une mouche lesblesse ;
Et cet heureux hymen, qui les charmait sifort,
Devient souvent pour eux un fourrier de lamort.
Géraste
Excuse, ou pour le moins pardonne à mafolie ;
Le sort en est jeté : va, ma chèreCélie,
Va trouver la beauté qui me tient sous saloi,
Flatte-la de ma part, promets-lui tout demoi :
Dis-lui que si l’amour d’un vieillardl’importune,
Elle fait une planche à sa bonnefortune ;
Que l’excès de mes biens, à force deprésents,
Répare la vigueur qui manque à mes vieuxans ;
Qu’il ne lui peut échoir de meilleureaventure.
Célie
Ne m’importunez point de votretablature :
Sans vos instructions, je sais bien monmétier ;
Et je n’en laisserai pas un trait àquartier.
Géraste
Je ne suis point ingrat quand on me rendoffice.
Peins-lui bien mon amour, offre bien monservice,
Dis bien que mes beaux jours ne sont pas sipassés
Qu’il ne me reste encor…
Célie
Que vous m’étourdissez !
N’est-ce point assez dit que votre âme estéprise ?
Que vous allez mourir si vous n’avezFlorise ?
Reposez-vous sur moi.
Géraste
Que voilà froidement
Me promettre ton aide à finir montourment !
Célie
S’il faut aller plus vite, allons, je vois sonfrère,
Et vais tout devant vous lui proposerl’affaire.
Géraste
Ce serait tout gâter ; arrête, et pardouceur,
Essaie auparavant d’y résoudre la sœur.