Scène V
Amarante,Florame
Amarante
Laissez, mon cavalier, laissez allerThéante :
Il porte assez au cœur le portraitd’Amarante ;
Je n’appréhende point qu’on l’en puisseeffacer.
C’est au vôtre à présent que je le veuxtracer ;
Et la difficulté d’une telle victoire
M’en augmente l’ardeur comme elle en croît lagloire.
Florame
Aurez-vous quelque gloire à me fairesouffrir ?
Amarante
Plus que de tous les vœux qu’on me pourraitoffrir.
Florame
Vous plaisez-vous à ceux d’une âme sicontrainte,
Qu’une vieille amitié retient toujours encrainte ?
Amarante
Vous n’êtes pas encore au point où je vousveux :
Et toute amitié meurt où naissent de vraisfeux.
Florame
De vrai, contre ses droits mon esprit serebelle ;
Mais feriez-vous état d’un amantinfidèle ?
Amarante
Je ne prendrai jamais pour un manque defoi
D’oublier un ami pour se donner à moi.
Florame
Encor si je pouvais former quelqueespérance
De vous voir favorable à ma persévérance,
Que vous pussiez m’aimer après tant detourment,
Et d’un mauvais ami faire un heureuxamant !
Mais, hélas ! je vous sers, je vis sousvotre empire,
Et je ne puis prétendre où mon désiraspire.
Théante ! (ah, nom fatal pour me comblerd’ennui !)
Vous demandez mon cœur, et le vôtre est àlui !
Souffrez qu’en autre lieu j’adresse messervices,
Que du manque d’espoir j’évite lessupplices.
Qui ne peut rien prétendre a droitd’abandonner.
Amarante
S’il ne tient qu’à l’espoir, je vous en veuxdonner.
Apprenez que chez moi c’est un faibleavantage
De m’avoir de ses vœux le premier faithommage.
Le mérite y fait tout, et tel plaît à mesyeux,
Que je négligerais près de qui vaudraitmieux.
Lui seul de mes amants règle ladifférence,
Sans que le temps leur donne aucunepréférence.
Florame
Vous ne flattez mes sens que pourm’embarrasser.
Amarante
Peut-être ; mais enfin il faut leconfesser,
Vous vous trouveriez mieux auprès de mamaîtresse.
Florame
Ne pensez pas…
Amarante
Non, non, c’est là ce qui vous presse.
Allons dans le jardin ensemble lachercher.
(À part.)
Que j’ai su dextrement à ses yeux lacacher !