Scène VIII
Daphnis,Amarante
Daphnis
Cette assiduité de Florame avec vous
À la fin a rendu Théante un peu jaloux.
Aussi de vous y voir tous les joursattachée,
Quelle puissante amour n’en serait pointtouchée ?
Je viens d’examiner son esprit enpassant ;
Mais vous ne croiriez pas l’ennui qu’il enressent.
Vous y devez pourvoir, et si vous êtessage,
Il faut à cet ami faire mauvais visage,
Lui fausser compagnie, éviter sesdiscours :
Ce sont pour l’apaiser les chemins les pluscourts ;
Sinon, faites état qu’il va courir auchange.
Amarante
Il serait en ce cas d’une humeur bienétrange.
À sa prière seule, et pour le contenter,
J’écoute cet ami quand il m’en vientconter ;
Et pour vous dire tout, cet amant infidèle
Ne m’aime pas assez pour en être encervelle.
Il forme des desseins beaucoup plusrelevés,
Et de plus beaux portraits en son cœur sontgravés.
Mes yeux pour l’asservir ont de trop faiblesarmes ;
Il voudrait pour m’aimer que j’eusse d’autrescharmes,
Que l’éclat de mon sang, mieux soutenu debiens,
Ne fût point ravalé par le rang que jetiens ;
Enfin (que servirait aussi bien de letaire ?)
Sa vanité le porte au souci de vousplaire.
Daphnis
En ce cas, il verra que je sais comme ilfaut
Punir des insolents qui prétendent trophaut.
Amarante
Je lui veux quelque bien, puisque, changeantde flamme,
Vous voyez, par pitié, qu’il me laisseFlorame,
Qui n’étant pas si vain a plus de fermeté.
Daphnis
Amarante, après tout, disons lavérité :
Théante n’est si vain qu’en votrefantaisie ;
Et sa froideur pour vous naît de sajalousie ;
Mais soit qu’il change, ou non, il nem’importe en rien ;
Et ce que je vous dis n’est que pour votrebien.