Scène VIII
Géraste,Daphnis,Florame,Célie,Amarante
Daphnis
Voici ce cher amant qui me tient engagée,
À qui sous votre aveu ma foi s’estobligée.
Changez de volonté pour un objetnouveau :
Daphnis épousera Florame, ou le tombeau.
Géraste
Que vois-je ici, bons dieux ?
Daphnis
Mon amour, ma constance.
Géraste
Et sur quoi donc fonder tadésobéissance ?
Quel envieux démon, et quel charme assezfort,
Faisait entrechoquer deux volontésd’accord ?
C’est lui que tu chéris, et que je tedestine ;
Et ta rébellion dans un refuss’obstine !
Florame
Appelez-vous refus de me donner sa foi,
Quand votre volonté se déclara pourmoi ?
Et cette volonté, pour une autre tournée,
Vous peut-elle obéir après la foidonnée ?
Géraste
C’est pour vous que je change, et pour vousseulement
Je veux qu’elle renonce à son premieramant.
Lorsque je consentis à sa secrète flamme,
C’était pour Clarimond qui possédait sonâme ;
Amarante du moins me l’avait dit ainsi.
Daphnis
Amarante, approchez ; que tout soitéclairci.
Une telle imposture est-ellepardonnable ?
Amarante
Mon amour pour Florame en est le seulcoupable :
Mon esprit l’adorait : et vousétonnez-vous
S’il devint inventif, puisqu’il étaitjaloux ?
Géraste
Et par là tu voulais…
Amarante
Que votre âme déçue
Donnât à Clarimond une si bonne issue,
Que Florame, frustré de l’objet de sesvœux,
Fût réduit désormais à seconder mes feux.
Florame
Pardonnez-lui, monsieur ; et vous,daignez, madame,
Justifier son feu par votre propre flamme.
Si vous m’aimez encor, vous devez estimer
Qu’on ne peut faire un crime à force dem’aimer.
Daphnis
Si je t’aime, Florame ? Ah ! cedoute m’offense.
D’Amarante avec toi je prendrai ladéfense.
Géraste
Et moi, dans ce pardon je vous veuxprévenir ;
Votre hymen aussi bien saura trop lapunir.
Daphnis
Qu’un nom tu par hasard nous a donné depeine !
Célie
Mais que, su maintenant, il rend sa rusevaine,
Et donne un prompt succès à voscontentements.
Florame, àGéraste.
Vous, de qui je les tiens…
Géraste
Trêve de compliments :
Ils nous empêcheraient de parler deFlorise.
Florame
Il n’en faut point parler, elle vous estacquise.
Géraste
Allons donc la trouver : que cet échangeheureux
Comble d’aise à son tour un vieillardamoureux.
Daphnis
Quoi ! je ne savais rien d’une tellepartie !
Florame
Je pense toutefois vous avoir avertie
Qu’un grand effet d’amour, avant qu’il fûtlongtemps,
Vous rendrait étonnée, et nos désirscontents.
Mais différez, monsieur, une tellevisite ;
Mon feu ne souffre point que sitôt je laquitte ;
Et d’ailleurs je sais trop que la foi dudevoir
Veut que je sois chez nous pour vous yrecevoir.
Géraste, àCélie.
Va donc lui témoigner le désir qui mepresse.
Florame
Plutôt fais-la venir saluer mamaîtresse :
Ainsi tout à la fois nous verronssatisfaits
Vos feux et mon devoir, ma flamme et vossouhaits.
Géraste
Je dois être honteux d’attendre qu’ellevienne.
Célie
Attendez-la, monsieur, et qu’à cela netienne :
Je cours exécuter cette commission.
Géraste
Le temps en sera long à mon affection.
Florame
Toujours l’impatience à l’amour est mêlée.
Géraste
Allons dans le jardin faire deux toursd’allée,
Afin que cet ennui que j’en pourrai sentir
Parmi votre entretien trouve à sedivertir.