Scène II
Florame
Jetterai-je toujours des menaces en l’air,
Sans que je sache enfin à qui je doisparler ?
Aurait-on jamais cru qu’elle me fût ravie,
Et qu’on me pût ôter Daphnis avant lavie ?
Le possesseur du prix de ma fidélité,
Bien que je sois vivant, demeure ensûreté :
Tout inconnu qu’il m’est, il produit mamisère ;
Tout mon rival qu’il est, il rit de macolère.
Rival ! ah, quel malheur ! j’en aipour me bannir,
Et cesse d’en avoir quand je le veuxpunir.
Grands dieux, qui m’enviez cette justeallégeance,
Qu’un amant supplanté tire de lavengeance,
Et me cachez le bras dont je reçois lescoups,
Est-ce votre dessein que je m’en prenne àvous ?
Est-ce votre dessein d’attirer mesblasphèmes,
Et qu’ainsi que mes maux mes crimes soientextrêmes,
Qu’à mille impiétés osant me dispenser,
À votre foudre oisif je donne où selancer ?
Ah ! souffrez qu’en l’état de mon sortdéplorable
Je demeure innocent, encor quemisérable :
Destinez à vos feux d’autres objets quemoi ;
Vous n’en sauriez manquer, quand on manque defoi.
Employez le tonnerre à punir les parjures,
Et prenez intérêt vous-même à mesinjures :
Montrez, en me vengeant, que vous êtes desdieux,
Ou conduisez mon bras, puisque je n’ai pointd’yeux,
Et qu’on sait dérober d’un rival qui metue
Le nom à mon oreille, et l’objet à ma vue.
Rival, qui que tu sois, dont l’insolentamour
Idolâtre un soleil et n’ose voir le jour,
N’oppose plus ta crainte à l’ardeur qui tepresse ;
Fais-toi, fais-toi connaître allant voir tamaîtresse.