La Vampire

Chapitre 22SIMILIA SIMILIBUS CURANTUR

Dans le récit par où débute ce livre : laChambre des Amours, nous avons vu Jean-Pierre Sévérin, ditGâteloup, plus jeune, mais tourmenté déjà de sombres rêveries.

C’était un homme sage et fort. Dans la sphèretrès humble où le sort l’avait placé, il avait pu voir de très prèsla lutte des philosophes modernes contre les croyances du passé. Ils’y était mêlé, il avait combattu de sa propre personne.

Chrétien, il avait repoussé l’impiété ;mais, libre dans son âme et ami des mâles grandeurs de l’histoireancienne, il restait fidèle à la république, à l’heure même où larépublique chancelait.

Ce n’était pas un superstitieux. Il était né àParis, la ville qui se vante d’avoir tué la superstition.

Mais c’était un voyageur de nuit, un solitaireet peut-être, sans qu’il le sut lui-même, un poète.

La vie nocturne enseigne au cerveau d’étrangespensées.

Quand Jean-Pierre Sévérin veillait, penché surses avirons, écoutant l’éternel murmure du fleuve et cherchant lemystérieux ennemi qu’il combattait depuis tant d’années : lesuicide, qui pouvait deviner ou suivre les chemins où se perdaientses rêves ?

Aussitôt qu’il eut dit : il faut percerla muraille, Germain Patou s’élança dans le salon, appelant lesagents à haute voix. Ceux-ci, habitués à ne jamais perdre leurtemps, s’étaient arrangés déjà pour dormir, tandis queM. Barbaroux, officier de paix, fumait sa pipe.

Ezéchiel, qui croyait connaître la maison parcœur, avait formellement annoncé que l’expédition était finie.

Gâteloup, resté seul dans la seconde chambre,se mit à éprouver le mur, frappant de place en place avec la paumede sa main ouverte. Le mur sonna le plein d’abord, mais lorsqueGâteloup arriva au milieu, une planche, recouvrant le vide,retentit sous sa main comme un tambour.

C’était la porte, très habilement dissimuléedans les moulures de la boiserie, et qu’aucun indice ne désignaitdu regard.

Gâteloup, dans les circonstances de ce genre,n’avait besoin ni de levier ni de pince. Il prit son élan de côtéet lança son épaule contre le panneau, qui éclata, brisé.

Quand le renfort arriva, Gâteloup était déjàdans la chambre sans fenêtres.

– Êtes-vous là, René de Kervoz ?demanda-t-il.

Il écouta, mais les battements de son cœur legênaient et l’assourdissaient.

Il crut entendre pourtant le bruit de larespiration d’un homme endormi.

Les rayons de la chandelle de suif, pénétranttout à coup dans la cachette, montrèrent en effet René, étendu surun lit, la face hâve, les cheveux en désordre et dormantprofondément.

– Tiens ! dit Ezéchiel, elle n’a pas tuécelui-là. Il examina le réduit d’un œil curieux.

– Un joli double fond, ajouta-t-il.

– Levez-vous, monsieur de Kervoz !Ordonna Gâteloup en secouant rudement le dormeur.

Laurent et Charlevoy furetaient.M. Barbaroux dit :

– Nous allons toujours arrêter cegaillard-là !

René, cependant, secoué par la rude main deGâteloup, ne bougeait point.

Germain Patou déboucha tour à tour les deuxflacons et en flaira le contenu en les passant rapidement àplusieurs reprises sous ses narines gonflées.

Il avait l’odorat sûr comme un réactif.

– Opium turc, dit-il, haschisch deBelgrade : suc concentré du Papaver somniferum.Patron, ne vous fatiguez pas, vous le tueriez avant del’éveiller.

Chacun voulut voir alors, et M. Barbarouxlui-même mit son large nez au-dessus du goulot comme un éteignoirsur une bougie.

– Ça sent le petit blanc, déclara-t-il, avecdu sucre.

Charlevoy et Laurent auraient voulugoûter.

– Il faut pourtant qu’il s’éveille, prononçatout bas Gâteloup. Lui seul peut nous mettre désormais sur lestraces de la vampire !

– Ah ça, l’homme, fit M. Barbaroux, vousavez votre blanc-bec. Il serait temps d’aller se coucher.

Charlevoy et Laurent, au contraire, avaientenvie de voir la fin de tout ceci. C’étaient deux agents parvocation.

– As-tu les moyens de l’éveiller,garçon ? demanda Jean-Pierre à Patou.

– Peut-être, répondit celui-ci.

Puis il ajouta en baissant la voix et en serapprochant :

– Peut-être tous ces gens-là sont-ils de tropmaintenant.

Quand le jeune homme s’éveillera, il peutparler ; il n’aura pas conscience de ses premières paroles.J’aimerais mieux, pour vous et pour lui, qu’il n’y eût pointd’oreilles indiscrètes autour de son réveil.

– Messieurs, dit aussitôt Gâteloup, je vousremercie. M. Barbaroux a raison : nous avons trouvé celuique je cherchais, je n’ai plus besoin de vous.

Mais l’officier de paix avait réfléchi. Cen’est jamais inutilement qu’une administration possède dans sonsein un homme complet comme M. Berthellemot. La grande imagede cet employé supérieur passa devant les yeux de Barbaroux, quidit :

– Vous en parlez bien à votre aise,l’ami ; ne croirait-on pas que vous avez des ordres à nousdonner ? J’ai reçu mission de vous suivre et de vous prêtermain-forte : Je dois soumettre mon rapport à M. lepréfet, et je reste.

Il n’avait pas encore achevé ces sagesparoles, quand le marteau de la porte extérieure, manié à toutevolée, retentit dans le silence de la nuit.

C’était là une interruption tout à faitinattendue. Au premier moment, personne n’en put deviner lanature.

Mais bientôt une voix s’éleva dans la rue, quidisait :

– Ouvrez, au nom de la loi !

– M. Berthellemot ! s’écrièrent enchœur les gens de la préfecture.

M. Barbaroux s’élança le premier, suivides quatre agents, et l’instant d’après, le secrétaire généralfaisait son entrée solennelle. Il avait derrière lui une armée.

Pour se présenter, il avait arboré le souriredéjà bien connu de M. Talleyrand et l’avait ajouté au regardde M. de Sartines.

– Ah ! Ah ! Mon voisin, fit-ilaiguisant avec soin la pointe d’une fine ironie, rien nem’échappe ! Nous avons eu de la peine à retrouver vos traces,mais nous y sommes parvenus. C’est une affaire, c’est une graveaffaire ! Je ne m’explique pas prématurément sur sesramifications, mais tenez-vous pour assuré que j’ai pris des notes…Je vous demande de m’exhiber le prétendu ordre du premier consul,au cas où vous ne l’auriez pas déjà détruit.

– Pourquoi l’aurais-je détruit ? demandaGâteloup en plongeant sa main dans sa poche.

M. Berthellemot jeta à la ronde un coupd’œil satisfait, et répondit en faisant claquer quelques-uns de sesdoigts :

– On ne sait pas, mon voisin, on ne saitpas !

Barbaroux murmura :

– Dès le début, j’ai pensé : il y a dulouche !

Dans la chambre voisine, la suite dusecrétaire général et les agents de Barbaroux causaient avecanimation.

La fausseté de l’ordre signé Bonaparte, dontJean-Pierre Sévérin avait fait usage, n’était déjà plus un mystèrepour personne.

Charlevoy disait :

– Le personnage a de drôles de manières. Si ona à l’emballer, il faut le faire tout de suite, car il a despartisans dans son quartier, et ça occasionnerait une émeute.

– Fouillez-le, ajouta Ézéchiel, et voustrouverez sur lui un cœur, qui prouve comme quoi c’est le chouandes chouans !

Pendant cela, Germain Patou s’occupait deRené, toujours endormi.

Jean-Pierre remit l’ordre àM. Berthellemot, qui fit apporter le flambeau et essuyaminutieusement son binocle.

Quand il eut retourné le papier dans tous lessens et examiné la signature, il toussa.

La toux même de certains hommes éminents a unesignification doctorale.

– M. le préfet ne voit pas plus loin quele bout de son nez ! grommela-t-il. Moi, je juge la situationd’un coup d’œil. Il y a là une affaire d’État où le diable neconnaîtrait goutte. C’est bel et bien le premier consul qui agriffonné ces pattes de mouche. Que ferait ce scélérat de Fouché ensemblable circonstance ? Il irait à Dieu plutôt qu’à sessaints…

– Mon cher voisin, dit-il à haute voix et d’unaccent résolu, en prenant la main de Gâteloup, qu’il serra aveceffusion, M. le préfet est mon chef immédiat, mais au-dessusdu préfet il y a le souverain maître des destinées de la France… jeveux parler du premier consul. Vous témoignerez au besoin de messentiments politiques… Quelle est votre opinion personnelle surcette comtesse Marcian Gregoryi ?

Jean-Pierre fut un instant avant derépondre.

– Monsieur l’employé supérieur, dit-il enfin,prenez une bonne escorte, allez chaussée des Minimes, n° 7, etfouillez la maison de fond en comble.

– Sans oublier la serre, ajouta Germain Patou,et, dans la serre, une trappe qui est sous la troisième caisse, enpartant de la caisse du salon : une caisse de Yuccagloriosa.

Jean-Pierre acheva :

– Quand vous aurez fait là-bas votre besogne,monsieur l’employé, vous ne demanderez plus ce qu’est la comtesseMarcian Gregoryi.

– Messieurs, suivez-moi, s’écria Berthellemot,enflammé d’un beau zèle, et songez que le premier consul a les yeuxsur nous.

Il pensait à part lui :

– Il y a là quelque tour mémorable a jouer àM. le préfet. La double escouade partit au pas accéléré. Unefois dans la rue, M. Berthellemot s’arrêta etappela :

– Monsieur Barbaroux ?

L’officier de paix s’étant approché,Berthellemot le prit à part :

– Dès longtemps, monsieur Barbaroux, luidit-il avec majesté, les soupçons les plus graves étaient éveillésen moi au sujet de cette femme, malheureusement soutenue par dehautes protections. J’ai des rapports particuliers du nomméEzéchiel, qui obéissait en aveugle à une direction intelligentedonnée par moi. J’ai toutes les notes. Sans croire aux vampires,monsieur, je ne repousse rien de ce qui peut être admis par unscepticisme éclairé. La nature a des secrets profonds. Nous nesommes qu’à l’enfance du monde… Je vous charge de veiller surM. Sévérin adroitement et en vous gardant d’exciter sadéfiance. Il a des relations. Si les événements tournent comme ilest permis de le prévoir, nous aurons du mouvement à la préfecture,monsieur Barbaroux, et je ne vous oublierai pas dans lemouvement.

L’officier de paix ouvrait la bouche pourexposer brièvement ses droits à une place de commissaire de police,Berthellemot l’interrompit :

– Je prendrai des notes, dit-il. Vous merépondez de ce M. Sévérin… Vous ne me croiriez pas, monsieur,si je vous disais que toute cette intrigue est pour moi plus claireque le jour.

Il partit, ne joignant qu’Ezéchiel à sonancienne escorte. Charlevoy et Laurent restèrent en observationdans la rue Saint-Louis, sous les ordres de M. Barbaroux quimurmurait :

– Toi, tu vois à peu près aussi clair queM. le préfet, qui voit juste aussi clair que moi, qui n’y voisgoutte !

Cette prosopopée s’adressait àM. Berthellemot. Quand donc les subalternes comprendront-ilsles mérites de leurs chefs ?

Dans la chambre sans fenêtres, Jean-PierreSévérin et son protégé Patou étaient penchés sur le sommeil deKervoz.

– Comme il est changé, murmura Jean-Pierre, etcomme il a dû souffrir !

– Ces quarante-huit heures, réponditl’étudiant en médecine, ont été pour lui un long rêve, ou plutôtune sorte d’ivresse. Il n’a pas souffert comme vous l’entendez,patron.

– La sueur inonde son front et coule sur sajoue hâve.

– Il a la fièvre d’opium.

– Et ne peut-on l’éveiller ?

Germain Patou hésita.

– C’est si drôle les évangiles de ce SamuelHahnemann, murmura-t-il enfin. On n’ose pas trop en parler auxpersonnes raisonnables. C’est bon pour les cerveaux brûlés commemoi… Similia similibus… Si j’étais tout seul, j’essayeraisles Formules du sorcier de Leipzig.

– Quelles sont ces formules ? Ne parlepas latin.

– Je parlerai français. Il y a beaucoup deformules, car le système de Samuel Hahnemann étant précis etmathématique comme une gamme, la chose la plus mathématique qu’il yait au monde, varie et se chromatise selon l’immense échelle desmaux et des médicaments ; seulement ces milliers de formuless’unifient dans LA FORMULE : Similia similibuscurantur, ou plutôt, car la règle elle-même est exprimée d’unefaçon lâche et insuffisante : CECI est guéri par CECI ;au lieu de l’ancienne norme, qui disait : Ceci estguéri par CELA.

– Ce sont des mots, murmura Jean-PierreSévérin, et le temps passe.

– Ce sont des choses, patron, de grandes, denobles choses ! Le temps passe, il est vrai, mais ce ne serapas du temps perdu, car votre jeune ami, M. René de Kervoz,est déjà sous l’influence d’une préparation hahnemannienne. Je luiai délivré le traitement qui convient à son état.

L’œil de Jean-Pierre chercha sur la table denuit une fiole, un verre, quoi que ce soit enfin qui confirmâtl’idée d’un médicament donné.

Il ne vit rien.

– Tu as osé ?… commença-t-il.

– Il n’y a point là d’audace, l’interrompitGermain Patou. Vous pourriez prendre ce qu’il a pris et mille fois,et cent mille fois la dose, sans que votre constitution en éprouvâtaucun choc.

– Cent mille fois ! Répéta Jean-Pierreindigné. Quelle que soit la dose…

– Un million de fois, l’interrompit Patou àson tour. C’est le miracle, et c’est le motif qui retardera lavulgarisation du plus grand système médical qui n’ait jamais éblouile monde scientifique. Quand l’école Sangrado sera à boutd’arguments pour combattre le jeune système, elle s’écriera :Mensonge ! momerie ! imposture ! Hahnemann ne donnerien qu’une matière inerte et neutre : du sucre, du lait ou del’eau claire ! Et en effet, dans ce que Hahnemann distribue,l’analyse chimique ne découvrirait rien.

– Mais alors…

– Mais alors connaissez-vous le chimiste quidécouvrirait, par l’analyse ordinaire, le principe vivifiant du bonair et le principe malfaisant de l’atmosphère en tempsd’épidémie ? Si quelqu’un vous dit qu’il le connaît, répondezhardiment : C’est un menteur ! L’air libre rend les mêmeséléments partout à l’analyse… et pourtant il y a un air qui donnela santé, un air qui produit la maladie… j’entends l’air qui estsous le ciel, car le miasme concentré dans un endroit closs’apprécie chimiquement… Vous pouvez donc être tué ou guéri par unechose infinitésimale, échappant à des instruments quireconnaîtraient aisément la millionième partie de la dosed’arsenic, par exemple, qui ne suffirait pas à vous donner lacolique…

René de Kervoz fit un mouvement brusque surson lit.

– Il a bougé, dit Jean-Pierre.

Patou prit dans la poche de son frac une boiteplate un peu plus grande qu’une tabatière et l’ouvrit :

– J’ai passé bien des nuits à fabriquer cela,dit-il avec un naïf orgueil. On fera mieux, mais ce n’est pas malpour un début.

Dans la boite, il y avait une vingtaine depetits flacons, rangés et étiquetés. Patou en choisit un, disantencore :

– Jusqu’à présent, notre pharmacie n’est pasbien compliquée ; mais le maître cherche et trouve… Là,patron, voulez-vous ma confession ? Si je venais à découvrirque cet homme-là est un fou ou un imposteur, j’en ferais unemaladie !

Ayant débouché un des petits flacons, il enretira une granule qu’il enfila à la pointe d’une aiguille, piquéepour cet objet dans la soie qui doublait la boîte.

René de Kervoz avait entr’ouvert ses lèvrespour murmurer des paroles indistinctes. Patou profita d’un instantoù les dents du dormeur se desserraient, et introduisit lestementle globule, qui resta fixé sur la langue.

– Que lui donnes-tu ? demandaJean-Pierre.

– De l’opium, répondit l’étudiant.

– Comment, de l’opium ! Tu disais tout àl’heure que cette léthargie était produite par l’opium !

– Juste !

– Eh bien ?

– Eh bien, patron, il faudra du temps et de lapeine pour habituer le monde à cette apparente contradiction. Lesystème de l’homme de Leipzig subira une longue, une dureépreuve ; on lui opposera le raisonnement, on lui prodiguerala raillerie. Comment ceci peut-il tuer et guérir ? Tout àl’heure je vous démontrais en deux mots l’effet possible, l’effetterrible d’une dose invisible, impondérable, – infinitésimale,puisque c’est le terme technique. Faut-il vous prouver maintenant,à vous qui avez l’expérience de la vie, que la même chose peut etdoit produire des résultats tout à fait contraires, selon le modeet la quantité de l’emploi ? Dans l’ordre moral, la passion,ce don suprême de Dieu, source de toute grandeur, engendre toutesles hontes et toutes les misères ; l’orgueil avilit,l’ambition abaisse, l’amour fait la haine ; dans l’ordrephysique, le vin exalte ou stupéfie, – selon la dose.

– Je sais cela, dit Jean-Pierre, qui courba latête.

– Le bon La Fontaine, dans une fable quin’amuse pas les enfants, reproche au satyre de souffler lechaud et le froid, employant une seule et même chose :son haleine, à refroidir sa soupe et à réchauffer ses doigts. C’estune image vulgaire, mais frappante, de la nature. Tout, ici-bas,tout souffle le chaud et le froid. L’univers est homogène ; iln’y a pas dans la création, si pleine de contrastes, deux atomesdifférents ; le physicien qui vient de promulguer cet axiomeva changer en quelques années la face de toutes les sciencesnaturelles. Le siècle où nous entrons inventera plus, grâce à cesbases nouvelles, expliquera mieux et produira autant, lui toutseul, que tous les autres siècles réunis…

– Ses yeux essayent de s’ouvrir ! MurmuraGâteloup, dont le regard inquiet était toujours fixé sur René deKervoz.

– Ils s’ouvriront, répliqua Patou.

– Si tu lui donnais encore une de ces petitesdragées ?

– Bravo, patron ! s’écria l’étudiant enriant. Vous voilà converti à l’opium qui réveille, malgré lefacit dormire de Molière, qui est la vérité même ! Jen’ai pas eu besoin de vous citer le plus extraordinaire et le plussimple parmi les faits scientifiques de ce temps : lecow-pox d’Édouard Jenner, sa vaccine, qui est le virusmême de la petite vérole et qui préserve de la petite vérole.

– Donne une dragée, garçon.

– Patience ! la dose ne suffit pas ;il faut l’intervalle… on s’enivre aussi avec ces joujoux qu’onnomme des petits verres, quand on les vide trop souvent.

Jean Pierre essuya la sueur de son front,Patou tenait la main du dormeur et lui tâtait le pouls.

– Mais enfin, grommela Gâteloup, dont lavieille raison se révoltait encore, si tu me trouvais, un beaumatin, couché sur le carreau de la chambre, avec de l’arsenic pleinl’estomac…

– Patron, interrompit l’étudiant, vous n’avezpas besoin d’aller jusqu’au bout. Je vais vous répondre. Le jour oùla vérité m’a frappé comme un coup de foudre, c’est que, n’espérantplus rien de la médication ordinaire et me trouvant auprès d’unmalheureux, empoisonné par l’arsenic, j’essayai au hasard laprescription du maître ; je donnai au mourant del’arsenic…

– Et tu le sauvas ?…

– J’eus tort, car c’est notre amiÉzéchiel ; mais, morbleu ! je le sauvai.

Gâteloup lui serra la main violemment.

Les lèvres de Kervoz venaient d’exhaler unson.

Ils firent silence tous deux. Au bout dequelques secondes, la bouche de René s’entrouvrit de nouveau, et ilprononça faiblement ce nom :

« Angèle ! »

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