Le Pont des soupirs

Chapitre 30LE CAMP DU GRAND-DIABLE

Il faut que nous revenions maintenant à Roland Candiano. On a vuqu’après son étrange rencontre avec Léonore, il avait chargéScalabrino de quelques ordres aux chefs de la montagne et de laplaine, et qu’il s’était aussitôt éloigné de Venise.

Roland se donnait à lui-même ce prétexte, qu’il fallait voir auplus tôt Jean de Médicis et empêcher à tout prix sa conjonctionavec le doge Foscari.

En réalité, il fuyait Venise, parce que Venise lui étaitinsupportable, parce qu’il avait peur d’une nouvelle rencontre avecLéonore, peur de lui-même, peur de son amour !

« Quoi ! se disait-il tout en chevauchant le long desroutes ombragées de cyprès monstres, de cèdres et de sycomoresgéants, quoi ! je l’aime donc encore à ce point !Quoi ! j’ai souffert une éternité de douleur, son nom ameurtri mes lèvres à chaque seconde, chaque pulsation de mon cœur aété un soupir d’amour et elle m’a trahi odieusement, comme ladernière des malheureuses du port n’eût pas trahi son barcarolpréféré ! Quoi ! elle a profité de ce que j’étais dans uncachot pour se donner à un autre ! Elle savait que je pleuraisdes larmes de sang et courait à l’autel !… Et je l’aimeencore !… De quelle boue est donc fait mon cœur !… Cettenuit, froide, impassible, tandis que je mordais ma langue pourarrêter le cri d’amour qui montait à mes lèvres, a-t-elle euseulement un mot de regret !… Elle m’a fait l’aumône de metirer du guet-apens, elle m’a fait la charité d’un peu de liberté.Elle a fait cela comme elle l’eût fait pour tout autreproscrit… »

Roland enfonçait alors ses éperons dans les flancs de sa montureet se lançait dans un galop furieux, comme s’il eût espéré que lecheval fou de douleur l’entraînerait dans quelque précipice…

Puis, peu à peu, les pensées de vengeance se substituèrent auxpensées d’amour et de désespoir. Roland songea à ce Foscari quiétait une des causes les plus directes de son malheur. Il évoquafortement la terrible scène de l’aveuglement de son père.

« Il ne s’est rien passé de nouveau, murmura-t-il. Léonoren’existait plus pour moi. Elle n’existe pas davantage maintenant.Mais ce qui existe, c’est l’infernal Foscari ; c’est sonambition ; et si je le laisse faire, l’homme qui a suppliciémon père deviendra le maître de l’Italie… Mais je suis là… et quantaux autres, nous verrons, ensuite ! »

Dès lors, il concentra toute sa force de raisonnement sur lamission qu’il entreprenait : empêcher par tous les moyens,même par la violence, une entente entre le doge Foscari et Jean deMédicis.

Il avait pris ses renseignements.

Et d’ailleurs, les faits et gestes du célèbre capitaine étaientanxieusement suivis ; le bruit de ses démarches etcontre-démarches se répandait rapidement dans toute l’Italie.

À ce moment, Jean de Médicis assiégeait la forteresse deGovernolo.

Il avait avec lui une armée disparate, gens de sac et de corde,qui professaient pour leur chef une admiration fanatique.

Quelques historiens l’ont appelé un « aimableguerrier ».

Cet « aimable guerrier » était redouté comme un fléau.Il avait relevé avec une sorte d’insolence le titre que lui avaientdonné ses soldats et se faisait une gloire de justifier cesobriquet de Grand-Diable qu’il avait accepté.

Il lui arrivait de faire tranquillement passer un ou deuxmilliers de citoyens au fil de l’épée ; mais il aimait àrire.

Et c’est sans doute en riant qu’il donnait l’ordre de piller etd’incendier les villes qui tombaient en son pouvoir.

Roland arriva la nuit près de Governolo, au camp duGrand-Diable. Jean de Médicis, qui voulait lancer bientôt sessoudards à l’assaut de la place, leur avait accordé une nuit delicence. La joie était au camp, dit Philareste Chasles, et la nuitse passait en fête. Mille et mille cris de : Vive leGrand-Diable (Eviva il Grand-Diavolo !)retentissaient de toutes parts.

Il faisait froid. Une bise aigre sifflait à travers les arbreset les tentes. On avait allumé de grands feux. Une joie énormemontait de ce camp où étaient accourues « les beautésfaciles » des environs.

Et sous les grands chênes qui, malgré les froids, conservaienten partie leur feuillage épais, à la lumière sombre des torches oudans l’embrasement rouge des feux, apparaissaient des groupes desoudards qui mangeaient, buvaient, chantaient et enlaçaient desfemmes. C’était la débauche qui précède les batailles.

Des jurons, de rauques chansons, des vociférations de joueurs,des hurlements sauvages de soldats se disputant une femme, voilà ceque vit et entendit Roland qui traversa cette cohue de reîtres lecœur soulevé de dégoût.

Il demanda à être conduit auprès du chef.

Le Grand-Diable était sous sa tente, au milieu du camp, entouréde quelques-uns de ses lieutenants préférés. La tente étaitvaste ; un grand feu brûlait devant l’ouverture, et en avantdu feu, douze cavaliers immobiles, l’escopette au poing, montaientla garde. Une grande table avait été dressée. Jean de Médicis etses officiers y avaient pris place, tandis que des joueurs de luthet de flûtes essayaient vainement de couvrir la voix énorme de laripaille et de la débauche qui montait du camp dans un grandsouffle rauque. Jean de Médicis buvait, mangeait, riait à gorgedéployée, et n’eût été son costume, on l’eût pris pour un de cesreîtres que Roland avait aperçus sous les chênes, dans la lueur desbrasiers.

Lorsque Roland parut devant lui, il fronça le sourcil :

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

– Je viens de Venise, dit Roland, et j’ai à vous parler ensecret ! je suis Roland Candiano, fils du doge Candiano,lâchement surpris en pleine fête, et aveuglé dans sonpalais. »

Un sourd frémissement accueillit ces paroles prononcées d’un toncalme.

L’effrayante histoire des Candiano était connue ; elleétait presque passée à l’état de légende de terreur, et quant à latragique aventure de Roland Candiano, arrêté, jeté dans les puitsau moment de ses fiançailles, elle était devenue légende d’amour etde pitié.

« Je croyais, dit Jean de Médicis, que vous étiez enprison ?

– On sort d’une prison, même quand cette prison s’appelleles puits de Venise.

– Vous voulez donc me parler ?

– Si cela vous agrée.

– Soyez le bienvenu à ma table et dans ma tente, dit alorsle Grand-Diable. J’ai connu Candiano ; c’était un homme tropbon et qui connaissait mal le moyen de gouverner en paix ;mais enfin, c’était un homme qui dans l’occasion savait rendreservice, et je m’en trouvais bien, il y a quelque dix ans. Que sonfils soit donc le bienvenu parmi nous… »

En disant ces mots, Jean de Médicis désigna à Roland une placeprès de lui. Roland s’assit et choqua contre le verre duGrand-Diable le verre qu’on venait de remplir devant lui. Cet actede politesse accompli, il ne toucha ni aux mets ni aux vins.

Les rires et les conversations bruyantes fusaient de nouveau etemplissaient de tumulte la vaste tente. Jean de Médicis examinait àla dérobée son invité, et admirait sa mâle beauté, la force et lasouplesse qui paraissaient évidentes à chacun de sesmouvements.

« S’il compte sûr moi pour l’aider à reprendre la couronnedu vieux Candiano, il se trompe fort, songeait-il. Par tous lesdiables, Foscari est un rude jouteur et je ne me soucie pas del’avoir contre moi. Mais s’il veut accepter de commander une partiede mon armée, j’aurai fait cette nuit une bonneacquisition. »

Tout en monologuant ainsi en lui-même, le Grand-Diable nelaissait pas que d’interroger Roland sur son séjour au fond despuits, sur la manière dont il avait été arrêté, comment il s’étaitévadé… Roland lui répondait sobrement, en quelques mots.

Mais chacune de ses réponses donnait de lui une plus haute idée.Lorsque le Grand-Diable annonça enfin à ses officiers qu’il étaittemps de se retirer, il était résolu à faire des propositions àRoland pour prendre du service auprès de lui, et à lui confier ungrade important.

Les officiers, les serviteurs, les joueurs de luth se retirèrentavec une rapidité qui prouvait que la discipline relâchée enapparence dans ce camp de la débauche était très puissante enréalité !

« Nous voilà seuls, dit alors le Grand-Diable ;parlez ! Qu’avez-vous à me dire ?… Laissez-moi vousprévenir tout d’abord que je suis empêtré dans des opérations deguerre qui dureront longtemps, s’il plaît au diable, monpatron ; je ne pourrais, donc, à mon regret, tenter pour vousle moindre mouvement du côté de Venise. »

Roland secoua la tête et sourit dédaigneusement.

« Rassurez-vous, dit-il, je fais mes affaires moi-même, etlorsque je rentrerai dans le palais ducal, ce sera parce que jel’aurai voulu, et non parce qu’on m’y aura conduit.

– Par le Ciel ! vous me plaisez ainsi… et je ne vouscache pas que j’ai conçu de vous la plus haute estime, s’il vousagrée de commander sous mes ordres…

– Je n’obéis qu’à moi-même, dit Roland ; mais je vousremercie de l’offre que vous me faites et de la pensée généreusequi l’inspire.

– Que voulez-vous donc ? » fit Jean de Médicisétonné.

Roland se recueillit un instant.

« Jean de Médicis, dit-il, vous êtes un homme de guerre, etnon un homme de diplomatie ; vous êtes redouté parce que vousavez une armée qui vous suit aveuglément et que vos faits d’armespassés donnent la mesure de ce que vous pouvez entreprendre ;mais vous devez rester le grand guerrier que vous êtes ; sivous vous mêlez d’intrigues, vous y perdrez votre prestige.

– Et qui vous dit que je veuille intriguer ?

– C’est là pourtant ce qu’on veut vous proposer.

– Qui cela ?

– Le doge Foscari.

– Ah ! ah ! fit Jean de Médicis qui devintsongeur.

– Il y a, reprit Roland, une lutte à mort entre Foscari etmoi ; Jean de Médicis, je viens vous demander de demeurerneutre entre nous deux.

– Expliquez-vous, dit froidement le Grand-Diable.

– Foscari a fait subir à mon père un supplicehorrible ; Foscari m’a jeté dans les puits de Venise où j’aipassé six ans ; Foscari doit être puni, lui et sescomplices… »

Roland prononça ces mots avec un tel accent de haine que Jean deMédicis tressaillit.

« Tous ceux qui aideront nos ennemis seront mes ennemis,continua Roland. J’ai entrepris contre Foscari et ses complices uneguerre sans merci. J’y mourrai ou ils mourront, pas de milieu. Or,pendant que dans le port, dans le peuple de Venise, je sapeactivement la puissance de Foscari, lui songe à se créer des alliéspour de vastes entreprises qui le mettraient, s’il réussissait,hors de ma portée… Et le premier de ces alliés auxquels il songe,c’est vous, Jean de Médicis…

– Comment le savez-vous ?…

– Foscari vous a envoyé un ambassadeur, un homme que vousconnaissez…

– Qui donc ?

– Pierre Arétin.

– Pietro ! Ce bon Pietro !… Je serai ravi de lerevoir…

– Vous ne le reverrez pas ; j’ai saisi Pierre Arétin,j’ai su le secret de l’ambassade dont il était chargé, je l’ai misen lieu sûr et je viens à sa place.

– Vous avez fait cela, vous !

– Oui, Jean de Médicis, je l’ai fait.

– Et c’est à moi que vous venez le dire ! Parbleu,vous ne manquez pas d’audace, je l’avoue !

– Jean de Médicis, dit Roland, l’audace est ma dernièrerichesse.

– Et vous dites que vous savez ce que Pierre Arétin étaitchargé de me dire ?

– Je vais vous répéter les paroles mêmes que l’Arétindevait vous transmettre de la part de Foscari. Seulement je lesrésume et les dépouille de tous les artifices dont il n’eût pasmanqué de les envelopper. Foscari veut s’emparer de l’Italie et enfaire un royaume unique. Il vous propose de joindre à votre arméel’armée de Venise augmentée de sa flotte qui servirait à déposerdes troupes sur les côtes et à éloigner les étrangers quivoudraient s’opposer à la combinaison[3] . Une foisl’Italie soumise, vous régneriez tous les deux, lui au nord avecVenise ou Milan comme capitale, vous au midi avec Rome ou Naplespour capitale. Voilà le plan dans sa simplicité. Telle estl’alliance que vous propose Foscari. Qu’en pensez-vous ?

– Et si je vous dis ce que j’en pense, vous chargerez-vousde faire tenir ma réponse à Foscari comme vous m’avez apporté sesoffres ?

– Sans nul doute, quelle que soit cette réponse. Rien nem’était plus facile que de vous laisser ignorer les propositions dudoge.

– Étonné de mon silence, il m’eût envoyé un autredéputé.

– Peut-être ! quoi qu’il en soit, je serai aussi loyalau retour que je le suis ici. Vous pouvez donc parlerfranchement.

– Soit. Le plan de Foscari dans son ensemble me paraîtgrandiose ; c’est une idée de génie et il serait dommage qu’unhomme comme moi n’aidât pas à sa réussite. En principe, donc,j’accepte l’alliance proposée. Voilà ce que vous aurez à dire àFoscari.

– C’est tout ?

– C’est tout pour le moment. Pour une entente définitive,il faut une entrevue entre le doge et moi. Cette entrevue, le lieu,le jour, je les lui indiquerai par un courrier que j’enverrai àVenise. Et ce, dans trois ou quatre jours au plus tard. Dès demainmatin, je veux aller étudier le point faible de Governolo etcombiner l’assaut qui aura lieu après-demain. Un jour pour lepillage… Puis-je faire partir mon courrier que vous précéderezseulement de trois ou quatre levers de soleil ? »

Le Grand-Diable, en prononçant ces derniers mots, avait pris unton narquois qui n’échappa pas à Roland. Celui-ci comprit que leterrible guerrier méditait quelque guet-apens. Mais il demeuracalme et grave, sans qu’un pli de sa physionomie décelât en lui uneinquiétude quelconque.

La proposition de Foscari enthousiasmait, en effet, Jean deMédicis. Il répéta à diverses reprises entre ses dents :

« Superbe !… Idée superbe !… Digne demoi !… »

Cependant ; il s’était renversé sur le dossier de sonsiège, et, les yeux à demi fermés, il étudiait Roland, d’un regardironique.

« Ainsi, reprit Roland, vous acceptez ?… Sansréflexion, sans hésitation, du premier coup, vousacceptez ?

– Qu’est-il besoin de tant de réflexion ! s’écria leGrand-Diable. L’idée est superbe, vous dis-je, et je l’accepte.

– Il me reste à vous faire quelques objections.

– Venant d’un homme aussi hardi et aussi mesuré que vous,elles seront les bienvenues, Candiano.

– Voici donc la première, dit Roland toujours aussi calme.Elle vous concerne personnellement. Vous êtes, à mon avis, homme deguerre avant tout. Je crois réellement que la diplomatie vousperdra. Vous pouvez certes, en unissant votre armée et vos effortsà ceux de Foscari, vous emparer de l’Italie, bien que l’entrepriseen elle-même comporte plus de difficultés que vous n’en supposez.Milan, Florence, Pise, Mantoue sont des républiques puissantes quiformeront une redoutable ligue. Mais supposons qu’après dix ans etplus peut-être de guerres sanglantes vous ayez réussi, supposonsl’Italie vaincue prête à vous accepter pour maître. Supposons mêmeune chose impossible : le pape consentant votre royauté,l’Europe ne se levant pas à son appel… Admettons tout cela. Vousvoilà en présence de Foscari. Votre rôle est terminé. Le siencommence. Le guerrier s’efface, le diplomate entre sur cette scènerouge de sang que vous avez préparée… Que se passe-t-il alors, àvotre avis ? »

Jean de Médicis avait suivi très attentivement les paroles deRoland. Le pli ironique de ses lèvres avait disparu.

Cet air de confiance illimitée que reflétait son visage deguerrier heureux s’était évanoui. Roland constata l’effet qu’ilvenait de produire et se hâta de continuer :

« Je ne parle pas de la résistance certaine et peut-êtrevictorieuse de Venise elle-même. Venise que ses destinéesconduisent à un avenir de liberté, Venise qui regarde vers la meret non vers la terre, Venise qui aspire à la paix, au commerce, àla gloire des arts, sera sans doute la première à se révolter. Maisje reviens à ma question. Vainqueur, que ferez-vous ?

– Par le diable, mon patron, je régnerai à Naples, sinon àRome même ! Qui donc saurait alors m’en empêcher ?

– Qui ? Votre associé, Jean de Médicis ! Je neveux pas dire votre complice. Je connais Foscari. Je l’ai percé àjour. Quand vous aurez conquis l’Italie, il y aura un roi unique,et ce roi…

– Ce sera moi ! » gronda Jean de Médicis enassenant sur la table un coup de poing qui fit trembler les verresdont elle était chargée.

Mais se reprenant aussitôt, comme s’il eût craint d’avoirdévoilé sa pensée :

« Foscari sera loyal. Il le sera de force, s’il ne veutl’être de bon gré.

– Soit, dit Roland, j’en ai donc fini avec les objectionsqui vous concernent. Il me reste à vous exposer celles qui me sontpersonnelles. Je vous ai dit les motifs de haine que j’ai contreFoscari. Si vous devenez son associé, vous faites obstacle à ce quej’ai résolu de faire. Jean de Médicis, je vous jure sur ma mèremorte de souffrance et de douleur, sur la tête de mon pèresupplicié, je vous jure que rien au monde ne peut sauver Foscari,du moment que je supprimerai tout obstacle qui se dressera entre ledoge et le châtiment que je porte dans ma pensée. »

Roland se leva, et dit :

« Réfléchissez, Jean de Médicis.

– Je crois que vous me menacez ! fit le Grand-Diableen se levant de son côté.

– Je vous préviens, voilà tout. Foscari, c’est lecrime ; moi, je suis la vengeance. Choisissez,Médicis !

– Mon choix est fait ! rugit le Grand-Diable.Holà ! à moi ! »

Une douzaine d’officiers se ruèrent dans la tente.

« Qu’on s’empare de cet homme ! ordonna Jean deMédicis. Et qu’on le garde à vue jusqu’à ce que j’aiestatué. »

Roland fut aussitôt entouré. Il demeura aussi impassible qu’ill’avait été depuis son entrée dans la tente.

« Médicis, dit-il froidement, je vous ai donné à choisirentre le Crime et la Justice ! Prenez garde ! Il estencore temps…

– Qu’on l’emmène ! répondit le Grand-Diable.

– C’est donc vous qui l’aurez voulu !… »

Roland jeta ce mot sans colère apparente.

Il parlait encore que les deux officiers les plus rapprochés delui lui mirent la main à l’épaule.

On connaît la force herculéenne de Roland.

Au moment même où il jetait au Grand-Diable une dernière menace,il se ramassa sur lui-même ; sa physionomie si froidejusqu’alors, se transformant, devint terrible, flamboyante.

Il écarta les deux bras d’un geste foudroyant.

Les deux officiers roulèrent comme assommés.

D’un bond, Roland se jeta alors vers la porte de la tente.

« Arrête ! Arrête ! hurla le Grand-Diable.

– Trahison ! Arrête ! Arrête ! »hurlèrent à leur tour les huit ou dix officiers restants quiformèrent entre Roland et la porte une barrière hérissée depoignards.

En même temps, une troupe nombreuse de soldats, attirés par lescris, s’avançaient vers la tente, tandis que les cavaliers de gardeformaient un demi-cercle et levaient leurs pistolets. Roland avaittiré la lourde épée de combat qui ne le quittait jamais.

Il était acculé à un coin de la tente, et d’un effort de géant,avait attiré à lui la vaste table qui lui forma un rempart.

« Arrête ! Arrête ! hurlait le Grand-Diable,tandis qu’un tumulte de prise d’armes se déchaînait dans lecamp.

– Médicis ! rugit Roland, souviens-toi que tu asrepoussé ma justice et que ma justice tecondamne !… »

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