Le Puits de Sainte Claire

III – Le docteur séraphique

Fra Giovanni n’était point avancé dans laconnaissance des lettres, et il se réjouissait de son ignorancecomme d’une source abondante d’humiliations.

Mais, ayant vu, dans le couvent deSainte-Marie-des-Anges, plusieurs docteurs en théologie méditer surles perfections de la très Sainte Trinité et sur les mystères de laPassion, il douta s’ils n’avaient pas plus que lui l’amour de Dieu,par l’effet d’une plus grande connaissance.

Il fut contristé dans son âme, et, pour lapremière fois, il tomba dans la tristesse. Et ce sentiment étaitcontraire à son état. Car la joie est la part des pauvres.

Il résolut de porter son inquiétude au généralde l’ordre, afin de s’en délivrer comme d’un fardeau inique. Or,Giovanni di Fidanza était alors général de l’ordre.

Dans les langes, il avait reçu de saintFrançois le nom de Bonaventure. Il avait étudié la théologie àl’université de Paris. Et il excellait dans la science de l’amour,qui est la science de Dieu. Il connaissait les quatre degrés quiélèvent la créature au Créateur, et il méditait le mystère des sixailes des chérubins. C’est pourquoi il était nommé le Docteurséraphique.

Et il savait que la science est vaine sansl’amour. Fra Giovanni l’alla trouver tandis qu’il se promenait dansle jardin, sur la terrasse qui domine la ville.

Ce jour était un dimanche. Et les artisans dela ville et les paysans qui travaillent aux vignes gravissaient, aupied de la terrasse, la rue montueuse qui conduit à l’église.

Et Fra Giovanni, voyant frère Bonaventure dansle jardin, au milieu des lys, s’approcha de lui et dit :

« Frère Bonaventure, ôtez de mon espritle doute qui me tourmente et répondez-moi. Un ignorant peut-ilaimer Dieu avec autant d’amour qu’un savant ? »

Et frère Bonaventure répondit :

« Je vous le dis en vérité, FraGiovanni : une pauvre vieille femme peut égaler et surpasseren l’amour de Dieu tous les docteurs en théologie. Et comme laseule excellence de l’homme est dans l’amour, je vous le disencore, mon frère : telle femme très ignorante sera élevéedans le ciel au-dessus des docteurs. »

Fra Giovanni, en entendant ces paroles, futcomblé de joie. Et, se penchant sur le mur bas du jardin, ilregarda avec amour les passants. Et il cria de toute savoix :

« Femmes pauvres, simples et ignorantes,vous serez placées dans le ciel bien au-dessus de frèreBonaventure. »

Et le Docteur séraphique, au discours du bonfrère, sourit parmi les lys du jardin.

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