Les Temps difficiles

Chapitre 18M. James Harthouse.

 

La coterie Gradgrind éprouvait le besoin de serenforcer, il lui fallait de nouveaux adeptes pour l’aider à couperla gorge aux Grâces. Ils allaient cherchant partout des recrues, etoù donc pouvaient-ils trouver de meilleurs recrues que parmi lesbeaux messieurs qui, à force d’être blasés sur toutes choses, sontégalement prêts à tout ?

D’ailleurs ces dispositions d’espritsalutaires qui élèvent un homme jusqu’aux sublimes hauteurs del’indifférence ne manquaient pas d’attraits pour la plupart desmembres de l’école Gradgrind. Ils admiraient les beauxmessieurs ; ils ne voulaient pas en avoir l’air, mais c’estégal, ils ne s’en épuisaient pas moins à les imiter ; ilsaffectaient de traîner leurs mots comme eux, et ils débitaient d’unair énervé comme eux les petites rations moisies d’économiepolitique dont ils régalaient leurs disciples. Jamais on ne vit surcette terre une race hybride aussi surprenante que celle-là.

Parmi les beaux messieurs qui n’appartenaientpas en propre à l’école Gradgrind, il s’en trouvait un de bonnefamille et de meilleure mine, avec une heureuse veined’humour, laquelle avait produit le plus grand effet dansla Chambre des Communes, lorsqu’il avait expliqué, à son point devue (et à celui du conseil d’administration), certain accident dechemin de fer, où les employés les plus vigilants qu’on ait jamaisvus, payés par les directeurs les plus généreux qu’on ait jamaisconnus, aidés par les meilleurs procédés mécaniques qu’on aitjamais inventés, le tout appartenant à la ligne la mieux construitequ’on ait jamais tracée, avaient tué cinq voyageurs et en avaientblessé trente-deux, par suite d’une éventualité sans laquellel’excellence du système adopté fût certainement restée incomplète.Parmi les victimes se trouvait une vache, et parmi les objetséparpillés que personne n’avait réclamés, un bonnet de veuve. Etl’honorable membre avait tellement amusé la Chambre (qui a unsentiment si délicat de l’humour et de l’à-propos), en posant cebonnet sur la tête de la vache, que l’assemblée ne voulut plusentendre parler de l’enquête demandée, et s’empressa d’absoudre lesadministrateurs au milieu des bravos et des fous rires.

Or, ce monsieur possédait un jeune frère quiavait encore meilleure mine que son aîné, qui avait commencé sonapprentissage de la vie comme cornette dans un régiment de dragons.Il avait trouvé ce métier assommant, et, pour changer, était partipour l’étranger à la suite d’un ambassadeur de Sa Majestébritannique ; cela lui avait paru encore plus assommant. Plustard, il s’était mis à voyager en flânant jusqu’à Jérusalem ;il avait encore trouvé la chose assommante, enfin il avait parcourule monde dans son yacht sans rien trouver qui ne fût assommant.C’est à ce jeune homme assommé que l’honorable et facétieux membrede la Chambre avait dit un jour, d’un ton fraternel :

« Jem, il y a moyen de faire son cheminparmi nos hommes d’État positifs ; ils ont besoin de recrues.Pourquoi n’essayerais-tu pas de la statistique ? »

Jem, sensible à la nouveauté de cettevocation, qui lui promettait au moins un peu de variété, ne sesentit pas plus de répugnance pour essayer de la statistique quepour toute autre chose. Il essaya donc. Il se prépara par lalecture de quelques livres bleus, et son frère alla disant auxhommes d’État positifs :

« Si vous avez besoin, pour quelqueville, d’un joli garçon qui puisse vous faire des discours un peubons, vous n’avez qu’à prendre mon frère Jem. C’est tout à fait cequ’il vous faut. »

Après divers essais oratoires dans quelquesmeetings publics Jem fut accueilli par M. Gradgrindet par un conseil d’autres prophètes politiques qui résolurent dele diriger sur Cokeville, afin qu’il se fît connaître dans la villeet aux environs avant l’élection prochaine. De là cette lettre queJem avait montrée la veille au soir à Mme Sparsit,et que M. Bounderby tenait en ce moment à la main. Elle étaitadressée à « James Bounderby, banquier. Cokeville. Pourprésenter James Harthouse, Thomas Gradgrind. »

Une heure après avoir reçu cette dépêche,accompagnée de la carte de M. James Harthouse,M. Bounderby mit son chapeau et se dirigea vers l’hôtel. Il ytrouva M. James Harthouse qui regardait par la fenêtre dansune situation d’esprit si ennuyée, qu’il avait presque envie déjàd’essayer d’autre chose.

« Monsieur, dit le visiteur, je m’appelleJosué Bounderby de Cokeville. »

M. James Harthouse fut enchanté (il n’enavait guère l’air) d’une rencontre qu’il désirait depuislongtemps.

« Cokeville, monsieur, ditM. Bounderby, prenant tout bonnement une chaise, ne ressemblepas aux endroits que vous avez déjà pu voir. Donc, si vous voulezbien le permettre, ou que vous le veuillez ou non, car je suis unhomme tout rond, je vais vous donner quelques détails avant d’allerplus loin. »

M. Harthouse témoigna qu’il serait charméde les entendre.

« Ne vous avancez pas trop, ditBounderby. Je ne vous promets pas ça. D’abord vous voyez notrefumée. C’est ce qui nous fait vivre. C’est ce qu’il y a de plussain au monde sous tous les rapports, et surtout pour les poumons.Si vous êtes de ceux qui veulent nous forcer à consumer notrefumée, nous ne nous entendrons seulement pas. Nous n’avons pasenvie d’user le fond de nos chaudières plus vite que nous ne lefaisons déjà, pour toutes les stupides criailleries qu’on pourraélever en Angleterre et en Irlande. »

Afin de donner à son essai toutes leschances possibles de réussite, Harthouse répondit :

« Monsieur Bounderby, je vous assure queje partage complètement votre manière de voir : et cela parconviction.

– Tant mieux, dit Bounderby. Il estprobable aussi qu’on vous a beaucoup parlé du travail de nosmanufactures ? Oui, n’est-ce pas ? Très-bien. Je vaisvous dire ce qui en est. C’est le travail le plus agréable et leplus facile qui existe, et il n’y a pas d’ouvriers mieux payés queles nôtres. Qui plus est, il nous serait impossible de rendrel’intérieur des fabriques plus confortable, à moins de poser destapis de Perse sur les parquets, ce que nous n’avons nulle envie defaire.

– Et vous avez parfaitement raison,monsieur Bounderby.

– Enfin, dit Bounderby, il faut que voussachiez à quoi vous en tenir sur le compte de nos ouvriers. Tousles Bras de cette ville, monsieur, hommes, femmes et enfants, sansexception, n’ont qu’un objet en vue. Ils veulent qu’on lesnourrisse de soupe à la tortue et de gibier avec une cuiller d’or.Or, nous n’avons nulle idée de les nourrir de soupe à la tortue etde gibier avec une cuiller d’or. Maintenant vous connaissezCokeville. »

M. Harthouse déclara que ce résumésuccinct de la situation cokebourgeoise l’avait instruit etintéressé au plus haut degré.

« Voyez-vous, continua M. Bounderby,lorsque je fais la connaissance d’un homme, surtout d’un hommepublic, je commence par m’entendre avec lui sans y aller par quatrechemins. Je n’ai plus qu’un mot à dire, monsieur Harthouse, avantde vous assurer du plaisir que j’aurai, dans la limite de mespauvres moyens, à faire honneur à la lettre d’introduction de monami Tom Gradgrind. Vous êtes un fils de famille. N’allez pas vousfouryoyer en vous imaginant un seul instant que je suis,moi, un fils de famille. Je suis une franche racaillesortie de la lie du peuple. »

Si quelque chose avait pu augmenter l’intérêtque M. Bounderby inspirait à Jem Harthouse, cette dernièrecirconstance eût produit cet effet : ou, du moins, il nemanqua pas d’en donner l’assurance.

« Sur ce, poursuivit M. Bounderby,nous pouvons nous donner une poignée de main sur un pied d’égalité.Je dis d’égalité, parce que, bien que je sache mieux quepersonne ce que je suis, et la profondeur exacte de la boue dont jeme suis tiré, je suis aussi fier que vous. Je suis tout aussi fierque vous. Maintenant que j’ai sauvegardé mon indépendance :Comment vous portez-vous ? J’espère que ça vabien ? »

M. Harthouse donna à entendre, tandisqu’ils échangeaient une poignée de main, que ça allait bien, que çaallait même très-bien, grâce à l’atmosphère salubre de Cokeville.M. Bounderby accueillit très-favorablement cette réponse.

« Peut-être savez-vous, dit-il, oupeut-être ne savez-vous pas, que j’ai épousé la fille de TomGradgrind. Si vous n’avez rien de mieux à faire que dem’accompagner à l’autre bout de la ville, j’aurai beaucoup deplaisir à vous présenter à la fille de Tom Gradgrind. »

– Monsieur Bounderby, répliqua Jem, vousvenez au-devant de mon plus cher désir. »

L’entretien se termina là et ils sortirent.M. Bounderby pilota sa nouvelle connaissance (qui formait aveclui un si frappant contraste) jusqu’à la demeure de briques rouges,avec les volets noirs à l’extérieur et les stores verts àl’intérieur, et la porte d’entrée noire, exhaussée de deux marchesblanches. Dans le salon de cet hôtel, on vit bientôt paraître lafille la plus bizarre que M. James Harthouse eût jamaisrencontrée. Elle était si embarrassée et pourtant siinsoucieuse ; si réservée et pourtant si attentive ; sifroide, si fière et pourtant si sensitive, si honteuse del’humilité fanfaronne de son mari, dont chaque exemple la faisaittressaillir comme si elle eût reçu un coup en pleine poitrine, queJem éprouva une sensation toute nouvelle en la voyant. Le visage deLouise n’était pas moins remarquable que ses manières ; maisle jeu naturel de sa physionomie était tellement contenu qu’ilétait impossible d’en deviner la véritable expression. Complètementindifférente et sûre d’elle-même, jamais gênée et pourtant jamais àson aise, elle se trouvait auprès d’eux en personne, mais elles’isolait par la pensée. James Harthouse vit qu’il serait inutiled’essayer d’ici à quelque temps de comprendre cette fille, tantelle déjouait toute sa pénétration.

Après avoir examiné la maîtresse de la maison,le visiteur jeta un coup d’œil sur la maison elle-même. Il n’yavait dans la chambre aucun de ces indices muets qui annoncent laprésence d’une femme. Point de ces petites décorations gracieuses,de ces charmantes inutilités qui attestent une influence féminine.Froide et incommode, d’une richesse arrogante et revèche, cettechambre effrontée dévisageait les gens sans vergogne, ne laissantsoupçonner nulle part la plus légère trace d’une occupationféminine, qui en aurait au moins adouci la rudesse. TelM. Bounderby se dressait au milieu de ses dieux pénates,telles ces divinités rigides d’orgueil et d’opulence encadraient deleur roideur celle de M. Bounderby. Il y avait entre eux uneharmonieuse sympathie.

« Voilà ma femme, monsieur, ditBounderby ; Mme Bounderby, fille aînée de TomGradgrind. Lou, je vous présente M. James Harthouse.M. Harthouse s’est enrôlé sous le drapeau de votre père. S’ilne devient pas, sous peu, le collègue de Tom Gradgrind, nousentendrons au moins, j’espère, parler de lui pour les élections dequelque bourg voisin. Vous voyez, monsieur Harthouse, que ma femmeest plus jeune que moi. Je ne sais pas ce qu’elle a pu trouver enmoi pour l’engager à m’épouser, mais il faut bien qu’elle y aittrouvé quelque chose ; autrement, je suppose, elle ne m’auraitpas épousé. Elle a une masse de connaissances très-précieuses,monsieur, politiques et autres. Si vous voulez vous préparer, enmoins de rien, à faire un discours sur un sujet quelconque, jeserais embarrassé pour vous recommander un meilleur professeur queLou Bounderby.

– Il serait toujours impossible derecommander à M. Harthouse un professeur plus aimable et dontil eût plus de plaisir à suivre les leçons.

– Allons ! dit M. Bounderby, sivous donnez dans les compliments, vous ferez votre chemin, car iln’y a pas ici de concurrence à craindre. Je n’ai jamais été à mêmed’étudier les compliments et j’ignore l’art de les faire. Soyonsfranc, je les méprise. Mais vous n’avez pas été élevé commemoi ; j’ai été élevé de la bonne façon, parSaint-Georges ! Vous êtes un gentleman et moi je ne prétendspas l’être. Je suis Josué Bounderby de Cokeville et cela me suffit.Cependant, si moi, je ne me laisse pas influencer par les bellesmanières et la naissance, il se peut que Lou Bounderby les aime.Elle n’a pas eu les mêmes avantages que moi (les mêmesdésavantages, selon vous, peut-être ; moi, je penseautrement), de façon que vous ne perdrez pas vos peines, je n’endoute pas.

– Monsieur Bounderby, dit Jem, setournant vers Louise et souriant, est, à ce que je vois, un nobleanimal resté presque à l’état sauvage et affranchi de tout ceharnais de convention que doit porter un malheureux cheval demanège comme moi.

– Le caractère de M. Bounderby vousinspire beaucoup de respect, je le vois, répondit-elletranquillement, et c’est très-naturel. »

Il fut honteusement démonté, pour un homme quiconnaissait si bien le monde et se demanda :

« Comment dois-je prendre cela ?

– Vous allez vous dévouer, si j’ai biensaisi ce que vient de dire M. Bounderby, au service de votrepays. Vous avez résolu, continua Louise, toujours debout àl’endroit où elle s’était arrêtée, offrant toujours ce bizarrecontraste d’une femme à la fois sûre d’elle-même et mal à l’aise, àmontrer au pays le moyen de sortir de toutes sesdifficultés ?

– Non, madame Bounderby, répliqua-t-il enriant, non, ma parole d’honneur ; je n’ai aucune prétention dece genre et je ne chercherai pas à vous le faire accroire. Jeconnais un peu le monde, ayant couru par-ci par-là, à droite et àgauche ; et j’ai découvert qu’il ne valait pas grand’chose. Iln’y a personne qui n’en soit persuadé ; seulement les unsl’avouent et les autres ne l’avouent pas : je viens toutbonnement servir les opinions de votre respectable père, parce quetoutes les opinions me sont indifférentes, et qu’autant vautdéfendre celles-là qu’une autre.

– Vous n’avez donc pas d’opinion àvous ? demanda Louise.

– Je n’ai pas même conservé l’ombre d’unepréférence. Je vous assure que je n’attache aucune importance à uneidée quelconque. Les mille manières dont j’ai été assommé dans cemonde ont eu pour résultat de me convaincre, (si le mot n’est pastrop sérieux pour le sentiment insouciant que je veux exprimer),que telle série d’idées peut faire tout autant de bien que telleautre, et tout autant de mal que telle autre. Je connais unecharmante famille anglaise qui a une devise italienne. Ce quisera, sera[6]. C’est la seule vérité que jereconnaisse par le temps qui court. »

Il remarqua que cette abominable prétention àla franchise dans l’improbité, vice si dangereux, si fatal et sicommun, semblait produire sur Louise une impression qui ne luiétait pas défavorable. Il poursuivit son avantage en ajoutant deson ton le plus enjoué, de manière à ce qu’elle pût attacher à sesparoles un sens aussi sérieux ou aussi peu sérieux qu’elle lejugerait à propos :

« Le parti qui peut tout prouver avec uneligne d’unités, de dizaines, de centaines etc, me paraît lameilleure plaisanterie du monde et la plus digne de réussir,assurément. Je suis prêt à m’y essayer avec tout autant d’ardeurque si j’y croyais. Et que pourrais-je faire de plus, si j’ycroyais en effet ?

– Vous êtes un singulier hommed’État.

– Pardonnez-moi ; je n’ai pas mêmece faible mérite. Les gens de mon opinion, c’est-à-dire qui n’enont pas, composent, vous pouvez m’en croire, la majorité de noshommes d’État ; on n’a, pour s’en assurer, qu’à nous fairesortir de nos rangs adoptifs pour nous faire passer un examen enrègle, l’un après l’autre. »

M. Bounderby, qui s’était tellementgonflé durant son silence forcé qu’il avait couru grand risqued’éclater, interrompit la conversation en proposant de remettre ledîner à six heures et demie et de profiter de l’intervalle pourfaire faire à M. James Harthouse une tournée électorale auprèsdes notabilités votantes et intéressantes de Cokeville intrà etextrà muros. La tournée électorale se fit ; etM. James Harthouse, grâce à un usage discret des connaissancesglanées, en courant, dans les livres bleus, sortit victorieusementde cette épreuve, quoique de plus en plus assommé.

Le soir, il trouva la table mise pour quatreconvives ; mais une des places resta inoccupée.M. Bounderby ne manqua pas une aussi belle occasion de vanterun plat d’anguilles à l’étuvée, à deux sous la portion, dont il serégalait dans les rues à l’âge de huit ans ainsi que l’eau dequalité inférieure (spécialement destinée à rafraîchir le macadam)avec laquelle il arrosait ce modeste repas. Il entretint aussi sonhôte, pendant la soupe et le poisson, d’un calcul qui démontraitque lui, Bounderby, avait dans sa jeunesse, consommé au moins troischevaux sous forme de saucissons. Ces détails, que Jem écouta d’unair de fatigue, intercalant de temps à autre un : « Ahcharmant ! » l’eussent sans doute décidé à repartir lelendemain matin, dût-il essayer encore une fois de Jérusalem, siLouise n’eût pas autant piqué sa curiosité.

« Quoi ! n’y a-t-il donc rien,pensait-il en la regardant, tandis qu’elle siégeait à la placed’honneur, où sa personne, petite et élancée, mais très-gracieuse,semblait aussi jolie que déplacée, n’y a-t-il donc rien qui puisseémouvoir ce visage ? »

Si, par Jupiter, il y a quelque chose, et levoici venir, sous une forme imprévue. Tom fit son apparition ;Louise changea du tout au tout quand la porte s’ouvrit, et unsourire éclaira ses traits.

Un ravissant sourire. M. James Harthousene l’aurait peut-être pas autant admiré, s’il n’y avait pas eu silongtemps qu’il s’étonnait de l’impassibilité de ce visage. Elleavança sa main, une jolie petite main bien douce, et ses doigts sefermèrent sur ceux de son frère, comme si elle eût voulu les porterà ses lèvres. »

« Tiens, tiens, pensa le visiteur. Ceroquet est le seul être auquel elle s’intéresse. C’est bon àsavoir ! »

Le roquet fut présenté à M. JamesHarthouse. Le nom n’était pas flatteur, mais il pouvait sejustifier.

« Quand j’avais votre âge, jeune Tom, ditBounderby, j’arrivais à l’heure, ou bien je m’en retournais sansdîner !

– Quand vous aviez mon âge, riposta Tom,vous ne découvriez pas dans vos livres une erreur qu’il fallaitrectifier et vous n’étiez pas obligé de faire ensuite votretoilette.

– C’est bien, cela suffit, ditBounderby.

– Alors, grommela Tom, ne commencez paspar crier après moi.

– Madame Bounderby, dit Harthouse quientendait parfaitement cette conversation échangée à mi-voix, levisage de votre frère m’est tout à fait familier ; il mesemble l’avoir rencontré à l’étranger ? ou à quelque écolepublique, peut-être ?

– Non, répondit-elle avec beaucoupd’intérêt, il n’a pas encore voyagé : il a été élevé ici, à lamaison. Cher Tom, je disais à M. Harthouse qu’il n’a pas pu terencontrer à l’étranger.

– Je n’ai jamais eu la chance de voyager,monsieur. »

Il n’y avait pourtant rien en lui qui dûtfaire rayonner le visage de sa sœur, car c’était un jeune garnementfort maussade et qui ne se montrait pas même gracieux avec elle. Ilfallait que la solitude de son cœur eût été bien vide pour qu’elleeût ainsi besoin de le donner au premier venu.

« Voilà donc pourquoi ce roquet est leseul être auquel elle se soit jamais intéressée, pensaM. James Harthouse ruminant la chose dans son esprit. C’est-làtout le mystère : c’est clair comme le jour. »

Soit en présence de sa sœur, soit lorsqu’elleeut quitté la salle à manger, le roquet ne cherchait nullement àcacher le mépris que lui inspirait M. Bounderby, dès qu’ilpouvait s’y livrer sans attirer l’attention de ce personnageindépendant, soit en faisant des grimaces, soit en clignant del’œil. Sans répondre à ces communications télégraphiques,M. Harthouse fut très-encourageant pour Tom pendant le restede la soirée et parut le prendre en amitié. Enfin, quand il se levapour rentrer à son hôtel, il témoigna la crainte de ne pas pouvoirretrouver son chemin la nuit, et le roquet, se proposantimmédiatement pour guide, sortit avec lui pour le reconduire.

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