Les Temps difficiles

Chapitre 31Très-décisif.

 

Malgré un rhume formidable, une extinction devoix, des éternuements continuels qui menaçaient, à chaque instant,de disloquer sa majestueuse charpente, l’infatigableMme Sparsit poursuivit son patron jusqu’à cequ’elle l’eût rejoint dans la métropole ; là, se présentant àlui dans tout l’éclat de sa dignité personnelle, à son hôtel deSaint-James-Street, elle ne put retenir plus longtemps son canonchargé jusqu’à la gueule et le fit éclater comme une bombe. Aprèsavoir rempli sa mission avec une joie infinie, cette femme, d’unesprit sublime, se trouva mal sur l’épaule deM. Bounderby.

Le premier soin de M. Bounderby fut de sesecouer pour se débarrasser de Mme Sparsit et de lalaisser se tirer comme elle le pourrait, sur le plancher, desdiverses phases de son indisposition. Ensuite il eut recours auxstimulants les plus efficaces, c’est-à-dire qu’il tortilla lespouces de la malade, lui tapa dans les mains, lui arrosa le visageà grande eau et lui bourra la bouche de sel. Lorsque, grâce à cesattentions délicates, il eut rappelé Mme Sparsit àelle (et ce ne fut pas long), M. Bounderby la poussa dans untrain express, sans lui offrir d’autre rafraîchissement, et laramena à Cokeville plus morte que vive.

Envisagée comme ruine classique,Mme Sparsit présentait un spectacle assezintéressant lorsqu’elle arriva au terme de son voyage ; maisconsidérée sous tout autre point de vue, le dommage qu’elle avaitsubi était excessif et diminuait ses droits à l’admirationpublique. Sans prêter la moindre attention à l’état délabré de latoilette ou de la santé de la dame, sourd à ses éternuementspathétiques, M. Bounderby la fourra tout de suite dans unfiacre et l’emmena à Pierre-Loge.

« Ah ça ! Tom Gradgrind, ditBounderby tombant comme un ouragan dans la chambre de sonbeau-père, assez tard dans la nuit, voici une dame… vous connaissezMme Sparsit… qui a quelque chose à vous dire qui vavous rendre muet d’étonnement.

– Vous n’avez pas reçu ma lettre ?s’écria M. Gradgrind à cette apparition inattendue.

– Il ne s’agit pas de votre lettre,monsieur ! se mit à brailler M. Bounderby ; voilà unjoli moment, ma foi ! pour parler de lettres. On serait bienvenu à parler de lettres à Josué Bounderby de Cokeville, dans lasituation d’esprit où il se trouve !

– Bounderby, dit M. Gradgrind d’unton de remontrance pacifique, je parle d’une lettre tout à faitspéciale que je vous ai adressée au sujet de Louise.

– Tom Gradgrind, répliqua Bounderby,frappant plusieurs fois la table avec la paume de sa main, je vousparle, moi, d’une messagère tout à fait spéciale aussi, qui estvenue me trouver au sujet de Louise. Madame Sparsit, madame,avancez ! »

Cette infortunée dame essayant alors de donnerson témoignage, mais sans pouvoir prononcer une parole distincte etavec des gestes pénibles qui annonçaient une inflammation de lagorge, devint si fatigante et fit tant de grimaces involontaires,que M. Bounderby, poussé à bout, la saisit par le bras et lasecoua.

« Si vous ne pouvez pas parler, madame,dit Bounderby, cédez-moi la place. Le moment est mal choisi pourqu’une dame, quelque distinguée que soit sa parenté, nous fasseentendre des gloussements et des hoquets comme si elle avalait desbilles. Tom Gradgrind, Mme Sparsit que voilà, s’esttrouvée par hasard, tout dernièrement, à même d’entendre uneconversation en plein vent entre votre fille et votre beaugentleman, votre ami M. James Harthouse.

– Vraiment ? ditM. Gradgrind.

– Ah ! mais vraiment oui !s’écria M. Bounderby ; et dans cette conversation…

– Il est inutile de me le répéter,Bounderby ; je sais ce qui s’est passé.

– Vous le savez ? En ce cas, ditBounderby que le calme et la douceur suave de son beau-père firentbondir, puisque vous savez tant de choses, peut-être savez-vousaussi où votre fille se trouve en ce moment ?

– Sans doute. Elle est ici.

– Ici ?

– Mon cher Bounderby, permettez-moi devous prier, dans l’intérêt de tout le monde, de modérer cesbruyantes explosions. Louise est ici. Dès qu’elle a pu rompre cetentretien avec la personne dont vous parlez et que je regrettevivement de vous avoir présentée, Louise s’est empressée de venirici afin de se mettre sous ma protection. Il y avait à peinequelques heures que j’étais moi-même de retour, lorsque je l’aireçue… ici, dans cette chambre. Elle s’était empressée de prendrele premier train pour Cokeville, elle avait couru du débarcadèrechez son père, au milieu d’un orage effroyable, et elle s’estprésentée à moi dans un état voisin de la folie. Inutile d’ajouterqu’elle n’a pas quitté la maison depuis. Je vous prie, dans sonintérêt et dans le vôtre, de montrer plus de calme. »

M. Bounderby regarda autour de lui ensilence, dans toutes les directions excepté dans celle deMme Sparsit ; puis, se tournant brusquementvers la nièce de Lady Scadgers, il dit à cette malheureusefemme :

« Ah ça, madame ! nous seronscharmés d’entendre toutes les petites excuses que vous pourrezjuger à propos de nous offrir pour avoir ainsi parcouru le pays àgrande vitesse, sans autre bagage qu’un coq-à-l’âne,madame !

– Monsieur, murmuraMme Sparsit, mes nerfs sont trop secoués dans cemoment et ma santé trop ébranlée, à votre service, pour mepermettre de faire autre chose que de me réfugier dans meslarmes. »

C’est ce qu’elle fit.

« Eh bien, madame, dit Bounderby, sansvouloir vous traiter autrement qu’on doit traiter une femme biennée comme vous, j’ajouterai encore un mot : Je crois qu’il y aun autre endroit où vous pourriez vous réfugier, c’est-à-dire unfiacre. Et comme le fiacre qui nous a amenés est à la porte, vousme permettrez de vous y conduire et de vous renvoyer à la banque.Une fois là, ce que vous aurez de mieux à faire, ce sera de vousmettre les pieds dans l’eau la plus chaude que vous pourrezsupporter, et d’avaler un verre de rhum au beurre tout bouillantdès que vous vous serez couchée. »

Sur ce, M. Bounderby tendit la maindroite à Mme Sparsit et reconduisit jusqu’auvéhicule en question cette dame affligée, qui répandit tout le longde la route maint éternuement plaintif. Il ne tarda pas à remonterseul.

« Ah ça ! comme j’ai vu à votre air,Tom Gradgrind, que vous vouliez me parler, reprit-il, me voici.Mais je vous avertis que je ne suis pas d’une humeurtrès-agréable ; je vous le dis franchement, cette affairen’est pas de mon goût, même telle que vous me l’avez expliquée, etje ne considère pas que j’aie jamais été traité par votre filleavec le respect et la soumission que Josué Bounderby de Cokeville adroit d’attendre de sa femme. Vous avez votre opinion, je n’endoute pas ; mais moi j’ai la mienne, vous savez. Si vous avezl’intention de me dire ce soir quelque chose qui soit encontradiction avec cet aveu sincère, nous ferons mieux de briserlà. »

Comme M. Gradgrind, ainsi qu’on l’a vu,s’était montré fort conciliant, M. Bounderby faisait tout cequ’il pouvait pour casser les vitres. C’était une desparticularités de son aimable caractère.

« Mon cher Bounderby, commençaM. Gradgrind, en réponse…

– Permettez, dit M. Bounderby, vousm’excuserez, mais je ne tiens pas à être si cher aux gens. Voilàpour commencer. Quand je deviens cher à quelqu’un, je m’aperçoispresque toujours qu’il a l’intention de m’entortiller. Je ne vousparle pas poliment ; mais, vous me connaissez, je ne suis paspoli. Si vous voulez de la politesse, vous savez où on peut s’enprocurer. Vous avez des gentlemen de vos amis qui vous serviront decet article tant que vous voudrez ; mais moi, c’est une denréeque je ne tiens pas.

– Bounderby, continua M. Gradgrind,nous sommes tous sujets à l’erreur…

– Je croyais que vous ne pouviez pas encommettre ? interrompit Bounderby.

– Peut-être l’ai-je cru moi-même. Mais jerépète que nous sommes tous sujets à l’erreur ; et je seraissensible à votre délicatesse, je vous en serais même reconnaissant,si vous vouliez bien m’épargner ces allusions à Harthouse. Jepasserai, dans notre conversation, sur votre intimité avec lui etles encouragements que vous lui avez donnés ; mais je vousprie de ne plus rien me reprocher non plus à cet égard.

– Je ne l’ai pas même nommé ! ditBounderby.

– Bien, bien ! réponditM. Gradgrind avec patience et même avec soumission. Et ilresta quelque temps à réfléchir. Bounderby, j’ai lieu de douter quenous ayons jamais bien compris Louise.

– Qu’entendez-vous par nous ?

– Eh bien ! moi, si vousvoulez, répliqua M. Gradgrind en réponse à cette questionbrutale, je doute que j’aie jamais bien compris Louise. Je douteque je lui aie donné tout à fait l’éducation qui lui convenait.

– À la bonne heure, nous y voilà,répondit Bounderby ; là-dessus, je suis d’accord avec vous.Vous avez donc fini par faire cette belle découverte, enfin ?L’éducation ! Je vais vous dire ce que c’est quel’éducation : c’est de flanquer quelqu’un à la porte et de lemettre à la demi-ration, pour tout, excepté pour les coups. Voilàce que j’appelle l’éducation.

– Je crois que votre bon sens vousdémontrera, dit M. Gradgrind d’un ton d’humble remontrance,que quelque soit le mérite d’un pareil système, il serait difficilede l’appliquer aux filles en général.

– Je ne vois pas cela du tout, monsieur,riposta l’obstiné Bounderby.

– C’est bon, soupira M. Gradgrind,nous ne discuterons pas cette question. Je vous assure que je n’aiaucun désir de soulever une controverse. Je voudrais seulementréparer le mal, si c’est possible ; et j’espère que vous m’yaiderez de bonne grâce, Bounderby, car j’ai été bienmalheureux.

– Je ne vous comprends pas encore, ditBounderby avec une obstination de parti pris ; et parconséquent je ne peux rien vous promettre.

– Il me semble, mon cher Bounderby,poursuivit M. Gradgrind du même ton humble et propitiatoire,que, dans l’espace de quelques heures, j’ai appris à connaître lecaractère de Louise mieux que je ne l’avais fait dans toutes lesannées précédentes. Cette connaissance m’a été révélée par descirconstances bien pénibles, et je ne puis me flatter d’en avoirfait moi-même la découverte. Je crois qu’il existe chez Louise desqualités qui… qui ont été cruellement négligées et un peu gâtées.Et… je voulais vous dire que… que, si vous aviez la bonté de vousjoindre à moi pour essayer, d’un commun accord, de laisser Louisese refaire pendant quelque temps, et pour encourager ses bonssentiments naturels à se développer à force de tendresse et deménagements… cela… cela n’en vaudrait que mieux pour notre bonheurà tous. Louise, dit M. Gradgrind se cachant le visage dans sesmains, a toujours été, vous savez, mon enfant favorite. »

L’orageux Bounderby devint cramoisi, et, enentendant ces paroles, il se gonfla si bien qu’on put craindre unmoment de le voir tomber d’un coup de sang : ses oreilles enétaient d’un pourpre ardent, marbré de tons cramoisis ;cependant il contint son indignation.

« Vous voudriez la garder ici, dit-il,pendant quelque temps ?

– Je… j’avais l’intention de vousconseiller, mon cher Bounderby, de permettre que Louise restât icien visite pour y être soignée par Sissy, vous savez, Cécile Jupe,qui la comprend et qui a sa confiance.

– D’où je conclus, Tom Gradgrind, ditBounderby se levant, les mains dans ses goussets, que vous êtesd’avis qu’il existe entre Lou Bounderby et moi ce qu’on appelle uneincompatibilité d’humeur ?

– Je crains qu’il n’y ait en cemoment une incompatibilité générale entre Louise et… et… et presquetoutes les relations sociales où je l’ai placée, fut la tristeréponse du père.

– Écoutez-moi un peu, Tom Gradgrind, ditBounderby en le regardant en face, le teint toujours animé, lesjambes écartées, les mains dans ses poches, avec des cheveux quiressemblaient plus que jamais à un champ de blé courbé par le ventde sa colère orageuse. Vous venez de dire votre affaire ; jevais vous dire la mienne. Je suis un Cokebourgeois ; je suisJosué Bounderby de Cokeville ; je connais tous les moellons decette ville ; je connais les fabriques de cette ville ;je connais les cheminées de cette ville ; je connais la fuméede cette ville ; je connais les ouvriers de cette ville ;je connais tout cela sur le bout de mon doigt ; tout celac’est visible et réel. Mais quand un homme vient me parler dequalités imaginatives, je dis invariablement à cet homme, quelqu’il soit, que je le vois venir. Il veut manger de la soupe à latortue et de la venaison avec une cuiller d’or, et il aspire toutbonnement à s’installer dans un équipage à six chevaux, C’est là ceque veut votre fille. Puisque vous êtes d’avis qu’on doit luidonner ce qu’elle veut, je vous conseille de le lui donnervous-même ; car je vous préviens, Tom Gradgrind, qu’elle nel’obtiendra jamais de moi.

– Bounderby, dit M. Gradgrind,j’avais espéré, après la prière que je vous ai adressée, vous voirprendre un autre ton.

– Attendez un peu, riposta Bounderby,vous avez parlé tout votre soûl, je crois. Je vous ai écoutéjusqu’au bout ; écoutez-moi donc à votre tour, s’il vousplaît. Vous avez été un modèle d’inconséquence, ne soyez pas unmodèle d’injustice par-dessus le marché ; car, bien que jesois peiné de voir Tom Gradgrind réduit à la position où il setrouve, je serais doublement peiné de le voir tomber encore plusbas. Or, s’il existe une incompatibilité quelconque, comme vous mele donnez à entendre, entre votre fille et moi, je vousdonne à entendre, de mon côté, qu’il existe en effetincontestablement une incompatibilité des plus graves, et voicicomment je la résume : Votre fille est loin d’apprécier commeelle devrait les qualités de son mari. Votre fille ne sent pasassez l’honneur d’une pareille alliance. Non, par saintGeorges ! Je n’y vais pas par quatre chemins, j’espère.

– Bounderby, objecta M. Gradgrind,ceci n’est pas raisonnable.

– Vraiment ? dit Bounderby. Je suischarmé de vous entendre parler comme ça ; dès que TomGradgrind, avec les nouvelles lumières qui l’ont illuminé sisubitement, prétend que ce que je dis n’est point raisonnable, jen’ai pas besoin d’en savoir davantage pour rester convaincu que ceque j’ai dit doit être très-sensé. Avec votre permission, jecontinue. Vous connaissez mon origine, et vous savez que, pendantbien des années, je n’ai pas eu besoin de chausse-pied, par laraison bien simple que je n’avais pas de souliers à mettre. Ehbien ! malgré ça (vous êtes parfaitement libre de me croire oude ne pas me croire), il y a des dames… des dames bien nées…appartenant à des familles… à des familles, monsieur !… quibaiseraient la trace de mes pas. »

Il lança cette phrase à la tête de sonbeau-père, comme une fusée à la Congrève.

« Tandis que votre fille, poursuivitBounderby, est loin d’être bien née, vous n’avez pas besoin que jevous le dise. Je me soucie comme de l’an quarante de cesbagatelles ; mais ce n’en est pas moins un fait, et je vousdéfie, Tom Gradgrind, de changer un fait. Or, pourquoi vous ai-jedit ça ?

– Ce n’est toujours pas pour me ménager,je le crains, remarqua M. Gradgrind à mi-voix.

– Écoutez-moi jusqu’au bout, ditBounderby, et ne parlez que lorsque votre tour viendra. Je vous aidit cela parce que des dames, appartenant à des famillesdistinguées, ont été surprises de voir la manière dont votre fillese conduisait envers moi. Elles ont été abasourdies del’insensibilité de votre fille. Elles se sont demandé comment jepouvais souffrir cela. Et c’est ce que je me demande moi-mêmeaujourd’hui, et je ne le souffrirai plus.

– Bounderby, répliqua M. Gradgrinden se levant, je crois que moins nous ferons durer cet entretien,mieux cela vaudra.

– Au contraire, Tom Gradgrind, je croisque plus nous ferons durer cet entretien, mieux cela vaudra. Dumoins… (cette considération le retint)… du moins, jusqu’à ce quej’aie dit tout ce que j’ai l’intention de dire, car après cela nousnous arrêterons aussitôt que vous voudrez. J’arrive à une questionqui pourra simplifier les choses. Qu’est-ce que vous vouliez dire,par la proposition que vous m’avez adressée tout àl’heure ?

– Ce que je veux dire,Bounderby ?

– Oui, ce projet de visite ? ajoutaBounderby avec un hochement inflexible de sa tête ébouriffée.

– Je veux dire que j’espère que vousconsentirez à nous arranger à l’amiable pour laisser Louise jouirici d’une période de repos et de calme réflexion qui, petit àpetit, pourra amener une amélioration désirable sous bien desrapports.

– C’est-à-dire faire disparaître vosidées relatives à l’incompatibilité ? dit Bounderby.

– Vous pouvez poser la question en cestermes.

– Et où avez-vous pris cesidées-là ? demanda Bounderby.

– Je vous ai déjà dit que je crains queLouise n’ait pas été comprise. Est-ce donc trop demander,Bounderby, que de désirer que vous, qui êtes son aîné de bien desannées, vous m’aidiez à essayer de la remettre dans la bonne voie.Vous avez accepté une grande responsabilité en l’épousant ;vous, l’avez prise pour le bien comme pour le mal, pour… »

Il est bien possible que M. Bounderbyn’eût pas grand plaisir à s’entendre répéter les paroles textuellesqu’il avait lui-même adressées à Étienne Blackpool ; ce qu’ily a de sûr, c’est qu’il coupa court à la citation liturgique par unbond courroucé.

« Allons ! s’écria-t-il, je n’ai pasbesoin de tout cela. Je sais bien oomment je l’ai prise, je le saisaussi bien que vous. Cela ne vous regarde pas ; c’est monaffaire.

– J’allais seulement remarquer,Bounderby, que nous sommes tous plus ou moins sujets à noustromper, vous comme un autre ; et qu’une légère concession devotre part, fondée sur la responsabilité que vous avez acceptée,serait non-seulement un acte de bonté, mais peut-être une dette queLouise a le droit de réclamer.

– Ce n’est pas mon avis, grondaBounderby. Je vais terminer cette affaire à mon idée. Or, je neveux pas en faire un sujet de querelle entre nous, Tom Gradgrind. Àvrai dire, je crois qu’il serait indigne de ma réputation de mequereller pour si peu. Quant à votre ami le gentleman, qu’il ailleau diable si bon lui semble. Si je le trouve sur mon chemin, je luidirai ma façon de penser ; si je ne le rencontre pas, je nelui dirai rien, car cela ne vaudrait pas la peine de me déranger.Quant à votre fille, dont j’ai fait Mme LouBounderby et que j’aurais mieux fait de laisser Lou Gradgrind, sielle n’est pas rentrée chez elle demain, à midi, j’en concluraiqu’elle préfère rester ailleurs et je lui enverrai ici ses hardeset cætera, et vous pourrez la garder dorénavant. Voici ce que jedirai à tout le monde au sujet de l’incompatibilité qui m’a obligéà poser mon ultimatum : « Je suis Josué Bounderby ;j’ai été élevé de telle et telle façon ; madame est la fillede Tom Gradgrind et elle a été élevée de telle et tellefaçon ; eh bien ! l’attelage ne tirait pas bienensemble : il a fallu dételer. » Je crois, sans meflatter, qu’on sait assez généralement que je ne suis pas un hommeordinaire ; donc, la plupart des gens comprendront sans qu’onle leur dise qu’il m’eût fallu, pour bien faire, une femme, qui nefût pas non plus trop ordinaire.

– Souffrez que je vous prie instamment deréfléchir avant de prendre une pareille décision, Bounderby,insista M. Gradgrind.

– Je me décide toujours tout de suite,dit Bounderby jetant son chapeau sur sa tête. Tout ce que je fais,je le fais tout de suite ; je serais même surpris d’entendreTom Gradgrind faire une pareille observation à Josué Bounderby deCokeville, le connaissant comme vous la connaissez, si je pouvaisdésormais m’étonner de quelque chose de la part de Tom Gradgrind,quand il vient de se faire le partisan d’un tas de bêtisessentimentales. Je vous ai fait connaître ma détermination, àprésent je n’ai plus rien à vous dire ; serviteur. »

Là-dessus, M. Bounderby s’en retourna àsa maison de ville se mettre au lit. Le lendemain, à midi cinqminutes, il donna à ses gens l’ordre d’emballer soigneusement leseffets de Mme Bounderby et de les porter chez TomGradgrind ; puis il fit annoncer dans les journaux une maisonde campagne, à vendre à l’amiable, et reprit son anciennevie de garçon.

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