Les Liaisons dangereuses

Lettre CLXIV

Madame de Rosemonde à Monsieur Bertrand

Je reçois votre lettre à l’instant même, mon cher Bertrand, et j’apprends par elle l’affreux événement dont mon neveu a été la malheureuse victime. Oui, sans doute, j’aurai des ordres à vous donner, et ce n’est que pour eux que je peux m’occuper d’autre chose que de ma mortelle affliction.

Le billet de M. Danceny, que vous m’avez envoyé, est une preuve bien convaincante que c’est lui qui a provoqué le duel, et mon intention est que vous en rendiez plainte sur-le-champ et en mon nom. En pardonnant à son ennemi, à son meurtrier, mon neveu a pu satisfaire à sa générosité naturelle ; mais moi, je dois venger à la fois sa mort, l’humanité et la religion. On ne saurait trop exciter la sévérité des lois contre ce reste de barbarie, qui infecte encore nos mœurs, et je ne crois pas que ce puisse être dans ce cas que le pardon des injures nous soit prescrit. J’entends donc que vous suiviez cette affaire avec tout le zèle et toute l’activité dont je vous connais capable et que vous devez à la mémoire de mon neveu.

Vous aurez soin, avant tout, de voir M. le président de… de ma part et d’en conférer avec lui. Je ne lui écris pas, pressée que je suis de me livrer tout entière à ma douleur. Vous lui ferez mes excuses et lui communiquerez cette lettre.

Adieu, mon cher Bertrand ; je vous loue et vous remercie de vos bons sentiments, et suis pour la vie toute à vous.

Du château de…, ce 8 décembre 17**.

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