Les Liaisons dangereuses

Lettre LXII

Madame de Volanges au Chevalier Danceny

Après avoir abusé, monsieur, de la confiance d’une mère et de l’innocence d’une enfant, vous ne serez pas surpris, sans doute, de ne plus être reçu dans une maison où vous n’avez répondu aux preuves de l’amitié la plus sincère, que par l’oubli de tous les procédés. Je préfère de vous prier de ne plus venir chez moi, à donner des ordres à ma porte, qui nous compromettraient tous également par les remarques que les valets ne manqueraient pas de faire. J’ai droit d’espérer que vous ne me forcerez pas de recourir à ce moyen. Je vous préviens aussi que si vous faites à l’avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l’égarement où vous l’avez plongée, une retraite austère et éternelle la soustraira à vos poursuites. C’est à vous de voir, monsieur, si vous craindrez aussi peu de causer son infortune que vous avez peu craint de tenter son déshonneur. Quant à moi, mon choix est fait et je l’en ai instruite.

Vous trouverez ci-joint le paquet de vos lettres. Je compte que vous me renverrez en échange toutes celles de ma fille, et que vous vous prêterez à ne laisser aucune trace d’un événement dont nous ne pourrions garder le souvenir, moi sans indignation, elle sans honte, et vous sans remords. J’ai l’honneur d’être, etc.

De… ce 7 septembre 17**.

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