LV
Cette scène effrayante, cette lutte forcenée,son dénouement terrible, m’avaient accablé. J’étais presque sansforce et sans connaissance. La voix de Bug-Jargal me ranima.
– Frère ! me criait-il, hâte-toi desortir d’ici ! Le soleil sera couché dans une demi-heure. Jevais t’attendre là-bas. Suis Rask.
Cette parole amie me rendit tout à la foisespérance, vigueur et courage. Je me relevai. Le dogue s’enfonçarapidement dans l’avenue souterraine ; je le suivis ; sonjappement me guidait dans l’ombre. Après quelques instants je revisle jour devant moi ; enfin nous atteignîmes l’issue, et jerespirai librement. En sortant de dessous la voûte humide et noireje me rappelai la prédiction du nain, au moment où nous y étionsentrés :
« L’un de nous deux seulement repasserapar ce chemin. »
Son attente avait été trompée, mais saprophétie s’était réalisée.