Contes merveilleux – Tome I

Chapitre 20L’Envie de voyager

Il était une fois une femme pauvre, dont lefils avait grande envie de voyager. « Comment veux-tu partiren voyage ? lui dit sa mère. Nous n’avons pas un sou que tupuisses emporter ! » Mais le fils répondit. « Celane fait rien, mère, j’arriverai bien à me débrouiller ! Etd’abord, je n’arrêterai pas de répéter : Pas beaucoup !Pas beaucoup ! » Il s’en alla et marcha un bon bout detemps en répétant sans cesse, « Pas beaucoup ! Pasbeaucoup ! » Puis il arriva devant un groupe de pêcheurs.« Dieu vous aide ! leur dit-il en guise de salut, pasbeaucoup, pas beaucoup ! – Comment dis-tu, gamin ? Pasbeaucoup ? » Et quand ils ramenèrent leur filet, il n’yavait vraiment pas beaucoup de poissons dedans ; alors ilst’attrapent un gourdin et lui font dire ce qu’ils pensent sur lemalheureux dos du garçon. – Qu’est-ce qu’il faut dire, alors ?leur demanda-t-il – Tu dois dire : Tout plein ! Toutplein ! » Très bien ! Il marche un bon bout dechemin, et tout au long il répète.- « Tout plein ! Toutplein ! » Puis il arrive devant une potence où l’on vapendre un malheureux coupable. « Bonjour ! dit le gars.Tout plein ! Tout plein ! – Qu’est-ce que tu nous dis là,mon gaillard ? Tout plein ? Est-ce que tu voudrais plusde malandrins sur la terre ? N’y en a-t-il pas déjà assezcomme cela ? » Sur quoi le bâton entre en jeu et lui faitentrer la leçon par le bas du dos. « Mais qu’est-ce qu’il fautdire, alors ? – Que Dieu prenne pitié de la pauvreâme ! » Très bien ! « Que Dieu prenne pitié dela pauvre âme ! Que Dieu prenne pitié de la pauvreâme ! » Et avec ce refrain, il fait encore un grand boutde chemin, puis arrive devant l’équarrisseur qui vient d’abattre unvieux cheval. « Bonjour ! dit le jeune gars. Que Dieuprenne pitié de la pauvre âme ! – Que dis- tu là,mécréant ? s’indigne l’ équarrisseur en attrapant son grandcrochet pour lui frictionner les oreilles et lui apprendre un peu àvivre. – Mais que faut-il dire, alors ? – La charogne gît danssa fosse ! » Très bien ! Alors, en répétant sanscesse « La charogne gît dans sa fosse ! », ilcontinue sa route, quand, finalement, il croise une voiture pleinede gens. « Bonjour ! dit-il. La charogne gît dans safosse ! » Mais la voiture, pour l’éviter, verse aufossé ; alors le cocher bondit avec son fouet et lui enadministre une si bonne ration, que c’est en rampant qu’il rentrechez sa mère, le malheureux. Et de sa vie, il n’a plus eu envie devoyager.

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