Contes merveilleux – Tome I

Chapitre 7Bout de paille, braise et haricot

Dans un petit village vivait une pauvrevieille femme, qui s’était ramassé un plat de haricots et voulaitles faire cuire. Elle dressa son feu dans la cheminée et l’allumaavec une bonne poignée de paille pour qu’il brûle plus vite. Quandelle mit ses haricots dans la marmite, il y en eut un qui luiéchappa par mégarde, et qui vint choir sur le sol juste à côté d’unbrin de paille ; l’instant d’après, c’était un bout de braisequi sautait du foyer et qui venait tomber auprès des autres. Lebout de paille entama la conversation :

– Chers amis, d’où arrivez-vous commecela ?

– La chance m’a permis de sauter hors dufeu, répondit la braise et sans la force de cet élan, c’était pourmoi la mort certaine : je serais maintenant réduite encendres.

– Je l’ai échappé belle aussi, réponditle haricot à son tour, car si la vieille femme m’avait jeté dans lamarmite, irrémissiblement c’en était fait de moi et j’étais cuitavec les autres.

– Croyez-vous peut-être que le j’auraiseu un destin plus clément ? reprit le bout de paille. Tous mesfrères, la vieille les a fait passer en feu et en fumée :soixante d’un coup, qu’elle avait pris, auquel elle a ôté lavie ! Moi, par bonheur, je lui ai filé entre les doigts.

– Et maintenant, qu’est-ce que nousallons faire ? demanda la braise.

– A mon avis, dit le haricot, puisquenous avons tous les trois sites miraculeusement échappé à la mort,nous devrions nous unir en bons camarades et partir tous d’ici pourgagner un autre pays, afin d’éviter quelque nouveau malheur.

La proposition convint aux deux autres, ettous ensemble ils se mirent en chemin. Ils arrivèrent bientôtdevant un ruisselet qui n’avait pas le moindre pont, ni-même unepasserelle, et ils ne savaient pas comment passer de l’autre côté.Le fétu eut alors une bonne idée et dit : « Je vais mecoucher en travers, et vous pourrez ainsi passer sur moi comme surun pont. »

La paille, donc, se suspendit entre une riveet l’autre, et sur ce pont improvisé, la braise, avec son naturelardent, s’avança hardiment, mais à tout petits pas pour ne pasrenverser le fragile édifice. Arrivée au milieu, toutefois, enentendant le bruit que faisait le courant au-dessous d’elle, lapeur la prit et elle s’immobilisa, n’osant pas se risquer plusavant ; aussi le bout de paille commença-t-il à prendre feu,se rompant net par le milieu et tombant dans l’eau, entraînant danssa perdition la braise, qui chuinta en touchant l’eau et renditaussitôt l’esprit.

Le haricot, demeuré prudemment sur la rive,partit d’un tel fou rire en voyant cette histoire, et s’en tordittellement sans pouvoir s’arrêter, que, pour finir, il éclata. C’eneût été fini de lui pareillement, si par bonheur un compagnontailleur qui faisait son tour d’Allemagne ne s’était arrêté au bordde ce ruisseau pour se reposer. Par ce qu’il avait bon cœur etl’âme secourable, le tailleur prit du fil et une aiguille et se mitaussitôt à le recoudre. Le haricot lui en fit ses remerciementschaleureux et choisis comme on l’imagine ; mais comme il avaitutilisé du fil noir, c’est pour cela que, depuis ce temps-là, tousles haricots ont une couture noire.

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