Contes merveilleux – Tome I

Chapitre 10Chat et souris emménagent

Il est bien connu que chat et souris ne fontpas bon ménage ; en voici la preuve.

Un chat avait fait la connaissance d’unesouris et lui avait tellement conté fleurette qu’elle avaitfinalement accepté d’habiter dans la même maison que lui et departager les dépenses. « Avant que l’hiver arrive, nousdevions faire des préparatifs si nous ne voulons pas mourir defaim », dit le chat à la souris. Le bon conseil fut observé etun petit pot de beurre fut acheté. Mais ils ne savaient pas où ilserait mieux de l’entreposer. Finalement, après de longuesréflexions, le chat dit : « Je ne connais aucun endroitqui soit plus sûr que l’église ; là, personne n’osera venirl’y chercher. Nous placerons le petit pot de beurre sous l’autel,et nous n’y toucherons plus. »

C’est ainsi que le petit pot fut mis ensûreté. Mais il fallut peu de temps avant que l’envie prenne auchat d’en manger. Il alla donc voir la souris et lui dit :« Ce que je veux te dire, petite souris, c’est que j’ai étédemandé comme témoin par ma cousine. Elle vient de mettre au mondeun petit, tout blanc avec des taches brunes. Laisse-moi aller à sonbaptême et occupe-toi toute seule de la maison ! »« Bien sûr, répondit la souris, va ! Et si tu fais un bonrepas, pense un peu à moi ! Je boirais bien volontiers unegoutte de bon vin ! »

Mais tout cela n’était que mensonge. Le chatn’avait pas de cousine et nul ne lui avait demandé d’être témoin.Il se dirigea tout droit vers l’église, se faufila jusqu’au petitpot de beurre et en dégusta un peu. Puis, il alla faire unepromenade sur les toits de la ville et prit un bain de soleil, touten se pourléchant les babines à chaque fois qu’il songeait au petitpot de beurre. Il revint à la maison seulement lorsque le soir futtombé. « Ah, te voilà enfin de retour ! », dit lasouris. « Tu as sûrement passé une belle journée. »« Ça pouvait aller », répondit le chat. « Et quelnom a-t-on donné au chaton ? », demanda la souris.« Un peu », répondit sèchement le chat. « Un peu,s’exclama la souris, voilà un nom assez singulier ! Est-cecourant dans ta famille ? » « Que trouves-tu donc àce nom ! », dit le chat. « Il n’est pas pire queBreuseldip, le nom de ton parrain. »

Peu de temps après, le chat eut encore uneautre fringale. Il alla voir la souris et lui dit : « Tudois me rendre un service et t’occuper encore une fois du ménagetoute seule ; on m’a encore demandé comme témoin. Le petit aun collet tout blanc ; je ne puis refuser ». La bonnesouris acquiesça, mais le chat, longeant les murs de la ville, sefaufila plutôt jusqu’à l’église et mangea, cette fois-ci, la moitiédu beurre. « Comme c’est bon ! », se dit lechat.

Lorsqu’il revint à la maison, la souris luidemanda : « Quel nom a-t-on donné à cechaton ? » « La moitié », répondit le chat.« La moitié ! Mais que me dis-tu là ! Jamais detoute ma vie je n’ai entendu de nom pareil. Je parie qu’il n’existemême pas. » Il ne tarda pas avant que le chat songe encore àsa friandise et que l’eau lui vienne à la bouche. « Jamaisdeux sans trois », dit-il à la souris. « Je dois encoreassister à un baptême. Le petit est tout noir et avec du blanc aubout de ses pattes, mais il n’a pas un seul poil blanc sur tout lereste du corps. Cela n’arrive qu’une fois aux deux ans. Alors, tume laisses y aller encore ? » « Un peu, Lamoitié », répondit la souris, « ce sont là des noms bienétranges, des noms qui me rendent soucieuse. » « C’estque tu restes là, coiffée d’une tresse et vêtue de ta jupe grisfoncé, à attraper des grillons », dit le chat. « Voilà cequi arrive quand on reste cloîtré toute lajournée ! »

La souris rangea et fit de l’ordre dans lamaison pendant que le chat s’absentait et qu’il mangeait tout lereste du beurre. Lorsqu’il fut de retour à la maison, bien repu etbien dodu, la souris s’enquit auprès de lui du nom qu’avait reçu letroisième chaton. « Cela ne te plaira évidemment pas, dit lechat, il s’appelle Toutlereste. »« Toutlereste ! », s’écria la souris. « Maisqu’est ce que ça peut bien signifier ? » Elle hocha latête, se mit en boule et s’endormit. À partir de ce moment, pluspersonne ne demanda au chat d’être témoin.

Lorsque l’hiver fut venu et qu’aucunenourriture ne put être trouvée à l’extérieur, la souris se souvintde leurs provisions et dit : « Viens, mon ami le chat.Allons au petit pot de beurre que nous avons eu la sagesse demettre de coté ! Nous allons faire un festin. »« Certainement », répondit le chat.

Ils allèrent donc à l’église et quand ilsarrivèrent, le petit pot de beurre était bel et bien encore là,mais il était complètement vide. « Ha ! ha !, dit lasouris, maintenant je comprends ce qui s’est passé !Maintenant tout s’éclaire. Tu étais pour moi un véritableami ! Mais pendant que tu prétendais assister à des baptêmes,en cachette, tu mangeais le beurre : d’abord un peu, puis lamoitié, et enfin… » « Veux-tu la fermer ! »cria le chat. « Encore un seul mot, et je tedévore ! » « … et enfin, tout le reste », avaitdéjà dit la pauvre souris. À peine avait-elle prononcé ces mots,que le chat bondissait sur elle, en faisait une boule, et l’avalaitgoulûment.

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