Contes merveilleux – Tome I

Chapitre 4Blanche Neige

C’était l’hiver.

Une reine cousait, assise auprès d’une fenêtredont le cadre était en bois d’ébène, tandis que la neige tombait àgros flocons.

En cousant, la reine se piqua le doigt etquelques gouttes de sang tombèrent sur la neige. Le contraste entrele rouge du sang, la couleur de la fenêtre et la blancheur de laneige était si beau, qu’elle se dit :

– Je voudrais avoir une petite fille quiait la peau blanche comme cette neige, les lèvres rouges comme cesang, les yeux et les cheveux noirs comme les montants de cettefenêtre.

Peu de temps après, elle eut une petite filleà la peau blanche comme la neige, aux lèvres rouges comme le sang,aux yeux et aux cheveux noirs comme l’ébène. On l’appela Blancheneige. Mais la reine mourut le jour de sa naissance.

Un an plus tard le roi se remaria. Sa femmeétait très belle et très jalouse. Elle possédait un miroir magique,don d’une fée, qui répondait à toutes les questions. Chaque matin,tandis que la reine se coiffait, elle lui demandait :

– Miroir, miroir en bois d’ébène,dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle. Et, invariablement, lemiroir répondait :

– En cherchant à la ronde, dans tout levaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi.

Cependant, Blanche neige grandissait etdevenait de plus en plus gracieuse.

Un jour où, comme de coutume, la reineinterrogeait son miroir, celui-ci répondit :

– Reine, tu étais la plus belle, maisaujourd’hui Blanche neige est une merveille.

A partir de ce moment, la reine se mit à haïrBlanche neige. Enfin, n’y tenant plus, elle fit venir un de sesgardes et lui dit :

– Emmène cette enfant dans la forêt ettue-la.

Le garde conduisit Blanche neige dans laforêt, mais, comme il levait son couteau pour la tuer, il fut siému par ses larmes et sa beauté qu’il n’acheva pas son geste. Ens’éloignant, il pensa qu’elle serait bientôt la victime des bêtessauvages.

La pauvre Blanche neige demeurée seule dans laforêt se mit à courir, trébuchant sur les cailloux. Vers le soir,alors que ses petits pieds ne pouvaient plus la porter, elle arrivaauprès d’une jolie maisonnette et entra se reposer.

Elle y trouva une petite table dressée, avecsept petites assiettes et sept petits couverts. Contre le mur, il yavait sept petits lits, aux draps bien tirés, blancs comme neige.Blanche neige, qui avait très faim et très soif, mangea un peu dela nourriture préparée dans chaque assiette et but une gorgée devin dans chaque verre. Puis, comme elle était très fatiguée, ellese coucha et s’endormit immédiatement.

Le soir, les habitants de la maisonnettearrivèrent. C’étaient sept nains qui cherchaient dans la montagnede l’or et des diamants.

Le premier nain, regardant autour de lui, vitune petite fille qui dormait couchée dans son lit. Il appela sescompagnons qui se précipitèrent, élevant leurs lanternes pour mieuxla voir.

– Oh, la jolie petite fille !s’écrièrent-ils.

Ils la laissèrent dormir, la veillant avecamour.

Quand Blanche neige se réveilla et qu’elle vitles sept nains, elle eut d’abord peur. Mais ils étaient si doux etsi souriants qu’elle se rassura bientôt. Ils lui demandèrent sonnom et comment elle était parvenue dans leur demeure.

La petite fille leur raconta son aventure. Lesnains lui proposèrent de rester avec eux.

– Tu t’occuperas de la maison, tu ferasla cuisine, et tu raccommoderas notre linge…

Blanche neige remercia et accepta, touteheureuse.

Dans la journée, pendant que les nains étaientpartis extraire l’or et les pierres précieuses de la montagne, lafillette restait seule. Mais ils lui avaient bien recommandé den’ouvrir à personne.

– Méfie-toi de ta belle-mère. Elle netardera pas à apprendre que tu es vivante, et viendra te rechercherjusqu’ici.

La reine croyait être de nouveau la plus bellefemme du monde. Un jour, elle voulut se le faire confirmer par sonmiroir. Le miroir répondit :

– Reine, tu étais la plus belle, maisBlanche neige au pays des sept nains, au-delà des monts, bien loin,est aujourd’hui une merveille.

La reine savait que son miroir ne mentait pas.Furieuse, elle comprit que le garde l’avait trompée et que Blancheneige vivait encore.

Elle réfléchit longtemps au moyen de s’endébarrasser, et décida de se rendre chez les sept nains. Aprèss’être bruni le visage et habillée en marchande, elle frappa à laporte de la maisonnette en criant :

– Belle marchandise à vendre, bellemarchandise !

Blanche neige se pencha à la fenêtre etdemanda :

– Bonjour brave femme. Quevendez-vous ?

– Des corsets, des rubans, et toutessortes de colifichets.

« Je peux bien laisser entrer cette bravefemme », pensa Blanche neige, et elle ouvrit la porte pouracheter quelques rubans pour son corselet…

– Comme ils vous vont bien !s’exclama la marchande avec admiration. Mais laissez-moi vouslacer, vous jugerez mieux de l’effet. Blanche neige, qui ne sedoutait de rien, la laissa faire. La vieille serra si vite et sifort que la jeune fille tomba à terre comme morte.

– Et maintenant, ricana la reine, je suisde nouveau la plus belle femme au monde. Et elle quitta rapidementla maisonnette.

Le soir, en rentrant, les sept nains furentépouvantés à la vue de Blanche neige gisant à terre, sans vie.Apercevant le corselet tellement serré, ils coupèrent immédiatementles lacets. Blanche neige peu à peu revint à la vie.

Elle leur raconta ce qui s’était passé. Lesnains lui dirent alors :

– Cette vieille marchande devait être tabelle-mère. Fais bien attention désormais et ne laisse entrerabsolument personne.

Cependant, la reine, revenue dans son palais,prit son miroir et le consulta. Elle apprit ainsi que Blanche neigeétait toujours en vie, et entra dans une violente fureur. « Ilfaut pourtant qu’elle disparaisse » pensa-t-elle. Elleenduisit un peigne de poison, prit un autre déguisement, partit àtravers la montagne et arriva à la maison des sept nains. Ellefrappa à la porte et cria :

– Belle marchandise à vendre, bellemarchandise !

Blanche neige se pencha à la fenêtre, mais nevoulut pas la laisser entrer.

– Vous pouvez toujours regarder, luidit-elle. Cela ne vous engage à rien. Et elle tendit le peigneempoisonné à la jeune fille. Il était si beau que Blanche neige neput résister à la tentation. Elle entrebâilla la porte et acheta lepeigne.

– Laissez-moi donc vous coiffer joliment,lui dit la marchande. Mais à peine avait-elle passé le peigne dansles cheveux de la jeune fille que le poison commença à agir et queBlanche neige tomba à terre sans connaissance.

Par bonheur, ce jour-là, les nains revinrentplus tôt que de coutume. En voyant Blanche neige étendue à terre,pâle comme une morte, ils comprirent que sa belle-mère était encorevenue. Ils découvrirent le peigne empoisonné, l’arrachèrent,rendant ainsi la vie à la jeune fille.

Puis ils lui firent promettre de ne plusouvrir la porte sous aucun prétexte.

La reine, arrivée au palais, demanda à sonmiroir :

– Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moique je suis la plus belle. Et le miroir répondit à nouveau queBlanche neige était une merveille.

Cette réponse fit trembler la reine de rage etde jalousie. Elle jura que Blanche neige mourrait, dut-elle mourirelle-même. Elle alla dans son cabinet secret et prépara une pommeempoisonnée. Celle-ci était belle et appétissante. Cependant, ilsuffisait d’en manger un petit morceau pour mourir. La reine semaquilla, s’habilla en paysanne et partit pour le pays des septnains. Arrivée à la maisonnette, elle frappa à la porte.

– Je ne peux laisser entrer personne, onme l’a défendu, dit Blanche neige.

– J’aurais pourtant bien aimé ne pasremporter mes pommes, dit la paysanne. Regarde comme elles sontbelles. Goûtes-en une.

– Non, répondit Blanche neige, je n’osepas.

– Aurais-tu peur ? Tiens, nousallons la partager…

La reine n’avait empoisonné la pomme que d’unseul côté, le côté rouge, le plus appétissant : Elle la coupaen deux et tendit la partie empoisonnée à Blanche neige, tout enmordant dans l’autre. Rassurée, la jeune fille la porta à sabouche. Elle ne l’eut pas plutôt mordue qu’elle tomba comme morte.La reine eut alors un rire diabolique.

– Blanche comme la neige, rouge comme lesang, noire comme l’ébène, tu es bien morte cette fois et les nainsne pourront pas te redonner la vie.

De retour au palais, elle interrogea sonmiroir qui lui répondit :

– En cherchant à la ronde, dans tout levaste monde, on ne trouve pas de plus belle que toi.

Et son cœur jaloux fut apaisé.

Quand les sept nains revinrent à leur demeure,ils trouvèrent Blanche neige étendue sur le sol. Cette fois, ellesemblait bien morte. Désespérés, ils la pleurèrent sans arrêtpendant trois jours et trois nuits. Ils voulurent l’enterrer, maiscomme ses joues demeuraient roses et ses lèvres fraîches, ilsdécidèrent de ne pas la mettre sous terre, mais de lui fabriquer uncercueil de cristal et de la garder près d’eux.

Ils placèrent le cercueil sur un rocher, àcôté de la maisonnette, et ils montèrent la garde à tour de rôle.Les années passèrent. Blanche neige semblait toujours dormirtranquillement dans son cercueil de cristal, fraîche et rose.

Un jour, un prince jeune et beau traversa laforêt et s’arrêta chez les sept nains pour y passer la nuit. Quandil vit le cercueil de cristal et la belle jeune fille endormie, ilfut pris d’un tel amour pour elle, qu’il dit aux nains :

– Faites m’en cadeau ! Je ne peuxplus vivre sans voir Blanche neige.

Les nains, émus, lui donnèrent le cercueil decristal. Le prince le fit porter à dos d’homme jusqu’à son palais.Chemin faisant, un des porteurs trébucha et la secousse fut telleque le morceau de pomme resté dans la gorge de la jeune fille ensortit. Elle ouvrit les yeux, souleva le couvercle du cercueil, etregardant autour d’elle, dit :

– Où suis-je ?

Tout joyeux, le prince lui répondit :

– Tu es en sécurité avec moi. Je t’aimeplus que tout au monde, viens au palais du roi, mon père et jet’épouserai.

Blanche neige consentit avec joie. Leurs nocesfurent célébrées avec une splendeur et une magnificence dignes deleur bonheur.

On invita tous les rois et toutes les reines.Quand la belle-mère se fut parée de ses plus beaux atours, elleposa à son miroir l’éternelle question.

Hélas, le miroir lui répondit :

– Reine tu étais la plus belle, mais lafiancée brille d’une splendeur sans pareille.

A ces mots, la reine entra dans une violentefureur. Tout d’abord, elle ne voulut plus aller aux noces. Puiselle ne put résister au désir de voir cette jeune princesse quiétait si belle. Quand elle reconnut Blanche neige, elle fut prised’une telle rage qu’elle tomba terrassée par sa proprejalousie.

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