Conversation d’une petite fille avec sa poupée

Eugénie, première maîtresse de Zozo.

Il y avoit dans les prisons de cette ville, unMonsieur d’un grand mérite, persécuté injustement. Sa famillel’alloit voir ; mais, dans la crainte de paroître suspecte,elle n’osoit pas se rendre à la prison aussi souvent qu’ellel’auroit voulu. Une petite fille de cinq ans prit sur elle dedonner à son malheureux père les consolations qui étoient en sonpouvoir, jusqu’au moment qui devoit décider de son sort.

Elle alloit chaque jour, matin et soir,visiter son père. Leste, caressante, pleine de saillies,et de la plus jolie figure du monde, cette charmante petite nemanquoit jamais à ce devoir. C’est vainement que les guichetierslui résistaient ; elle parvenoit à les fléchir par sesinstantes prières. Quand elle étoit refusée net, elle attendoitpatiemment un moment favorable, et parvenoit à entrer en seglissant sous les bras de ceux qui se présentoient. Alors courant àtoutes jambes, tout essoufflée, elle alloit trouver son pèrequ’elle caressoit, qu’elle embrassoit mille fois, avec lequel ellerioit et pleuroit tour à tour. Cette aimable enfant sembloit avoirconçu toute la profondeur de l’infortune qui accabloit son père, etla nécessité de le soustraire à ses chagrins ; elle luiracontoit tout ce qu’elle avoit pu recueillir de plus intéressant,et les petites anecdotes de sa famille, qui pouvoient l’arracher àsa douleur. Cette aimable petite étoit devenue un objet d’attenteet de distraction pour tous les prisonniers. En sortant, elle sechargeoit de faire leurs petites commissions, et les laissoit dansl’admiration d’une tendresse filiale, qui, pour être précoce, n’enréunissoit pas moins tous les caractères qui rendent cette vertuaussi intéressante qu’honorable.

Madame la princesse de ***, qui s’intéressoitau prisonnier eut assez de pouvoir pour lui faire rendre justice.Elle accabla la chère petite des plus tendres caresses, et luienvoya la belle et riche poupée qu’elle avoit fait faire à sonintention, afin de récompenser son attachement pour son père ;mais l’aimable enfant l’eut à peine reçue, que de nouvellespersécutions forcèrent son père et sa mère d’abandonner leur pays.La petite fille laissa sa belle poupée à une de ses parentes, dontje vais te parler à présent. Mais comment trouves-tu la premièremaîtresse de Zozo ? – Oh ! maman, une petite fille biengentille ! Je voudrais bien lui ressembler ! elle aimoitbien son papa ! Moi, j’aime bien aussi le mien ; mais jen’aurois pas autant d’esprit qu’elle ! – Tu en aurois de même,Mimi, si tu nous aimois tendrement, et que nous fussions en danger.– Oh ! maman, si je vous aime ! en pouvez-vousdouter ? – Non, ma bonne amie, je n’en doute pas : mapetite fille, que je chéris, pour laquelle je sacrifie tout, nepeut pas être une ingrate ! Voyons en quelles mains Zozo esttombée.

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