Conversation d’une petite fille avec sa poupée

Le méchant petit Garçon.

Paul étoit un jeune homme querelleur etméchant ; aussi il n’étoit aimé de personne à cause de sesmauvaises qualités. Son plus grand plaisir étoit de faire du mal àtous les animaux qu’il rencontroit : s’il voyoit un chien dansla rue, il lui jetoit une pierre, ou lui donnoit un coup debâton ; il se faisoit un jeu de faire sauter les chats par lesfenêtres ; quelquefois même il leur coupoit les oreilles et laqueue ; c’étoient pour lui des gentillesses.

Un jour il attela un chien à un chariot qu’ilavoit chargé de pierres : Tu es maintenant mon cheval, luidisoit-il ; et il le frappoit rudement, parce que ce petitanimal ne pouvoit pas traîner ce chariot, dont la charge excédoitses forces.

Sur ces entrefaites, Nicolas, père de Paul,arriva par hasard. Témoin de la cruauté de son fils, il le saisitpar le bras, et l’attachant à une grande voiture, il lui ordonna dela traîner. Paul, incapable de remuer seulement cette lourde masse,assura son père que cela lui étoit impossible. Nicolas, sansl’écouter, prit un fouet, et lui en donna sans miséricorde. Lepetit garçon jetoit les hauts cris ! – Ce traitementt’amuse-t-il ? lui demanda son père. Paul ne répondit que parses pleurs. – Eh bien ! ajouta Nicolas, penses-tu que ce chienque tu fais souffrir, soit moins sensible que toi à la douleur, etque les coups de fouet lui soient plus supportables qu’à toi ?Tu ne dois faire du mal à aucun être vivant, si tu ne veux, à tontour, être maltraité toi-même : souviens-toi decela !

Paul oublia bientôt cette leçon. Quelquessemaines après, une hirondelle lui tomba entre les mains ; illui arracha toutes les plumes les unes après les autres. Son pèredécouvrit encore ce nouveau trait de cruauté. Ô Dieu ! dit-ilen soupirant ; que je suis malheureux d’être le père d’unenfant qui sera peut-être un jour la honte et l’opprobre de mamaison !… Transporté de colère, il se rendit auprès de Paul,et lui dit : Méchant enfant ! ne t’avois-je pas avertique toutes les fois que tu ferois du mal aux animaux, ou que tuserois cruel envers un être vivant, quel qu’il fût, je le serois demême envers toi ? Tu as arraché sans pitié les plumes de cepetit oiseau, et ses cris plaintifs n’ont pas ému ton cœur deroche !… Je veux te donner une idée des douleurs excessivesque tu as causées à cette innocente créature… En même temps,Nicolas saisit le méchant Paul par les cheveux, et lui en arrachaune touffe. Paul poussoit des cris lamentables, maispersonne ne le plaignoit, parce qu’on connoissoit son mauvaiscœur.

Un jour, que Paul avoit fait une nouvelleméchanceté, un homme de mérite, qui en fut témoin, la 1ui reprochaavec amertume ; il lui prédit un avenir funeste : il estimpossible, lui dit-il, que vous ne trouviez point quelque jour lechâtiment des souffrances que vous faites endurer à ces animaux,que Dieu n’a donnés à l’homme que pour être sa joie et sasatisfaction. Si jamais vous éprouvez de grandes douleurs,souvenez-vous de ce que je vous dis aujourd’hui.

Paul se moqua des remontrances et desprédictions de l’honnête homme qui lui parloit. Il continua d’êtrecruel envers les animaux, et finit enfin, comme cela devoit être,par être barbare avec ses semblables. Il fut même sur le point detuer un de ses amis qui lui reprochoit ses défauts.

Étant devenu grand, Paul se fit soldat ;mais qu’arriva-t-il ? dans la première bataille où il setrouva, un boulet de canon lui emporta les deux jambes. On l’enlevacomme mort. Les douleurs inexprimables qu’il ressentit ensuite, luiarrachèrent des cris affreux !… Lorsqu’on mit le premierappareil sur ses blessures, l’aumônier du régiment, ecclésiastiquepieux et zélé, cherchoit à lui inspirer du courage et de lapatience ; mais les douleurs insupportables que Paulsouffroit, lui rendoient ces consolations tout à fait inutiles.Quand il fut plus calme, il se souvint des cruautés qu’il avoitexercées dans sa jeunesse envers les animaux ; il se rappelaaussi la prédiction qui lui avoit été faite par l’ami de sonpère : Ah ! s’écrioit-il, qu’ai-je fait ! je sens àprésent la grandeur de ma faute ! Dieu est juste ; il mepunit comme je l’ai mérité…

Paul, tout estropié, vécut encore dix ans,allant de ville en ville pour recueillir quelques aumônes. Cettevie misérable n’étoit encore rien en comparaison des reprochesqu’il s’adressoit à lui-même ; car de tous les maux, le plusinsupportable est la certitude d’avoir mérité les peines que l’onsouffre.

Lorsque madame Belmont eut fini cettehistoire, elle renvoya Mimi à ses joujoux. La petite fille, selonson habitude, causa bien bas, bien bas avec sa poupée. Il y alongtemps, Zozo, lui dit-elle, que je ne vous aiinterrogée. Voyons un peu si vous êtes bien savante. Combien ya-t-il de jours dans l’année ?

ZOZO.

Trois cent soixante-cinq.

MIMI.

Dans le mois ?

ZOZO.

Trente ou trente et un.

MIMI.

Dans la semaine ?

ZOZO.

Sept.

MIMI.

Nommez-les.

Z O Z O.

Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi,samedi, dimanche.

MIMI.

Combien y a-t-il de mois dansl’année ?

ZOZO.

Douze.

MIMI.

Nommez-les.

ZOZO.

Janvier, février, mars, avril, mai, juin,juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre.

MIMI.

C’est bien ; je suis contente de vous.Tenez, voici une pièce neuve pour votre récompense. Venez, que jevous embrasse.

Mimi et Zozo répétoient toujours à peu prèsles mêmes choses : c’étoient des leçons de lecture ou depolitesse : Mimi étoit l’écho de sa mère.

Un jour que la petite avoit rempli ses devoirsmieux encore que de coutume, sa maman la fit venir auprès d’ellepour lui conter une histoire, chose qu’elle aimoitpar-dessus tout.

Viens ici, ma bonne amie, lui dit madameBelmont, j’ai une histoire à te raconter. Mimi prit son petittricot ; elle fut s’asseoir auprès de sa maman comme une filleraisonnable, et madame Belmont commença ainsi.

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