Le Crime d’Orcival

Chapitre 17

 

Le lendemain, le temps était froid et humide. Il faisait unbrouillard si épais qu’on ne distinguait pas les objets à dix pasdevant soi. Cependant, à l’issue du déjeuner, Sauvresy prit sonfusil et siffla ses chiens.

– Je vais faire un tour dans les bois de Mauprévoir, dit-il.

– Singulière idée ! remarqua Hector, une fois sous bois, tune verras seulement pas le bout du canon de ton fusil.

– Que m’importe, pourvu que j’aperçoive quelques faisans.

Ce n’était qu’un prétexte, car en sortant du Valfeuillu,Sauvresy prit à droite la route de Corbeil, et une demi-heure plustard, fidèle à sa promesse, il entrait à l’hôtel de laBelle-Image.

Miss Fancy l’attendait dans cette grande chambre à deux litsqu’on lui réservait toujours depuis qu’elle était une des bonnesclientes de l’hôtel. Ses yeux étaient rouges de larmes récentes,elle était fort pâle et son teint marbré annonçait bien qu’elle nes’était pas couchée.

Sur la table, près de la cheminée où brûlait un grand feu, setrouvait encore son déjeuner auquel elle n’avait pas touché.

Lorsque Sauvresy entra, elle se leva pour aller à sa rencontre,lui tendant amicalement la main :

– Merci, lui disait-elle, merci d’être venu. Ah ! vous êtesbon, vous.

Jenny n’était qu’une fille et Sauvresy détestait lesfilles ; pourtant sa douleur était si évidente et semblait siprofonde qu’il fut sincèrement ému.

– Vous souffrez, madame ? demanda-t-il.

– Oh ! oui, monsieur, oui, cruellement.

Les larmes l’étouffaient, elle cachait sa figure sous sonmouchoir.

« J’avais deviné, pensait Sauvresy, Hector lui a signifié soncongé. À moi, maintenant, de panser délicatement la blessure, touten rendant un raccommodement impossible. »

Et comme Fancy pleurait toujours, il lui prit les mains, etdoucement, bien que malgré elle, il lui découvrit le visage.

– Du courage, lui disait-il, du courage.

Elle leva sur lui ses grands yeux noyés, auxquels la douleurdonnait une ravissante expression.

– Vous savez donc ? interrogea-t-elle.

– Je ne sais rien, car sur votre, prière je n’ai rien demandé àTrémorel, mais je devine.

– Il ne veut plus me revoir, fit douloureusement miss Fancy, ilme chasse.

Sauvresy fit appel à toute son éloquence. Le moment était venud’être à la fois persuasif et banal, paternel mais ferme.

Il traîna une chaise près de miss Fancy et s’assit.

– Voyons, mon enfant, poursuivit-il, soyez forte, sachez vousrésigner. Hélas ! votre liaison a le tort de toutes lesliaisons semblables, que le caprice noue, que la nécessité rompt.On n’est pas éternellement jeune. Une heure sonne, dans la vie, oùbon gré mal gré il faut écouter la voix impérieuse de la raison.Hector ne vous chasse pas, vous le savez bien, mais il comprend lanécessité d’assurer son avenir, d’asseoir son existence sur lesbases plus solides de la famille, il sent le besoin d’unintérieur…

Miss Fancy ne pleurait plus. Le naturel reprenait le dessus, etses larmes s’étaient séchées au feu de la colère qui lui revenait.Elle s’était levée, renversant sa chaise, et elle allait et venaitpar la chambre incapable de rester en place.

– Vous croyez cela, monsieur, disait-elle, vous croyez qu’Hectors’inquiète de l’avenir ? On voit bien que vous ne savez riende son caractère. Lui, songer à un intérieur, à une famille !Il n’a jamais pensé et ne pensera jamais qu’à lui. Est-ce que, s’ilavait eu du cœur, il serait allé se pendre à vos crocs comme il l’afait. N’avait-il donc pas deux bras, pour gagner son pain et lemien. J’avais honte, moi qui vous parle, de lui demander del’argent, sachant que ce qu’il me donnait, venait de vous.

– Mais il est mon ami, ma chère enfant.

– Agiriez-vous comme lui ?

Sauvresy ne savait vraiment que répondre, embarrassé par lalogique de cette fille du peuple, jugeant son amant comme on jugedans le peuple, brutalement, sans souci des conventions imaginéesdans la bonne compagnie.

– Ah ! je le connais, moi, poursuivait Jenny, s’exaltant àmesure que se présentaient ses souvenirs, il ne m’a trompée qu’unefois, le matin où il est venu m’annoncer qu’il allait se détruire.J’ai été assez bête pour le croire mort et pleurer. Lui, setuer ! Allons donc, il a bien trop peur de se faire mal, ilest bien trop lâche. Oui, je l’aime, oui, c’est plus fort que moi,mais je ne l’estime pas. C’est notre sort, à nous autres, de nepouvoir aimer que des hommes que nous méprisons.

On devait entendre Jenny de toutes les pièces voisines, car elleparlait à pleine voix, gesticulant, et parfois donnant sur la tableun coup de poing qui secouait les bouteilles et les verres.

Et Sauvresy s’inquiétait un peu de ce que penseraient les gensde l’hôtel qui le connaissaient, qui l’avaient vu entrer. Ilcommençait à regretter d’être venu, et faisait tous ses effortspour calmer miss Fancy.

– Mais Hector ne vous abandonne pas, répétait-il, Hector vousassurera une petite position.

– Eh ! je me moque bien de sa position ! Est-ce quej’ai besoin de lui ? Tant que j’aurai dix doigts et de bonsyeux, je ne serai pas à la merci d’un homme. Il m’a fait changer denom, il a voulu m’habituer aux grandeurs ; la belleaffaire ! Il n’y a plus aujourd’hui ni miss Fancy ni opulence,mais il y a encore Pélagie qui se charge de gagner ses cinquantesous par jour sans se gêner.

– Non, essayait Sauvresy, vous n’aurez plus besoin…

– De quoi ? De travailler. Mais cela me plaît, à moi, je nesuis pas une fainéante. Tiens ! je reprendrai mon existenced’autrefois. Pensez-vous que j’étais bien malheureuse ? Jedéjeunais d’un sou de pain et d’un sou de frites et je n’en étaispas moins fraîche. Le dimanche, on me conduisait dîner au Turc,pour trente sous. C’est là, qu’on s’amuse ! J’y ai plus ri enune seule soirée que depuis des années que je connais Trémorel.

Elle ne pleurait plus, elle n’était plus en colère, elle riait.Elle pensait aux cornets de frites et aux dîners du Turc.

Sauvresy était stupéfait. Il n’avait pas idée de cette natureparisienne, détestable et excellente, mobile à l’excès, nerveuse,toute de transition, qui pleure et rit, caresse et frappe dans lamême minute, qu’une fugitive idée qui passe entraîne à cent lieuesdes sensations présentes.

– Donc, conclut Jenny devenue plus calme, je me moque d’Hector –elle venait de dire précisément le contraire et l’oubliait –, je mesoucie de lui comme de l’an huit, mais je ne souffrirai pas qu’ilm’abandonne ainsi. Non, il ne sera pas dit qu’il m’aura quittéepour une autre maîtresse, je ne le veux pas.

Miss Fancy était de ces femmes qui ne raisonnent pas, quisentent, avec lesquelles discuter est folie, car toujours en dépitdes plus victorieux arguments leur idée fixe se représente, commeun bouchon qui, enfoncé dans une bouteille, revient toujours, quoiqu’on fasse, aussitôt qu’on verse.

Tout en se demandant pourquoi elle l’avait fait venir, Sauvresyse disait que le rôle qu’il s’était proposé tout d’abord seraitdifficile à remplir. Mais il était patient.

– Je vois, ma chère enfant, recommença-t-il, que vous ne m’avezni compris ni même écouté. Je vous l’ai dit, Hector a un mariage envue.

– Lui ! répondit Fancy, avec un de ces gestes ironiques duboulevard, qui sont l’argot du geste, lui se marier !

Elle réfléchit un moment et ajouta :

– Si c’était vrai, pourtant ?…

– Je vous l’affirme, prononça Sauvresy.

– Non, s’écria Jenny, non, mille fois non, ce n’est paspossible. Il a une maîtresse, je le sais, j’en suis sûre, j’ai despreuves.

Un sourire de Sauvresy triompha d’une hésitation qui l’avaitarrêtée.

– Qu’est-ce donc alors, reprit-elle avec violence, que cettelettre que j’ai trouvée dans sa poche, il y a plus de sixmois ? Elle n’est pas signée, c’est vrai, mais elle ne peutvenir que d’une femme.

– Une lettre ?

– Oui, et qui ne laisse pas de doutes. Vous vous demandezcomment je ne lui en ai pas parlé ? Ah voilà je n’ai pas osé.Je l’aime, j’ai été lâche. Je me suis dit : si je parle, et quevraiment il aime l’autre, c’est fini, je le perds. Entre le partageet l’abandon, j’ai choisi un partage ignoble. Et je me suis tue, jeme résignais à l’humiliation, je me cachais pour pleurer, jel’embrassais d’un air riant pendant que sur son front je cherchaisla place des baisers de l’autre. Je me disais : il me reviendra.Pauvre folle ! Et je ne le disputerais pas à cette femme quim’a tant fait souffrir.

– Eh ! mon enfant, que voulez-vous faire ?

– Moi ? Je n’en sais rien ; tout. Je n’ai rien dit decette lettre, mais je l’ai gardée : c’est mon arme à moi. Je m’enservirai. Quand je le voudrai bien, je saurai de qui elle est, etalors…

– Vous forcerez Trémorel, si bien disposé pour vous, à user demoyens violents.

– Lui ! Que peut-il contre moi ? Je m’attacherai àlui, je le suivrai comme son ombre, j’irai partout crier le nom del’autre. Il me fera jeter à Saint-Lazare ? On en sort.J’inventerai contre lui les plus horribles calomnies, on ne mecroira pas sur le moment ; il en restera toujours quelquechose plus tard. Je n’ai rien à craindre, moi, je n’ai ni parents,ni amis, ni personne au monde qui se soucie de moi. Voilà ce quec’est que de prendre ses maîtresses dans la rue. Je suis tombée sibas que je le défie de me pousser plus bas encore. Ainsi, tenez,monsieur, vous êtes son ami, croyez-moi, conseillez-lui de merevenir.

Sauvresy ne laissait pas que d’être effrayé, il sentait vivementtout ce que les menaces de Jenny avaient de réel. Il est despersécutions contre lesquelles la loi est absolument désarmée. Etquand même ! À frapper dans la boue on s’éclabousse toujoursplus ou moins.

Mais il dissimula la frayeur sous l’air le plus paternel qu’ilput prendre.

– Écoutez, ma chère enfant, reprit-il, si je vous donne maparole, vous m’entendez bien ? ma parole d’honneur de vousdire la vérité, me croirez-vous ?

Elle hésita une seconde, et dit :

– Oui ! vous avez de l’honneur, vous ; je vouscroirai.

– Alors, je vous jure que Trémorel espère épouser une jeunefille, immensément riche, dont la dot assure son avenir.

– Il vous le dit, il vous le fait croire.

– Dans quel but ? Je vous affirme que depuis qu’il est auValfeuillu. Il n’a eu, il ne peut avoir eu d’autre maîtresse quevous. Il vit dans ma maison, comme mon frère, entre ma femme etmoi, et je pourrais dire l’emploi de toutes les heures de sesjournées aussi bien que des miennes.

Miss Fancy ouvrait la bouche pour répondre, mais une de cesréflexions soudaines qui changent les déterminations les mieuxarrêtées glaça la parole sur ses lèvres. Elle se tut et devint fortrouge, regardant Sauvresy avec une expression indéfinissable.

Lui, ne l’observait pas. Il était agité d’un de ces mouvementsde curiosité puérile, sans but précis, qu’on ne s’explique pas etqui n’en sont pas moins pressants. Cette preuve dont parlait Jennyl’intriguait.

– Cependant, dit-il, si vous vouliez me montrer cette fameuselettre…

Elle ressentit à ces mots comme une commotion électrique.

– À vous, fit-elle frissonnante, à vous, monsieur !Jamais.

On dort. Le tonnerre gronde, l’orage éclate sans que le sommeilsoit troublé ; puis tout à coup, à un certain moment,l’imperceptible vibration de l’aile de l’insecte qui passe,éveille.

Le frisson de Fancy fut pour Sauvresy cette vibration à peinesaisissable. L’éclair sinistre du doute illumina son âme. C’enétait fait de sa sécurité, de son bonheur, de son repos, de savie.

Il se redressa, l’œil étincelant, les lèvres tremblantes.

– Donnez-moi cette lettre, dit-il d’un ton impérieux.

Jenny eut une telle frayeur qu’elle recula de trois pas. Elledissimulait tant bien que mal ses impressions, même elle essayaitde sourire, de tourner la chose en plaisanterie.

– Pas aujourd’hui, répondit-elle, une autre fois, vous êtes tropcurieux.

Mais la colère de Sauvresy grandissait, terrible, effrayante, ilétait devenu pourpre comme s’il eût été sur le point d’être frappéd’un coup de sang, et il répétait d’une voix à peine distincte.

– Cette lettre, je veux cette lettre.

– Impossible, bégayait Fancy, impossible.

Et se raccrochant à une inspiration suprême, elle ajouta :

– D’ailleurs, je ne l’ai pas ici.

– Où est-elle ?

– Chez moi, à Paris.

– Partons alors, venez.

Elle se sentait prise. Et elle ne trouvait, elle si fine, ellesi rouée, comme elle se plaisait à le dire, ni une ruse, ni unexpédient. Il lui était bien facile, cependant, de suivre Sauvresy,d’endormir ses soupçons à force de gaieté, puis, une fois dans lesrues de Paris, de le perdre, de s’esquiver.

Non, elle ne songeait pas à cela, elle ne songeait qu’à fuirvite, sur-le-champ. Elle crut qu’elle aurait le temps de gagner laporte, de l’ouvrir, de se jeter dans les escaliers… elle seprécipita. D’un bond, Sauvresy fut sur elle, refermant la portedéjà entrouverte, d’un coup de pied qui ébranla les cloisons.

– Misérable femme ! disait-il, d’une voix rauque et sourde,misérable créature, tu veux donc que je t’écrase !

D’un mouvement terrible, la repoussant, il la lança dans unfauteuil. Puis donnant un double tour à la porte il mit la clé danssa poche.

– Maintenant, reprit-il, revenant à Fancy, la lettre.

De sa vie, la pauvre fille n’avait éprouvé une terreur pareille.La colère de cet homme l’épouvantait, elle comprenait qu’il étaithors de lui, qu’elle était entre ses mains, à sa merci, qu’ellepouvait être brisée, et cependant elle se débattait encore.

– Vous m’avez fait mal, murmurait-elle, essayant la puissance deses larmes, bien mal, je ne vous ai cependant rien fait.

Il lui reprit les poignets, et se penchant sur elle jusqu’àeffleurer son visage :

– Une dernière fois, dit-il, cette lettre, donne-la moi ou je laprends de force.

Résister plus longtemps était folie. Par bonheur, elle n’eut pasl’idée de crier, on serait venu et peut-être en était-ce faitd’elle.

– Lâchez-moi, répondit-elle, vous allez l’avoir.

Il la lâcha, restant debout, devant elle, pendant qu’ellefouillait dans toutes ses poches. Ses cheveux, dans la lutte,s’étaient dénoués, sa collerette était déchirée, elle était livide,ses dents claquaient, mais ses yeux brillaient d’une audace etd’une résolution viriles.

Tout en paraissant chercher, elle murmurait :

– Attendez… la voilà… Non. C’est singulier, je suis pourtantsûre de l’avoir, je la tenais il n’y a qu’un instant…

Et tout à coup, d’un geste plus prompt que l’éclair, elle portaà sa bouche la lettre qu’elle avait roulée en boule, essayant del’avaler.

Elle ne le put, Sauvresy lui serrait la gorge à l’étrangler.Elle râla, puis poussa un cri étouffé :

– Ah !…

Enfin ! il était le maître de cette lettre.

Il fut plus d’une minute à l’ouvrir, tant ses mainstremblaient ; pourtant il l’ouvrit.

Ah ! ses soupçons étaient justes, il ne s’était pastrompé.

C’était bien l’écriture de Berthe.

Il eut une sensation horrible, indescriptible, un vertige, puisune épouvantable commotion, la sensation d’un homme qui, d’unehauteur vertigineuse, serait précipité à terre, et se rendraitcompte de la chute et du choc. Il n’y voyait plus clair ; ilavait comme un nuage rouge devant les yeux ; ses jambes sedérobaient sous lui, il chancelait, et ses mains battaient l’aircherchant un point d’appui.

Un peu revenue à elle, Jenny l’épiait du coin de l’œil, ellepensa qu’il allait tomber et s’élança pour le soutenir. Mais lecontact de cette femme lui fit horreur, il la repoussa.

Qu’était-il arrivé ? Il n’eût su le dire. Ah ! ilvoulait lire cette lettre et il ne pouvait pas. Alors, ils’approcha de la table, se versa et but coup sur coup deux grandsverres d’eau. L’impression du froid le ranimait, le sang qui tout àcoup avait afflué à la tête reprenait son cours, il y voyait.

C’était un billet de cinq lignes, il lut :

« N’allez pas demain à Petit-Bourg, ou plutôt revenez-en avantdéjeuner. Il vient de me dire à l’instant qu’il lui faut aller àMelun et qu’il rentrera tard. Toute une journée ! »

Il… c’était lui. Cette autre maîtresse d’Hector, c’était safemme, c’était Berthe.

Pour le moment, il ne voyait rien au-delà. Toute pensée en luiétait anéantie. Ses tempes battaient follement, il entendait dansses oreilles un bourdonnement insupportable, il lui semblait quel’univers s’abîmait avec lui.

Il s’était laissé tomber sur une chaise. De pourpre qu’il était,il était devenu livide ; le long de ses joues, de grosseslarmes roulaient qui le brûlaient.

En voyant cette douleur immense, ce désespoir silencieux, envoyant cet homme de cœur foudroyé, Jenny comprit l’infamie de saconduite. N’était-elle pas la cause de tout ? Le nom de lamaîtresse d’Hector, elle l’avait deviné. En demandant une entrevueà Sauvresy, elle se proposait bien de lui tout dire, se vengeantainsi à la fois et d’Hector et de l’autre. Puis, à la vue de cethomme d’honneur refusant de comprendre ses allusions, n’ayant pasl’ombre d’un soupçon, elle avait été saisie de pitié. Elle s’étaitdit que le plus cruellement puni, ce serait lui, et alors elleavait reculé, mais trop tard, mais maladroitement, et il lui avaitarraché son secret.

Elle s’était approchée de Sauvresy et cherchait à lui prendreles mains, il la repoussa encore.

– Laisse-moi, disait-il.

– Monsieur, pardon, je suis une malheureuse, je me faishorreur.

Il se redressa tout d’une pièce, revenant peu à peu au sentimentde l’affreuse réalité.

– Que me voulez-vous ?

– Cette lettre, j’avais deviné…

Il eut un éclat de rire navrant, sinistre, l’éclat de rire d’unfou.

– Dieu me pardonne ! ma chère, fit-il, vous avez osésoupçonner ma femme !

Et pendant que Fancy balbutiait des excuses inintelligibles, ilsortit son portefeuille et en retira tout ce qu’il contenait, septou huit billets de cent francs, qu’il posa sur la table.

– Prenez toujours ceci de la part d’Hector, dit-il, on ne vouslaissera manquer de rien, mais croyez-moi, laissez-le semarier.

Puis, toujours de ce même mouvement automatique qui terrifiaitmiss Fancy, il prit son fusil qu’il avait posé dans un coin, ouvritla porte et sortit.

Ses chiens, restés dehors, se précipitèrent sur lui pour lecaresser, il les repoussa à coups de pied.

Où allait-il ? qu’allait-il faire ?

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