Le Marquis de Loc-Ronan

Chapitre 31PIÉTRO

Un tumulte étourdissant régnait dans la salle.On était à peine à la moitié du souper, et presque tous lesconvives étaient ivres. Carrier prodiguait ses caresses à AngéliqueCaron. Chacun criait, jurait, blasphémait, sans s’occuper de sonvoisin. Marcof alors se pencha vers Hermosa, à laquelle il n’avaitencore adressé la parole que pour lui donner l’avertissement quenous connaissons.

– Tu m’as donc reconnu ?demanda-t-il d’une voix railleuse.

– Oui, répondit sourdement lacourtisane.

– Et cela t’étonne de me rencontrerici ?

– Qu’y viens-tu faire ?

– Es-tu vraiment curieuse de lesavoir ?

– Peut-être.

– Allons ! ne joue pas la comédie enprenant des airs de reine. Je te connais trop pour que tu te donnescette peine. Cordieu ! maîtresse de Carrier, c’est une bellefin, et j’ai dans l’idée que ce sera là ton dernier amour.

– Comme ce souper sera ton dernierrepas.

– Je ne crois pas.

– Moi, je l’espère ; tu vois que jesuis franche.

– À merveille ; seulement, n’oubliepas que si je tombe, tu tomberas avant moi ! Cependant, il tereste un moyen de t’échapper de mes mains.

– Lequel ?

– Celui de continuer à être franche.

– À quel propos ?

– À propos des questions que je vaist’adresser.

– Des questions, à moi ?

– Sans doute.

– Je ne comprends pas.

– Tu vas comprendre. Oh ! net’alarme pas. Personne ne nous entend, et au milieu de ce bruitépouvantable nous pouvons causer ensemble ; seulement, net’étonne pas de ce que je me tiens à demi penché vers ce cherPinard ; c’est un ami que j’aime tant, que je veux toujoursavoir un œil sur lui ; et puis, quand il entendrait notreconversation, il n’en abusera pas, je m’en porte garant. Dis-moi,ma belle, lorsqu’il y a un peu plus de deux années tu tombas entremes mains, tu te rappelles, sans doute ?

– Oui. Après ?

– Un peu de patience. Cette même nuit, jetrouvai dans l’abbaye de Plogastel un homme mourant. Cet homme senommait le chevalier de Tessy, et passait pour ton frère…

– C’était mon frère, interrompitHermosa.

– Vraiment ?

– Certes !

– Eh bien ! cela est fâcheux pour lafamille, car j’ai reconnu dans celui qui se donnait ce titre unancien bandit que j’avais vu dans les Calabres.

– Impossible !

– Bah ! Il l’a avoué lui-même.

– Tu mens ! dit Hermosa avec rage,car elle crut que le marin était plus instruit encore qu’il ne leparaissait. Tu mens ! Aussi bien, dis ce que tu voudras, je nerépondrai plus.

– Tu ne répondras plus ?

Hermosa garda le silence.

– Allons, continua Marcof, il faut que jete raconte une petite histoire. Tu vois ce digne Pinard qui est là,assis près de moi. Cette nuit, nous étions ensemble à quelqueslieues de Nantes. J’avais à lui parler d’affaires, et j’étais venule chercher hier. Eh bien ! lui aussi ne voulait pas parler.Sais-tu ce que j’ai fait ? Le moyen est des plus simples, maisil est infaillible. J’ai fait chauffer à blanc une petite plaque detôle et je l’ai appliquée sur l’épaule droite du citoyen. La chaira crié, la plaque s’est enfoncée, et lorsque je l’ai enlevée, elleemportait avec elle la peau et laissait l’épaule à vif. Alors j’aifait scier une étrille d’écurie et j’en ai appliqué un morceau ducôté des piquants, bien entendu, sur la brûlure. Puis, j’ai faitattacher solidement l’étrille sur la plaie. En posant seulement ledoigt dessus, je fais de Pinard tout ce que je veux ; en cemoment, je n’ai qu’un geste à accomplir pour le voir tomber àgenoux et demander grâce !

– Que m’importe ! dit Hermosa ;me crois-tu en ton pouvoir ?

– Je ne dis pas cela précisément ;mais ce qui est incontestable, c’est que je puis te brûler lacervelle avec ce pistolet.

– Tu ne le ferais pas !

– Pourquoi donc ?

– Parce que ce serait assurer tamort.

– On ne tue pas Marcof comme cela. J’aiencore un poignard et un autre pistolet ; c’est plus qu’iln’en faut pour profiter de la surprise que causera ta mort.

– Mais que me veux-tu donc ? dit lacourtisane dominée complètement par son interlocuteur dont elleconnaissait l’audace à toute épreuve.

– Je veux que tu répondes à mesquestions.

– Encore ?

– Toujours ! Regarde ! le canonde cette arme est à deux pouces de ta poitrine ; personne nepeut te sauver. Veux-tu répondre ?

– Mais…

– Veux-tu répondre, oui ou non ?

– Eh bien !… oui !

– Franchement ?

– Franchement.

– Ce Raphaël était-il tonfrère ?

– Non !

– Avait-il donc volé le titre qu’ilportait ?

– Oui !

– Tout à l’heure, Carrier t’a appeléeHermosa. Est-ce ton nom ?

– Oui.

– Tu ne te nommes donc plusMarie-Augustine ?

– Non !

– Mais qui es-tu ?

– Qui je suis ?

– Oui.

– La marquise de Loc-Ronan !

– Mensonge !

– Tu sais bien que je ne menspas !

– Je veux connaître le mystère quit’environne, s’écria Marcof avec violence. Je le veux !Parle !… parle ! ou tu es morte !

– Qui donc va mourir ? réponditCarrier qui depuis un moment prêtait une attention singulière à cequi se passait en face de lui et remarquait enfin la contenanced’Hermosa.

Marcof, entraîné par la violence de soncaractère, avait abandonné toute prudence.

Il n’était plus temps de reculer. Il se levabrusquement, et appuyant le canon de son pistolet sur le front dela courtisane :

– Réponds ! s’écria-t-il.

Hermosa poussa un cri d’horreur. Carrier,épouvanté, se leva avec précipitation. Tous les convives, surpris,hésitèrent un moment ; mais ce moment eut à peine la duréed’un éclair.

Pinard venait de profiter de la faute commisepar son voisin ; saisissant l’instant où Marcof se levait, ilavait arraché le second pistolet qui pendait à la ceinture dumarin.

– C’est toi qui vas mourir !hurla-t-il d’une voix triomphante.

Marcof fit un bond en arrière au moment oùCarfor pressait la détente, et la balle, dirigée par la main deDieu, effleura la poitrine du marin et brisa le crâne de lacourtisane. Le corps inanimé d’Hermosa s’affaissa sur la tablequ’il inonda de sang. Un cri d’épouvante répondit à la détonation.Marcof comprit qu’il était perdu.

Rassemblant toutes ses forces, il saisit lebord de la table, roidit ses nerfs d’acier et renversa le meublesur les convives qui lui faisaient face. Les flambeaux glissèrent,les bougies s’éteignirent et l’obscurité remplaça subitementl’éclat des lumières. Alors le marin, son poignard à la main,s’élança, abattant et renversant tout ce qui lui faisaitobstacle.

Il gagna rapidement la porte au milieu descris et du pêle-mêle. Dans l’escalier il rencontra quelquessans-culottes qui accouraient. Une fenêtre s’ouvrait en face delui ; Marcof n’hésita pas un moment, il la franchit et sautaen dehors. Il était tombé devant le poste même de la compagnieMarat. La sentinelle croisa la baïonnette sur lui. Le marin sereleva vivement et prit la fuite. Une balle siffla à ses oreilleset hâta encore sa course.

Par bonheur, Marcof avait pris la direction duBouffay. Arrivé sur la place, il se précipita vers l’échafaud.Boishardy et Keinec l’y attendaient.

– Perdu ! s’écria Marcof avecdésespoir ; tout est perdu par ma faute !

– Non ! répondit Boishardy, tout estsauvé ; nous pouvons pénétrer dans la prison !

– Comment cela ? Il est neuf heuresà peine.

– J’ai un blanc-seing deCarrier !

– Un blanc-seing de Carrier ?

– Le voici ; je l’ai rempli.Venez ! je vous expliquerai tout plus tard. J’ai trouvé cepapier dans la poche du prisonnier fait tantôt par Keinec ;venez, hâtons-nous !

La prison était voisine ; les troishommes y furent en quelques secondes. Boishardy s’avança lepremier.

– Ordre de Carrier ! dit-il enprésentant la feuille tout ouverte à l’officier de service.Celui-ci la prit, puis la mettant dans le tiroir de la petite tabledevant laquelle il était assis :

– Passez, citoyens, dit-il.

– Tu vois ce qu’il nous faut ?répondit Boishardy.

– Oui ; mais ce n’est pas monaffaire. Entrez et adressez-vous aux geôliers.

Boishardy, Marcof et Keinec pénétrèrent dansla prison. Marcof laissait agir son ami. Celui-ci alla droit aubureau du directeur de l’entrepôt, comme disaient lessans-culottes. L’officier les avait fait accompagner par ungrenadier chargé d’appuyer leur demande. Il avait gardé par deverslui l’ordre en blanc rempli par Boishardy, selon l’usage, afin demettre sa responsabilité à couvert.

Boishardy formula le but de sa mission. Ilvenait chercher, au nom du citoyen représentant, deuxprisonniers : le ci-devant marquis de Loc-Ronan et le citoyenJocelyn, ci-devant valet de chambre. Le grenadier appuya lademande, comme il en avait l’ordre de son chef.

– Jocelyn… et Loc-Ronan… répétal’inspecteur ; mais ils sont exécutés depuis longtemps.

– Impossible, répondit Marcof ;Pinard m’a affirmé le contraire.

– Quand cela ?

– Aujourd’hui même.

– Peut-être a-t-il raison… En tous cas,ils ont été incarcérés dans la salle numéro 7 ; s’ilsvivent, ils y sont encore.

– Et où est cette salle ?

– Au fond de la deuxième cour, escalierH, troisième étage ; voici l’ordre pour le geôlier de service…Veux-tu que je te fasse accompagner ?

– Inutile, répondit Boishardy, noustrouverons bien.

Au moment où Marcof et ses compagnonsgravissaient l’escalier indiqué, un roulement de tambour, appelantaux armes les hommes du poste de garde, retentit dans la premièrecour.

Ils s’élancèrent plus rapides que la pensée. Àla faible lueur d’une lanterne fumeuse qui éclairait le corridor,ils distinguèrent deux portes se faisant face. L’une d’ellesportait le numéro 7. L’autre était surmontée de cetteinscription tracée en lettres noires :

CHAMBRE DU SURVEILLANT

Boishardy heurta violemment à cette dernière.Elle s’ouvrit aussitôt et Piétro parut sur le seuil. Il tenait à lamain une petite lampe.

– Que veux-tu, citoyen ?demanda-t-il.

– Le prisonnier Loc-Ronan et leprisonnier Jocelyn.

– Le citoyen Loc-Ronan ? répéta legeôlier.

– Eh oui, tonnerre ! s’écria Marcofen avançant.

La figure du marin se trouvait alors enlumière. Piétro poussa une exclamation joyeuse.

– Marcof ! s’écria-t-il.

– Tais-toi ! répondit le marin entirant son poignard.

– Ne me reconnais-tu pas ? Maisregarde-moi donc ! disait le geôlier tremblant de joie.Quoi ! tu ne veux pas reconnaître Piétro leCalabrais ?

– Piétro ?

– Lui-même.

– Eh bien, si tu m’aimes toujours, mongarçon, rends-moi un dernier service… Fais sortir tout de suiteMM. de Loc-Ronan et Jocelyn.

– Le marquis ?

– Oui.

– Ils ne sont plus dans la sallecommune.

– Où sont-ils ?

– Là, dans ma chambre. J’ai su que cethomme était ton frère, et je voulais le sauver.

– Brave garçon ! s’écria Marcof dontles larmes sillonnaient le visage.

– Ainsi Philippe est là ? demandaBoishardy.

– Oui, messieurs, répondit le marquis deLoc-Ronan qui venait de pousser la porte et se précipitait dans lesbras de ses amis.

Keinec, pendant ce temps, pénétra dans lachambre et s’approcha vivement de la fenêtre donnant sur la cour.Il aperçut des sans-culottes portant des torches, et il reconnutCarfor parmi eux.

– Nous sommes cernés !s’écria-t-il.

– Allons… dit Boishardy, il ne nous resteplus qu’à mourir.

– Mais au moins nous mourrons ensemble,répondit Philippe. Une arme ! Donnez-moi une arme ! Noussommes quatre !…

– Vous m’oubliez donc, monseigneur ?fit une voix émue.

Le vieux Jocelyn s’avançait à son tour.

– Tiens, dit Marcof, prends cepoignard.

– Ils montent, cria Keinec.

– Essayons toujours de vaincre, réponditMarcof.

– Non, non, fuyons, interrompit Piétro.Venez, venez, suivez-moi. Que l’un de vous seulement éteigne lalanterne.

Keinec brisa la lampe. Piétro alors saisit lamain de Marcof et l’entraîna dans l’obscurité. Leurs compagnons lessuivirent. On entendait les pas des sans-culottes qui gravissaienthâtivement l’escalier. L’obscurité pouvait encore protéger Piétroet ceux qu’il dirigeait ; mais cette obscurité allait cesser,car déjà la lueur des torches apparaissait à l’entrée ducorridor.

Piétro venait d’atteindre l’extrémité opposée.Il poussa une porte tout ouverte, et pénétra dans une petite piècedans laquelle brûlait une bougie enfermée dans une lanterne sourde.Tous se précipitèrent. Piétro referma la porte et poussa deuxverrous intérieurs.

– La porte est doublée de fer,dit-il ; pendant qu’ils l’abattront, nous aurons le temps defuir.

– Par où ? demanda Boishardy.

Piétro désigna les fenêtres. Il y en avaittrois toutes garnies de barreaux de fer.

– Nous n’aurons pas le temps de scier lesbarreaux, fit observer Marcof.

– Ils le sont, répondit le geôlier.Détachez-les vite.

Keinec, Boishardy et Jocelyn s’élancèrent.Effectivement, les barreaux des trois fenêtres, sciés habilement,aux deux extrémités, n’offrirent aucune résistance. Pendant cetemps, Piétro, ouvrant un coffre, en tirait trois cordes ànœuds.

– Attachez cela, dit-il ; j’aiménagé un barreau exprès. Comme il n’y a pas de prisonniers danscette aile, on ne pose plus de sentinelle au dehors de ce côté.

– Mais, dit Marcof, tu avais donc toutpréparé ?

– Sans doute. Puisque cet homme était tonfrère, je devais le sauver.

– Oui, ajouta Philippe, ce pauvre garçonm’avait promis de fuir avec nous.

– Les cordes sont attachées, criaKeinec.

En ce moment, un bruit épouvantable éclatadans le corridor, et la porte trembla sous les coups de lahache.

– Partez ! fit Piétro.

– Philippe, Jocelyn et toi, d’abord,répondit Marcof.

– Mais…

– Il y va de la vie. Partez,tonnerre ! ou nous périrons tous.

L’hésitation n’était pas possible ; laporte commençait à se fendre. Philippe enjamba une fenêtre. Piétros’élança sur l’autre, et Marcof aida Jocelyn à escalader latroisième. Tous trois disparurent.

– À nous ! fitM. de Boishardy. Dépêchons !

Il était temps en effet. La porte volait enéclats, les fers des piques la traversaient. Les plaques de tôleoffraient seules encore une minime résistance. Pinard, l’œil enfeu, l’écume aux lèvres, excitait les sans-culottes. Boishardy etKeinec étaient déjà au dehors ; leur tête passait encoreau-dessus de l’appui de la fenêtre.

– Venez donc ! cria le gentilhomme àMarcof qui restait immobile.

Tout à coup la porte tomba, renversée dansl’intérieur. Marcof venait de saisir la corde à nœuds.

– Vite ! cria-t-il à ses compagnonsqui se laissèrent glisser rapidement.

– Coupez les cordes, hurla Pinard en seprécipitant vers la fenêtre sur laquelle venait de monter le marin.Coupez-les…

Il ne put achever. Une balle lui fracassait lamâchoire. Marcof laissa tomber son pistolet désarmé, et se laissantglisser rapidement, il acheva de descendre. Philippe le reçut dansses bras.

– En avant, dit Boishardy ; dusilence, et suivez-moi tous !…

– Où est Keinec ? demandaMarcof.

– Il est parti en éclaireur, réponditPhilippe.

– Silence ! ordonna Boishardy ;on se bat à l’une des portes de la ville.

Keinec accourait.

– Fleur-de-Chêne vient d’attaquer, dit-ilvivement.

– Alors, nous sommes sauvés ; enavant !

Et tous, suivant les pas du gentilhommesoldat, s’élancèrent dans la direction de l’Erdre.

– Comment Fleur-de-Chêne est-il déjà àNantes ? demanda Marcof sans ralentir la marche.

– Keinec lui a porté l’ordre des’approcher de la ville. Tout s’est fait pendant votre absence.Seulement, Fleur-de-Chêne a attaqué trop tôt.

– Qu’importe ! qu’il tienne jusqu’ànotre arrivée, et nous passerons.

– Oh ! il tiendra. Il a dûsurprendre la garde ; il avait le mot de passe.

– Qui le lui avait donc donné ?

– Moi.

– Vous, Boishardy ?

– Sans doute. J’ai fait de la besogne demon côté. Savez-vous quel était l’homme que j’ai trouvé chezPinard ?

– Non.

– C’était le comte de Fougueray.

– Le comte de Fougueray ?

– Eh oui, morbleu ! le comte deFougueray. C’est sur lui que j’ai trouvé le blanc-seing de Carrier,qui nous a servi à pénétrer dans la prison. C’est lui qui m’a donnéle mot de passe que j’ai transmis à Fleur-de-Chêne, et grâce auquelKeinec a pu sortir de la ville et conduire Yvonne près de nos gars.J’ai su le faire parler. Cela a été long, mais enfin j’en suis venuà bout.

– Et qu’est-il devenu ?

– Il est mort.

– Mort ?

– Les souffrances l’ont tué.

– Tonnerre ! Je ne saurai doncjamais la vérité ? Je ne saurai donc jamais ce qu’étaitréellement ce bandit ?

– Si fait, dit Piétro qui n’avait pasquitté Marcof, et venait d’entendre cette courte conversation. Jete la dirai, moi, car je sais tout.

– Tu connaissais cet homme ? s’écriale marin avec étonnement.

– Cet homme se nommait Diégo, celui donttu as détruit la bande dans les Abruzzes, la nuit même où tu nousas quittés. Rappelle-toi les deux voyageurs assassinés, la jeunefille sauvée par toi, et tu devineras la vérité.

– Oh ! je comprends…

– Attention ! interrompit Boishardy,nous voici en présence de l’ennemi !

Ils venaient en effet d’arriver près de laporte de la ville d’où partait la fusillade. Un violent combat s’ylivrait. Les soldats républicains, surpris dans le sommeil par labande de Fleur-de-Chêne, opposaient néanmoins une viverésistance.

Ils attendaient du secours de la ville. Cesecours arrivait. Goullin, à la tête des sans-culottes, débouchasur la petite place au moment même où Boishardy et ses compagnonss’élançaient vers les leurs.

Le tambour battant la charge annonçait en mêmetemps la rapide arrivée d’un nouveau renfort. Marcof et Boishardycomprirent que la lutte allait devenir impossible, et qu’il fallaitforcer le passage coûte que coûte. Le marin fit entendre le cri deralliement des chouans.

Aussitôt Fleur-de-Chêne arrêta l’élan de seshommes. Les soldats de garde, décimés, se replièrent sur lessans-culottes. Un passage était libre. Boishardy en profitahabilement.

– Fuyez ! cria Marcof. Je reste avecFleur-de-Chêne pour protéger la retraite.

– Non pas, partez tous ! je répondsdu reste ! répondit le chouan qui venait de pousser un cri dejoie en reconnaissant ses chefs.

Boishardy et Keinec saisirent Marcof etl’entraînèrent malgré lui. En ce moment le combat recommença.Fleur-de-Chêne soutint bravement le choc. Il avait deux centshommes avec lui, et il avait choisi les meilleurs soldats et lesgars les plus déterminés du placis.

Les sans-culottes reculèrent ; mais lessoldats républicains les soutinrent. Alors une tuerie épouvantableensanglanta la porte de la ville. Après une heure d’effortssurhumains, Fleur-de-Chêne, blessé, donna l’ordre de la retraite.Il avait perdu un quart de son monde.

Les chouans, à un signal donné, sedispersèrent tout à coup, et, mettant l’obscurité à profit,s’élancèrent dans la campagne. L’officier bleu qui avait pris lecommandement des troupes, n’osa pas les poursuivre. Il craignaitd’aventurer ses hommes, connaissant par expérience les rusesroyalistes. Pendant ce temps, Pinard était transporté sansconnaissance dans la maison du proconsul.

Quant à Marcof, à Boishardy, à Philippe, àYvonne et à leurs compagnons, ils avaient atteint Saint-Étienne. Lamission du marin était accomplie ; il avait sauvé son frère.Seul Keinec était triste et sombre.

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