Le Roman de Miraut – Chien de chasse

Chapitre 2

 

 

C’était, on l’a déjà vu, un bon matin.

De tous côtés, de loin, de très loin, onentendait des lancers et des chasses ; des coups de fusilretentissaient ; un œil exercé pouvait voir dans les finagesvoisins les perdreaux se lever en bandes devant les chiens d’arrêtet s’éparpiller en gagnant les bois ; des cailles aussi, detemps à autre, à très courts intervalles, devaient culbuter sous leplomb des tireurs.

Lisée, en vieux routier, écoutait les coupsretentir et jugeait en lui-même :

« Tiens, voilà Philomen qui en« sonne » un ! Il me semble que Pépé vient deredoubler : ce ne peut être que sur les perdrix, car il atoujours arrêté un lièvre du premier coup. Ah ! Gustave estaux cailles dans les « sombres » derrière le Teuré, iltire souvent. Je jurerais que c’est le gros qui est dans la« fin » de Rocfontaine : il me semble que j’entendsla voix de Fanfare, la mère de Miraut. »

Pendant ce temps le jeune chien, après avoirsauté longtemps contre la veste du maître afin de lécher encore lelièvre dont on voyait sortir d’un côté la tête et de l’autre lespattes ou plutôt les moignons, le jeune Miraut, fatigué de sauteren vain, s’était remis à quêter et avait repris la lisière dubois.

Une demi-heure ne s’était pas écoulée qu’ilrelançait de nouveau, mais il fut, cette fois, moins heureux que lepremier coup.

Ce devait être un vieux lièvre, c’est-à-direqu’il avait déjà vu plus d’un automne. Aussi, ne perdit-il pas sontemps à des rebats plus ou moins compliqués dans les tranchées oules sentiers du bois pour arriver, en fin de compte, à se faire« taquer » au lancer ; mais, sans suivre voie nichemin, par le plus épais des taillis, il fila vers les vieillescoupes sauvages du Geys, loin de tout village et de tout hameau et,faisant plaine enfin, gagna la grande route caillouteuse et sèchede Sancey à Rocfontaine où il espérait faire perdre sa trace à sonpoursuivant.

Lisée, qui ne put le tirer, suivit la piste àla voix et, pour mieux entendre et bien savoir de quel côté allaitsa chasse, longea l’arête du coteau.

Son chien – il en put juger à la régularité deses abois et coups de gueule – réussit à tenir parfaitement tantqu’il fut sous bois ou dans les champs ; à peine hésita-t-il àquelques contours brusques où il dut s’arrêter deux ou troissecondes pour bien s’assurer de la direction à prendre. Mais quandil arriva à la route et aux cailloux, le fret diminua et s’évanouitet il se tut.

Il s’attarda néanmoins, s’acharnant àretrouver la piste évanouie, ravauda à certains passages où desfumets vagues persistaient, revint sur ses pas jusqu’à l’endroit oùle lièvre était entré dans la zone maudite et donna encore de longscoups de gueule furibonds.

Lisée, qui du haut du crêt l’aperçut, jugeafort justement qu’ils perdaient leur temps tous les deux et qu’iln’y avait rien à faire avec ce capucin-là. C’est pourquoi ilrappela Miraut.

Celui-ci avait eu sans doute la même idée queson maître ; il s’apprêtait à revenir et, méthodique etprudent, pour ne point s’égarer et bien retrouver l’endroit où ilavait quitté Lisée, reprenait franchement à rebours la piste qu’ilvenait de suivre.

Pour lui épargner des contours interminableset l’habituer au rappel, Lisée emboucha sa corne de buffle et semit à sonner à petits coups secs et répétés, s’interrompant àdiverses reprises pour crier à pleine gorge le nom du chien avec lemot coutumier de rappel : « Tia, Miraut !Tia ! », puis, cornant de nouveau, afin de bien faires’associer dans l’oreille et le cerveau de son compagnon ces deuxmodes familiers de ralliement.

Comme la foulée qu’il avait à suivre étaittrès fortement frayée et n’avait pas besoin de retenir beaucoup sonattention, Miraut entendit parfaitement les sons et les crispoussés par Lisée et s’arrêta court aussitôt, dressantl’oreille.

La corne de buffle retentit de nouveau et denouveau la voix de Lisée arriva jusqu’à lui : « Tia,Miraut ! » Il comprit, jugea de la direction, se traçadans l’espace une ligne droite et fila comme un trait dans le sensde l’appel. Toutefois, afin de ne point se tromper, il s’arrêtaitde temps à autre pour rectifier sa direction et marcher droit à sonmaître qu’il ne voyait pas encore.

Celui-ci distingua bientôt le tintement de songrelot et, cessant de souffler dans la corne, se contenta del’appeler sur un ton moins aigu.

L’instant d’après, ils se retrouvèrent etMiraut fit à Lisée une fête extraordinaire, lui bredouillant toutessortes de choses plus gentilles les unes que les autres, sefrottant à ses jambes et voulant à tout prix lui peigner la barbeavec ses pattes de devant. Le braconnier, tout en le chinant un peude n’avoir pu ramener l’oreillard, le félicita tout de même d’êtresi bien et si vite revenu à la corne, absolument comme un grandchien.

Cette fois, Miraut mangea de bon cœur le boutde sucre et le morceau de pain qu’il avait dédaignés l’heured’avant.

Comme le soleil montait rapidement etcommençait à chauffer, on se rendit, sans perdre de temps, à latranchée sommière du Fays où Philomen, exact au rendez-vous, lesattendait déjà avec un lièvre lui aussi dans sa carnassière.

Les deux amis se sourirent.

– Eh bien ! est-ce qu’on sait encore lecoup ?

– Où l’as-tu rasé ?

Et les deux confrères en saint Hubert senarrèrent avec force détails les péripéties de leur chasse du matintout en cassant la croûte et en buvant un verre.

Bellone et Miraut, très sérieux, s’étaientsimplement salués en se léchant réciproquement les babines quifleuraient bon le lièvre tué. Assis tous deux sur les jarrets,devant les maîtres qui devisaient et contaient leurs exploitsrécents, ils suivaient attentivement des yeux tous les mouvementsde leurs doigts et de leurs mâchoires, attendant, pour les attraperau vol, les morceaux de pain et de fromage qu’ils lançaientd’instant en instant et fort équitablement tantôt à l’un, tantôt àl’autre.

Ensuite de quoi, tous se levèrent et l’onpartit faire le grand bois.

Il y eut deux lancers et l’on fit deux chassesau Fays, deux belles chasses menées tambour battant par ces bonnesbêtes et au cours desquelles Lisée eut la chance d’occuper un bonpassage et d’en occire encore un vers les dix heures.

Comme il se faisait tard, que le soleil tapaitdur et que les chiens commençaient à donner des signes de fatigue,on revint vers le pays en traversant les pommes de terre du finageoù l’on eut l’occasion de lâcher quelques fructueux coups de fusilsur les perdreaux et sur les cailles.

– Y vas-tu demain ? interrogea Lisée.

– J’te crois, répondit Philomen. La premièresemaine, c’est mes vacances, il faut que je sois bien presséd’ouvrage pour que je ne la prenne pas tout entière.

– Mon vieux, reprit Lisée, j’y songe :j’ai promis au gros et à l’ami Pépé de leur faire manger le premierlièvre que Miraut me ferait zigouiller. Dimanche, ce sera l’instantou jamais ; naturellement, tu en es. Si tu es d’avis, je vaisleur envoyer deux mots ; le matin, nous ferons la partie tousen chœur et à midi nous boirons un bon coup pour fêter le baptêmedu citoyen Miraut. Pépé viendrait nous prendre ici, on donneraitrendez-vous au gros à un endroit bien fixé et nous tiendrions lesprés-bois et les coupes d’Ormont ; avec quatre chiens commeles nôtres, ça pourra faire une belle musique.

– C’est entendu, approuva Philomen ;j’apporterai quatre litres de ma vendange de l’an passé : elleest fameuse.

De fait, le jour même, Lisée adressait au grosde Rocfontaine une missive ainsi libellée :

Longeverne, le 1er septembre18…

« Mon vieux,

« Miraut est un fameux chien ; cematin il m’en a fait tuer deux. Je compte que tu viendras dimanche,comme ça a été entendu, goûter de mon civet et fêter sondépucelage. Pépé en sera et aussi Philomen. Rendez-vous à lacroisée du Blue, à cinq heures du matin au plus tard. On tiendraOrmont où c’est tout gris de lièvres.

« Je te la serre de bien bon cœur,

« LISÉE. »

Si quelques paysans, lorsqu’ils ont à écrire,s’embrouillent et se perdent dans de longues phrases : Je vousécris pour vous dire que j’aurais voulu vous dire…, Lisée n’étaitpas de ceux-là. N’ayant pas d’instruction, il se vantait d’écrirecomme il parlait. Aussi, comme il n’était pas bavard, ses lettresétaient-elles toujours d’une brièveté et d’une concisionadmirables.

Pépé, lui, fut prévenu, par un voisin allantau chef-lieu, qu’on l’attendait sans faute chez Lisée à quatreheures du matin pour une partie soignée, et il n’eut garde demanquer au rendez-vous.

Trois heures et demie venaient à peine desonner qu’il arrivait à Longeverne avec Ravageot, son chien, ungrand Saint-Hubert à la robe d’un beau brun aux reflets d’or et defeu, à l’œil calme, aux pattes nerveuses, très fin animal et bonlanceur, mais qu’il ne fallait point contrarier ni même gronder,car il était extrêmement susceptible.

La connaissance avec Miraut fut bientôt faite.Entre chiens, l’entente est toujours facile, surtout un matin dechasse. Mais, du fait d’être réunis, la voracité naturelle dechacun d’eux se trouva doublée au moins et il y eut par toute lacuisine une bousculade de casseroles et un désordre qu’augmentaencore l’arrivée de Bellone et de son maître.

Pendant que les trois camarades se serraientla pince et se congratulaient, les trois chiens, eux, continuaientleurs recherches alimentaires : pas une miette ne futdédaignée, pas une goutte d’eau de vaisselle ne fut oubliée, etvoilà-t-il pas que Ravageot, humant et reniflant, avisa la peau dulièvre dépouillé la veille au soir par Lisée et dont Miraut s’étaitadjugé la ventraille.

Elle pendait à un clou fiché dans une solivedu plafond. Ravageot, qui ne doutait de rien, sauta comme un cabri,l’accrocha, la fit tomber et, pour que les autres n’en profitassentpoint, se l’envoya séance tenante et tout entière : oreilles,poil et tout. Cela ne dura pas quinze secondes.

Philomen l’aperçut qui en achevait la pénibledéglutition, allongeant le cou et bourrant des yeux qui louchaientférocement.

– Ben, bon Dieu ! Mais c’est la peau dulièvre qu’il vient de s’enfiler comme ça et sans boire,encore ! Il en a une sacrée veine de ne pas s’étouffer nis’étrangler.

– Bah ! répondit Pépé, ils en bouffentbien de l’autre quand nous ne les voyons pas. Aussi ça me faitrigoler quand j’entends les médecins et le maître d’école parler demicrobes et d’autres bestioles qui foutent, à ce qu’il paraît, desmaladies aux gens. Qu’ils y viennent voir ce que mange Ravageotderrière les fumiers et les marnières où il boit quand il asoif ! Et il n’est jamais malade, lui, il s’en bat l’œil desmicrobes et moi aussi. Avec du bon vin, du bon air comme on en aici, et de bonnes vadrouilles dans les bois comme nous en faisons,on vient à quatre-vingts ou à cent ans.

– Tout de même, ton chien a un sacré estomac.C’est pas moi qui voudrais faire ce qu’il vient de faire, même avecdix litres à boire.

– Il va peut-être te ch… une casquette àpoil ! plaisanta Lisée.

On piqua une petite goutte dans laquelle ontrempa un bout de sucre, et puis l’on monta sans délai le chemin dela Côte afin de gagner le lieu du rendez-vous. Mais on eut grandsoin de tenir en laisse les trois chiens qui, si on les eût laissésfaire, n’auraient pas mis une demi-heure à flanquer un capucin surpied.

Miraut revit sa mère, la vieille Fanfare, maisil ne la reconnut guère, il ne la reconnut même point dutout ; tant d’événements avaient coulé depuis l’heure de laséparation, et elle non plus, tous ses petits étant depuislongtemps dispersés, ne retrouva point dans ce grand chien le petittoutou, si différent d’odeur et d’allures, qu’on lui avait enlevél’automne précédent.

Les présentations entre chiens sefirent : Ravageot et Miraut furent galants comme il convientet Fanfare accepta leurs hommages qui ne furent pointexagérés ; mais il n’en alla pas de même pour Bellone, ettoutes deux, bien femelles, se mesurèrent haineusement, le poil del’échine hérissé, et se grognèrent des menaces et des rosseries ense montrant les crocs.

Pourtant, dès qu’on fut en plaine et que lachasse commença, les haines tombèrent et tout fut oublié.

Les chasseurs, de même que leurs bêtes,connaissaient bien le pays. Une fois les chiens sur une bonnepiste, ils se déployèrent silencieusement, cernant avec soin lecanton où s’était gîté le capucin afin que ce dernier, déboulé,passât pour en sortir sous le feu au moins de l’un des quatrefusils. Deux lièvres, après de courtes péripéties, trouvèrent lamort dans cette traque terrible. Mais un troisième, plus roublard,se déroba avant le lancer et Philomen, ahuri et furieux comme unchasseur qu’un lièvre aurait roulé, vit les quatre chiens luipasser devant le nez comme une trombe et disparaître au loin.

Les chasseurs espérèrent un moment que lelièvre reviendrait : mais c’était un maître oreillard sansdoute que celui-là et, mené comme il l’était par cette meuteendiablée, il fila tout droit, on ne sut jamais où, au tonnerre deDieu, disait Lisée, pendant que les quatre compères se morfondaientà écouter.

Une heure après, comme on n’entendait encorerien, ils se hélèrent : hop ! se réunirent au poste dePhilomen et confabulèrent en cassant la croûte ! Ilspartagèrent équitablement les provisions dont leurs poches étaientbourrées, mettant en réserve la part des chiens, liquidèrentbouteilles, gourdes et flacons, puis bourrèrent leurs pipes enattendant.

Lisée, le premier, discerna parmi les rumeurssylvestres et les sonnailles des troupeaux de vaches, un bruit trèslointain de grelot.

Lors tous, embouchant leur corne d’appel,soufflèrent à perdre haleine dans ces instruments primitifs etsonores, en faisant un boucan infernal qui les excitait et lesréjouissait profondément.

– S’il y a un lièvre dans les alentours,qu’est-ce qu’il peut bien se dire ?

– Il n’en doit pas mener large.

Enfin les chiens, galopant et tirant lalangue, reparurent au haut du crêt, et comme c’était bientôtl’heure de l’apéritif, on revint au village après les avoir un peulaissés reprendre haleine et manger leurs bouts de pain.

Les deux lièvres occis furent naturellementofferts aux deux invités qui, après s’être défendus et fait prier,acceptèrent enfin, à charge de revanche, affirmèrent-ils.

– Penses-tu ! protesta Lisée. EtMiraut ?

– Peuh ! c’est rien, ça, mon vieux,répliqua le gros, tout joyeux d’avoir un lièvre à rapporter à lamaison.

Les quatre chasseurs, précédés de leurschiens, firent à Longeverne une entrée triomphale dont Miraut eutles honneurs. On savait pourquoi ils étaient réunis ; chacund’ailleurs, au village, les connaissait et leur souhaitait lebonjour au passage, tout en s’enquérant du jeune chien.

– Eh bien ! et Miraut ?

– Ah ! c’en sera un tout premier,affirmait Pépé, et je m’y connais.

– J’en étais sûr, renchérissait le gros.

C’est qu’en effet un chien, un chien de chassesurtout, a, dans un village, sa personnalité bien marquée ; ilfait partie intégrante du pays et toute gloire qui lui échoitrejaillit un peu, non seulement sur son maître, mais sur tous lescompatriotes de la localité, quadrupèdes ou bipèdes.

Miraut, sensible à la louange, marchaitdignement devant les chasseurs, et son maître, tout attendri, leregardait avec amour. En arrivant à l’auberge, il préleva même undemi-morceau du sucre de son absinthe pour l’offrir à son chien,afin qu’il prît, lui aussi, à sa façon, un apéritif.

Les lièvres avaient été étalés sur la grandetable de l’auberge où les clients, curieux, venaient les soupeser,juger de leur taille, de leur embonpoint, de leur valeur, du coupde feu qui les avait allongés.

Les chiens, eux, qui s’étaient couchés sous latable, ne voyaient pas sans un certain dépit ces intrus approcherde leur gibier et palper un butin qui n’appartenait qu’à eux. Ilsgrognaient sourdement, mais comme les maîtres n’avaient pas l’airinquiet et ne faisaient point opposition, ils ne crurent pasopportun de pousser plus avant leur manifestation en intervenant dela griffe ou de la dent.

Un des Ronfou qui, par blague, venait de fairele geste de cacher un lièvre sous sa blouse ne fut pas loinpourtant d’écoper sérieusement. Ravageot, peu patient, sauta surses quatre pattes, se campa ferme devant lui, la tête haute etgueule ouverte, et les autres, prompts à venir à la rescousse, sepréparèrent non moins énergiquement à lui prêter mâchoireforte.

– Si tu te fais pincer, tant pis pourtoi ! prévint Philomen, dégageant ainsi leurresponsabilité.

– Bougre, c’est qu’ils n’ont pas l’aircommode ! répliqua l’autre en remettant le lièvre ; ilsne sont pas comme le vieux notaire d’Épenoy qui, lorsqu’on letraitait de voleur, et ça arrivait souvent, répondait qu’ilentendait bien les « rises[14] ».

– Si on allait à la soupe ? proposaLisée.

On ramassa sans incidents les lièvres pendantque Pépé payait les apéritifs et l’on se rendit à la maison de laCôte où la Guélotte, pestant intérieurement, mais faisant contremauvaise fortune bon cœur, avait tout de même préparé un repassubstantiel et soigné.

Une soupe aux choux dans laquelle avait cuitun jambon ouvrait le déjeuner, le dîner comme on dit à la campagne,auquel on fit honneur avec le robuste appétit que procure toujoursune marche mouvementée de cinq ou six heures en plaine et enforêt.

Vinrent ensuite le plat de choux traditionnelavec le jambon, un ragoût de mouton aux carottes, puis le civet,magistralement réussi et qui provoqua les félicitations généralesdes convives. La Guélotte tout de même fut flattée dans sonamour-propre de cuisinière, elle rougit de plaisir, et Lisée,diplomate, en profita pour lui demander si les chiens avaient eu àmanger, à quoi elle répondit qu’elle allait sans tarder leur donnerleur soupe.

Cela se termina par un poulet et de la salade.Un morceau de gruyère et quelques biscuits précédèrent le café.

Miraut ainsi que Fanfare et Ravageot reçurentquantité d’os, croûtons, couennes, peaux, reliefs, qu’ils avalèrentconsciencieusement, et on ne leur ménagea point non plus les élogesdithyrambiques, la vendange de Philomen ayant beaucoup échauffél’enthousiasme des quatre amis.

Tous racontèrent des histoires de chasse et dechiens, plus merveilleuses et plus magnifiques les unes que lesautres ; ils s’en ébaudissaient franchement, mais nul d’entreeux n’émit le moindre doute sur leur authenticité ou leurvraisemblance : si, entre chasseurs, on n’a pas la foi, quiest-ce qui l’aura ? Enfin, après le café et le pousse-café, larincette, la surrincette et le gloria, on leva le siège pourpermettre à la Guélotte de débarrasser la table, et l’on s’en fut,d’un commun accord, jouer la bière aux quilles.

On joua plusieurs bouteilles qu’on but et onen but d’autres encore, on but beaucoup. Quand on fut las de bière,on essaya des pousse-bière, et puis on reprit l’apéritif.Nonobstant cette dernière absorption, on n’avait pas extrêmementfaim quand on revint manger le bouillon chez Lisée. Mais on buttout de même, et quand le gros et Pépé, leur lièvre dans lacarnassière, reprirent, vers la minuit, l’un la route deRocfontaine, l’autre le chemin de Velrans, les dites voiesn’étaient pas assez larges pour contenir leurs pas chancelants.

Malgré l’offre pressante qu’on leur fit decoucher à Longeverne, ils refusèrent dignement et, guillerets,partirent, leurs chiens reposés gambadant autour d’eux, en beuglantà pleins poumons de vieilles chansons de chasse aux airs bienconnus :

N’entends-tu pas la biche dans lesbois…

Ou encore, et c’était Pépé qui poussait cerefrain :

Et dans le lit de la marquise

Nous étions quatre-vingts chasseurs !

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