Un Homme d’Affaires

Chapitre 5LA VICTIME

Toutes les personnes qui se sonttrouvées prises dans un accident tragique et d une absoluesoudaineté : un tremblement de terre, un déraillement de train, unerencontre de bateaux, un incendie de théâtre, sont unanimes à reconnaître qu’entre la minute où le danger se révèle et celle dela panique ou de l’action – selon les caractères – un instant s’estécoulé, dont elles ne sauraient ensuite mesurer la longueur, oùelles sont demeurées comme physiquement et moralement paralysées.Les médecins ont repris, pour caractériser cet étatd’anéantissement total de notre volonté, un des vieux mots del’astrologie. Ils l’appellent : la sidération. Il sembleque la nature nous insensibilise, à  la façon d’un chirurgien,et qu’elle veuille permettre à  notre organisme de ramassertoutes ses forces pour réagir contre un choc que nous n’eussionspas cru devoir supporter sans mourir. Ce fut grâce au terrassementde cette stupeur que Béatrice put écouter l’horrible révélationjusqu’au bout. La même stupeur qui faisait d’elle à  cetteseconde un véritable automate fut la cause qu’elle obéitmécaniquement à la suggestion impérative du terrible homme, luiordonnant de rentrer chez elle. Sans répondre un mot, sans verserune larme, elle se leva de sa chaise et sortit de la chambre du pasd’une somnambule. Ce fut dans le corridor, dont les domestiquesn’avaient pas encore éteint les lampes, qu’elle réalisa pour lapremière fois toute la hideur de l’atroce brutalité qu’elle venaitde subir, et une terreur folle l’envahit celle que sa mère nel’attendît là, pour savoir le résultat de l’entretien. Heureusementil n’en était rien, Mme Nortier avait tout naturellement pensé quesi cet entretien entre Nortier et Béatrice avait lieu, celle-civiendrait le lui raconter dans sa chambre. L’idée de cetterencontre avec cette mère sur laquelle elle venait d’apprendre cequ’elle avait appris fut aussi intolérable à  la pauvre filleque si l’épais tapis de ce somptueux couloir eût été soudainremplacé par une suite de plaques en fer rouge. Elle se mit à gravir, avec la célérité d’une bête qui fuit, l’escalier conduisantau second étage, où elle habitait. Elle arriva dans sonappartement, où elle ne trouva que sa femme de chambre. Elle eut laforce de dire à  cette fille, qui, heureusement, encore,tombait de sommeil, qu’elle se déshabillerait sans son aide, etlà , seule, ayant fermé la porte à  double tour, elle sejeta par terre comme quelqu’un qui n’en peut plus, qui voudraits’écraser, s’abimer dans un gouffre de nuit et de silence, et elleéclata en sanglots.

– « Mais que lui ai-je fait? »gémissait-elle, à travers ses larmes, et elle répétait : « Quelui ai-je fait?… » Car, dans cette première crise de douleur,c’était cela qui la déchirait tout entière, cette impression d’uneférocité presque monstrueuse, d’une farouche et complaisante haine,rencontrée chez quelqu’un qu’elle s’était, jusqu’ici, habituée àaimer, tout en le redoutant un peu, et à  respecter… L’imagede cet homme, assis à  son bureau, et lui parlant avec cesauvage accent, l’épouvantait moins encore que ce mystère soudainentrevu dans leurs relations passées, ce secret d’une implacablerancune, conservée vingt ans durant dans ce cœur auquel elle avaitcru, comme on croit au cœur d’un père, même quand il ne vous montrepas de tendresse. A cette première et affreuse découverte, uneautre s’ajoutait, dont la malheureuse enfant ne discernait pas ledétail, mais qui allait se préciser pour elle de minute en minute,la dénonciation de la faute de sa mère, de cette mère qu’elle avaitaimée, elle, avec tout l’abandon de son être le plus intime, avectant de foi et de vénération. Béatrice était profondément,absolument pure. Pourtant elle n’avait pas vécu au milieu desfamiliers de l’hôtel Nortier, un Desforges, un Crucé, un Portille,un Machault, voire un Casal, sans que leurs conversations luieussent, non pas appris, mais fait soupçonner bien des choses. Sonesprit très droit s’était ainsi arrêté à  une conceptionsimpliste de la société. Les femmes se divisaient pour elle en deuxclasses, les honnêtes et les autres. Incapable de se représenterdans leur réalité physique les traits qui distinguaient ces autres,elle les définissait dans sa pensée des femmes obligées de mentir.Elles trompaient. Elles trahissaient. Voici donc que cette idée demensonge, avec tout ce que ce mot comportait pour sa loyauté dedégradation avilissante, commençait de s’associer à  l’idée decette mère idolâtrée jusqu’ici avec la plus aveugle, la plusfervente dévotion, et, au même moment, tandis qu’étendue à terre, elle agonisait de cette double souffrance, une troisièmeblessure s’ouvrait en elle, dont la peine se fit tout d’un coup siaiguë, si lancinante, qu’elle se redressa sur ses mains, dévoréepar cette nouvelle et suprême angoisse. Elle venait de se demanderquel sang coulait dans ses veines, puisque ce n’était pas le sangde Nortier; quel homme avait été le complice de la faute de samère, – de qui elle était la fille?,.. Et, les yeux fixes, le busteen avant, elle se prit à  répéter tout bas, comme si ellen’entrevoyait déjà  que trop la réponse :

– « Qui est-ce? »

Elle demeura ainsi – combien de temps?elle n’aurait su le dire – à  essayer d’y voir clair dans lespensées qui tourbillonnaient dans son cerveau. A la fin de cetteméditation, dont l’intensité avait séché ses pleurs, elle se leva,elle vint au bureau posé dans un coin de la chambre où elle s’étaitsi souvent assise pour écrire à  ses amies des lettres,heureuses et confiantes, comme elle n’en écrirait plus jamais. Là,sur un petit paravent, à  portée de sa vue, étaient suspendus,dans des cadres de cuir, d’argent ciselé, de vieille étoffe, lesportraits des personnes qu’elle aimait. Elle en détacha un, parmiles autres, d’une main qui tremblait. C’était celui de San Giobbe,- un San Giobbe encore tout voisin de la jeunesse, avant lameurtrière épreuve de sa maladie et de son dépérissement. Elle vintse placer, cette photographie à  la main, devant la glace, et,dans le reflet du miroir, trouble et comme fantomatiqueà cause du demi-éclairage de la chambre, elle se prit à regarder son propre visage, tour à  tour, et celui de l’intimede sa mère, du familier de la maison, de l’ami qu’elle retrouvaitdans sa mémoire associé à chacune des scènes de son existence.Des milliers d’impressions confuses qui dormaient en elleachevaient de se démêler à  mesure qu’elle constataitl’étonnante ressemblance de ses yeux, de son front, de sa boucheavec ces yeux d’homme dans lesquels elle avait toujours rencontrétant d’indulgente tendresse, elle en comprenait l’expression àprésent! – avec ce front qu’elle avait vu soucieux ce soir à cause d’elle, pourquoi? elle s’en rendait compte à  celleheure; – avec cette bouche qui ne lui avait jamais dit que desparoles d’affection, et elle devinait quelles autres paroles et dequelle autre affection ces lèvres de son vrai père auraient vouluprononcer et qu’elles avaient tues!… Alors, une espèce defrémissement sacré s’émut en elle, où, pour quelques instants, latendresse noya la révolte. Ses larmes, qui s’étaient arrêtées,recommencèrent de couler, mais douces cette fois, car ellesjaillissaient du plus profond de son humanité, vers celui qu’ellen’appellerait jamais « mon père », qui nel’appellerait jamais « ma fille », – et ses lèvresse posèrent sur le portrait, désespérément, longuement etpieusement.

 

A travers ce va-et-vient de sasensibilité, remuée ainsi dans ses plus secrètes profondeurs, cesimages de son enfance soudain évoquées par la contemplation duportrait de son vrai père allaient devenir pour Béatrice leprincipe d’un nouvel éveil d’idées, auxquelles se mêlait maintenantun autre souvenir, celui de Gabriel Clamand, du jeune homme qu’elleaimait, – comme une jeune fille peut aimer. Les virginales émotionsd’un cœur de vingt ans sont délicieuses de fraicheur, d’élansincère, de spontanéité frissonnante; mais, il faut bien l’avouer,au risque de contredire ce touchant préjugé sur la force du premieramour dont tant de poètes se sont faits les complices, ces émotionssont plutôt rêvées que vécues, plutôt désirées qu’éprouvées, plutôtpressenties que senties. Ce sont des annonces, des préludes de lapassion. Ce n’est pas la passion. Il y manque cette brûlure directede la réalité, cette invasion de l’être par la fièvre des sens etde l’âme à  la fois. Enfin, la femme n’est qu’ébauchée chez lajeune fille. Les romanesques tendresses de celle-ci ressemblentà  ces arbustes grandis de la veille, qui promettent, si lesvents ne sont pas trop durs, la gelée pas trop rude, desefflorescences magnifiques. Ils ne sont pas assez racinés pourtenir contre une tempête. Quelle place les douces et fines voluptésd’âme, goûtées par Béatrice auprès de Gabriel, pouvaient-ellesgarder dans un cœur que venait de mordre une telle souffrance, sipositive, si âpre, si mêlée au plus intime de la chair et dusang ! En se rappelant le souci de San Giobbe ce soir,Béatrice s’était rappelé aussi ce projet de mariage, si tendrementcaressé dans ses songes de ces dernières semaines. Gabriel s’étaitreprésenté à  sa pensée, tel qu’ils s’étaient quittés après ledéjeuner sur le perron du château, lui, montant dans la victoriapréparée pour son départ, et se retournant au coin de l’allée pourla saluer d’un dernier geste, d’un dernier regard. Si elle devaitne pas l’épouser, cet « au revoir » était un « adieu », et nilui ni elle ne l’avaient deviné !… Cette vision se doublaitaussitôt d’une autre, de celle de Gabriel apprenant ce mariage, etavec quel rival! Qu’il serait malheureux et comme il lamépriserait!… Oui, mais ce perron même, sur le seuil duquel ilss’étaient quittés ; les arbres de ce parc, sous les blondsfeuillages desquels ils s’étaient promenés; cette allée au tournantde laquelle avait disparu la victoria, cette Victoria, le chevalqui la traînait, le cocher qui la conduisait, la fourrure que lejeune homme avait posée sur ses genoux, – à  qui donc étaittout cela ? Béatrice entendait la voix impitoyable du maître :« Tout est à  moi, à  moi, à  moi…» Ces aspects deschoses associées à  sa jolie espérance, le gracieux décor danslequel son innocent roman avait déroulé ses naïves scènes, – tout,oui tout avait été payé par l’homme d’affaires… L’horrible phrase :« Voulez-vous que je vous dise le chiffre? » résonnait de nouveauà  l’oreille de l’enfant adultérine, et les mots :«  Vous n’êtes pas ma fille. » A l’idée de cette dette,contractée, en effet, envers le mari de sa mère, à  son insu,le souvenir de Gabriel s’effaçait, s’abolissait dans son cœur. Iln’y avait plus de place dans ce malheureux cœur que pour la révoltecontre cette révélation que l’on n’aurait pas dû lui infligerainsi, et le cri de la première minute lui revenait aux lèvres, ce: « Que lui ai-je fait? » d’épouvante et de stupeur!… – Ce qu’elleavait fait au mari de sa mère? Elle le comprenait maintenant, elleexistait, et la sensation de la haine dont elle était l’objet, parcette seule existence, la faisait frémir depuis la racine de sescheveux jusqu’à  l’extrémité de ses pieds, comme si desmeubles, des bibelots, des tentures, de tout ce luxe épars autourd’elle et donné par lui, un effluve de cette haine eût émané -physiquement.

 

Dans des crises comme celle quetraversait la jeune fille, pendant cette interminable nuit, toutessortes de raisonnements se développent dans l’intelligence, offrantune solution, puis une autre, combinant les deux, échafaudant unetroisième. En réalité, c’est la portion la plus profonde de notreêtre, et la plus inconnue de nous-mêmes,notre « inconscient », comme disent les philosophes dansleur terminologie, pédantesque mais irremplaçable, qui finit pardécider de notre volonté dernière. La ressemblance de Béatrice etde son vrai père ne mentait pas. L’hérédité de la physionomieannonçait l’hérédité de toute la nature. San Giobbe – sa fidélitéà  une liaison prolongée à  travers toute la viel’attestait seule – n’avait rien de commun avec le style ordinairedu viveur qui « travaille dans les femmes du monde », commeeussent dit, dans une autre terminologie, ces autres philosophes enhabit noir, le baron Desforges et Casal. A Paris, et dans ce mondedes oisifs où les occupations extérieures sont toutes les mêmes,toutes également frivoles et insignifiantes, les originalités desnatures sont bien difficiles à  discerner. Elles existentpourtant. Tel habitué des Cercles les plus choisis est, comme unPortille ou un Longuillon, une âme de boue, et qui mériterait laterrible épigramme de Rivarol, parlant d’un capitaine des gardes,traître au roi dans la nuit du 5 octobre: «Lassé d’un trop longdéguisement, ce grand seigneur, » dit le pamphlétaire, « revêtitenfin, pour fuir, 1’habit de son laquais. » Tel autre, aucontraire, et c’était le cas de San Giobbe, a dépensé sa jeunesseen puérils triomphes de sport, qui avait en lui et qui a gardéjusqu’à la fin une âme de noblesse et de chevalerie. Le gentilhommede Bergame, venu à  Paris par désœuvrement, et aussi pourl’enfantin motif de « boutonner » les premiers tireurs despremières salles s’était retrouvé, dans son attachement pour lajolie Madeleine Nortier, le romanesque et passionné cavalierservant de son pays, un parfait représentant de cette sorted’amoureux, pour qui un engagement de cœur devient l’affaire uniquede la vie. Peu parleur, ne s’étant même pas laissé effleurer parl’ironie française, totalement dépourvu de vanité, mais apportantà  ses moindres actions le sérieux profond de l’Italie dunord, que l’on pourrait définir « une simplicité forte » , ilavait vraiment fait de cette aventure si vulgaire – une liaisonavec une femme du monde à  Paris – quelque chose de rare, parson respect pour ses propres sentiments, par la vérité de sonattitude dans la plus fausse des situations, enfin par un singulieret indiscutable pouvoir de dignité personnelle. Comment avait-ilchoisi, pour objet de cette dévotion, quelqu’un d’aussi prosaïqueau fond qu’une poupée de la  mode, telle que celle-ci, et dansune situation sociale bien peu propice à  des émotionsprofondes? Cette inconséquence était la preuve qu’il y avait en luidu Don Quichotte, comme chez tous les grands amoureux peut-être, uncoin chimérique de natif idéalisme, – autant dire, avant tout etpar-dessus tout, de la fierté. Cette fierté foncière, il l’avaittransmise à  sa fille, et celle-ci, dans le désarroi d’âme oùla jetait le dur traitement d’un homme impitoyable, allait trouverlà  son point de résistance, le fixe appui où seposer.

– « Il a raison, » sedisait-elle, couchée dans son lit, après ces premiers éclats dedouleur, toute lampe éteinte, afin de ne plus subir la vue de cetameublement somptueux qui lui faisait mal, et elle revoyait, etelle entendait Nortier. « Tout est à  lui. Voilà  vingtans que je jouis de son luxe. Je dois payer. Je dois… »L’énergie intime de son être se tendait dans cette syllabed’obligation : « Il a une raison d’intérêt, extrêmement importantepour lui, » et elle se répétait les termes mêmes de l’hommed’affaires, « à ce que j’épouse M. de Longuillon.Quelle raison? Quel intérêt?… Est-ce que cela me regarde? Si jedevais une somme d’argent à quelqu’un, est-ce que j’aurais ledroit, quand il me la réclamerait, de lui demander pour quel usage?Je m’acquitterais, voilà  tout. Il faut m’acquitter… Il lefaut. » Et elle reprenait : « Je dois. Je paierai. »Puis, comme elle était jeune, qu’elle s’était vue, dans cette mêmejournée, au bord du bonheur, avec un horizon devant elle d’un sidoux mariage, et que l’attaque avait été si foudroyante desoudaineté, ses puissances de jeunesse et d’amour avaient dessursauts de rébellion. Un moment elle pensa : « C’est trop injuste!Du jour où il a su, c’était lui qui devait nous chasser, ma mère etmoi… Pourquoi ne l’a-t-il pas fait?…» Cette sensibilité magnanimen’était pas même capable de soupçonner les sinistres calculs d’unesensibilité venimeuse comme celle d’un Nortier. Que pouvait-elle serépondre, sinon qu’il n’avait pas voulu d’un scandale, et à cause de quoi? – Tout naturellement elle rencontrait le motif quedonnaient aussi, on l’a vu, les quelques braves gens du groupe deMalenoue. – Il avait une autre fille: « C’est pour ma sœurqu’il s’est tu,!» se dit Béatrice. « Alors, pourquoi menace-t-il deparler maintenant?… C’est tout simple. Ma sœur est mariée et à1’abri…» Et des projets insensés lui traversaient latête: « Si je me sauvais du château, si j’allais chezFrançoise, » on se rappelle que c’était le nom de cette sœur,« tout lui conter, la supplier de parler à  son père, car ilest son vrai père à elle, d’obtenir qu’il n’exige pas de moicette condition… Chez Françoise, mais lui dire quoi?… Que maman…»Rien que de concevoir cette hypothèse donna un frisson de remordsà l’enfant de la faute. Oh! non, tout, tout, plutôt que deporter à  cette sœur le coup dont elle agonisait elle-même,cette révélation de la honte de leur commune mère! Et sesraisonnements recommencèrent de courir dans le sens de l’acceptionet du sacrifice. L’association de ses pensées, en lui représentantle mariage de la comtesse d’Arcole, fit surgir devant son espritl’idée de contrat et celle de dot. Une évidence lui apparut :l’impossibilité de recevoir ce nouveau bienfait. Elle s’aperçutmariée à  Gabriel Clamand, arrivant dans la vieille maisonfamiliale qu’il lui avait destinée, – la maison qui n’avait jamaisété vendue, – y apportant, elle, un argent souillé, 1’argent de cethomme qui l’avait traitée ainsi, et cette hypothèse lui infligea lemême frisson de remords… Mais si elle allait à  Gabriel, sielle lui demandait de la prendre sans dot, sans cette fortune quin’était pas la sienne?… Non, il faudrait encore parler de sa mère…Et, toujours aheurtée à cette impossibilité de s’échapper del’impasse où elle se sentait acculée, par la haine de Nortier, sansvendre cette mère, la noble enfant revenait à  cetteimmolation où sa fierté trouvait l’unique revanche qui lui fûtpermise. Si elle acceptait de se soumettre à  l’injonction decelui qu’elle avait cru son père, et qui n’était que le plusimplacable créancier, alors, l’argent de cette dot ne lui seraitpas versé, à  elle. Il serait versé à l’homme que cecréancier aurait lui-même choisi. Son existence dans ce mariagesans amour et imposé ainsi serait un martyre… Sans qu’elle s’endoutât, cette certitude de douleur l’attirait déjà. L’instinctmystique de l’expiation s’émouvait en elle et lui faisaitapercevoir dans son malheur volontaire autre chose encore quel’acquit de sa propre obligation vis-à-vis de Nortier. Cettedernière phrase de leur entretien lui revenait: « Si c’est oui, jeconsidérerai que vous avez payé la dette de votre mère avec lavôtre…» Au matin, et quand, après un court sommeil enfin goûté surles cinq heures, elle rouvrit ses yeux, cernés par la fièvre decette terrible première partie de la nuit, sa résolution étaitprise : « Ce sera oui, et personne au monde ne saura jamaispourquoi… »

 

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