Contes et Nouvelles en vers – Livre II

Janot et Catin

 

J’ai composé ces stances en vieil style, à lamanière du blason des fausses amours, et de celui des folles amoursdont l’auteur est inconnu. Il y en a qui les attribuent à l’un desSaint-Gelais. Je ne suis pas de leur sentiment, et je crois qu’ilssont de Crétin.

 

Un beau matin,

Trouvant Catin

Toute seulette,

Pris son tétin

De blanc satin,

Par amourette :

Car de galette,

Tant soit mollette,

Moins friand suis pour le certain.

Adonc me dit la bachelette :

« Que votre coq cherchepoulette ;

Ici ne fera grand butin. »

 

Telle censure

Ne fut si sure

Qu’elle espéroit :

De ma fressure

Dame Luxure

Jà s’emparoit.

En tel détroit

Mon cas estoit,

Que je quis meilleure aventure :

Catin ce jeu point n’entendoit ;

Mieux attaquois, mieux défendoit ;

Dont je souffris peine très dure.

 

Pendant l’étrif,

D’un ton plaintif

Dis chose telle :

Las moi chétif,

En son esquif

Charon m’appelle.

Cessez donc belle

D’être cruelle

À cetuy votre humble captif,

Il est à vous, foie et ratelle.

Bien grand merci, répondit-elle ;

Besoin n’ai d’un tel apprentif.

 

JANOT

 

Je vous affie

Et certifie

Que quelque jour

J’ai bonne envie

Ne vous voir mie

Dure à l’étour :

Le dieu d’amour

Sait plus d’un tour ;

Que votre cœur trop ne s’y fie ;

Car quant à moy j’ay belle paour

Qu’à vous férir n’ait le bras gourd ;

Le contemner est donc folie.

 

CATIN

 

Vous n’avez pas

Bien pris mon cas

Ne ma sentence ;

De tomber, las,

D’amour ès lacs

Ne fais doutance.

Mais telle offense,

En conscience,

Ne commettrois pour cent ducats :

Que ce soit donc votre plaisance,

De me laisser en patience,

Et de finir cet altercas.

 

JANOT

 

Alors qu’on use

De vaine excuse

C’est grand défaut ;

Telle refuse,

Qui après muse,

Dont bien peu chault :

Car point ne fault

Tout homme caut

À chercher mieux quand on l’amuse ;

Dont je conclus qu’en amours faut

Battre le fer quand il est chaud,

Sans chercher ni détour ni ruse.

 

Onc en amours

Vaines clamours

Ne me reviennent ;

Roses et flours,

Tous plaisans tours,

Mieux y conviennent :

Assez tost viennent,

Voire et proviennent

Du temps qu’on perd douleurs etplours :

Tant que tels cas aux gens surviennent,

C’est bien raison qu’ils entretiennent

En tout déduit leurs plus beaux jours.

 

Ainsi preschois,

Et j’émouvois

Cette mignonne ;

Mes mains fourrois,

Usant des droits

Qu’Amour nous donne.

Humeur friponne

Chez la pouponne

Se glissa lors en tapinois.

Son œil me dit en son patois :

Berger berger, ton heure sonne ;

J’entendis clair, car il n’est homme

Plus attentif à telle voix.

Ami lecteur qui ceci veois,

Ton serviteur qui Jean se nomme

Dira le reste une autre fois.

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