En route vers le Pôle – Au pays des boeufs musqués – Voyages, explorations, aventures – Volume 12

Chapitre 4La capitale du pays de l’or

 

Le Brise-Glace prit alors à son tourla tête et ouvrit un chenal. Castarel, malicieusement, dit àmistress Morton :

– Vous avez jusqu’ici cherché un mari àcolin-maillard ; mais voilà que vous brûlez !

– Rira bien qui rira le dernier, ditmistress Morton en se pinçant les lèvres rageusement.

Cependant les deux navires avançaienttoujours.

Le Progrès se glissait dans lesillage du Brise-Glace.

Celui-ci faisait vaillamment son œuvre,disloquant les glaces et provoquant une débâcle prématurée,étonnant beaucoup les mineurs par son apparition.

Les deux navires étaient en avance de plusd’un mois sur la flottille de ravitaillement annuelle qui profitedes quelques semaines pendant lesquelles le fleuve n’est pas gelépour le remonter.

On arriva à Dawson.

C’est une ville de dix mille habitants,capitale du Klondike.

Toute la population s’émut à la vue de cesdeux navires.

Les besoins de ravitaillement se faisaientsentir et les accapareurs tenaient très haut leurs prix.

On crut que les deux navires étaient bondés deprovisions qui allaient être mises en vente.

Donc, baisse rapide et générale dont leshabitants profitèrent.

Chacun regarnit son garde-manger et safarinière.

Les accapareurs maudirent leur précipitationquand ils surent que chaque matelot n’avait qu’une charge detolérance de cent kilos.

Les cours remontèrent très vivement et lesdeux équipages en profitèrent.

Tout fut très bien vendu, mais mistress Mortonavait voulu visiter la ville.

Étrange cité.

Population bizarre.

Maisons de bois pour les banques, les magasinsles hôtels etc.

Huttes pour les ouvriers et les manœuvres,pour les garçons de magasins et autres.

Tentes pour les mineurs formant un camp àpart.

Et des hommes de toutes les nations, de toutesles couleurs.

Chiliens, Boliviens, Brésiliens, Péruviens,Vénézuéliens, Argentins, Mexicains, faisaient retentir les rues dessonorités de l’espagnol et du portugais.

Les Américains et les Anglais juraient leursgoddam…

Les Français et les Canadiens bavardaientjoyeusement.

Les jaunes fils du Ciel et les non moinsjaunes Japonais se querellaient et se battaient.

Les graves Peaux-Rouges fumaientsilencieusement leur calumet, pendant que des nègres faisaienttapage en dansant la bamboula.

C’était très pittoresque, à coup sûr, trèsoriginal, mais répugnant.

Tout ce monde était en haillons, les vêtementsétant hors de prix.

Les fourrures étaient usées, râpées et puaientle suint.

Tout le monde couchant tout habillé et ne selavant que les mains et la figure, sent les relents de chair pasfraîche.

Un homme, là-bas, pue autant qu’un chienmouillé.

Et les intérieurs ?

Pire que des chenils.

Point d’air !

Il fait si froid.

On craint la déperdition du calorique si l’onouvre les fenêtres.

De là une odeur fade, nauséabonde qui vousécœure.

Mistress Morton fut, dès l’abord, biendésillusionnée.

Mais sa monomanie l’emporta et elle résolut derester à Dawson pour y trouver le mari tant désiré.

Elle s’établit dans l’hôtel le plusconfortable.

Trois cents francs par jour !

Mais on mangeait à déjeuner des biftecks oudes côtelettes gelées.

Grand luxe !

Et l’on couchait dans des draps !

Mistress Morton écrivit à sa nièce une petitelettre aigre-douce, déclarant que, majeure, Anglaise, libre de sesactes, elle désirait qu’on ne la tourmentât pas ; qu’ellene recevrait personne, que sa porte était rigoureusementconsignée.

Qu’elle voulait s’épargner l’ennui d’entendredes observations.

Bref, elle voulait rester à Dawson et elle yresterait.

Au capitaine elle écrivit pour réclamer sesbagages.

Mlle de Pelhouër tintconseil avec le commandant d’Ussonville.

– Ma chère amie, dit celui-ci, votretante a besoin d’une bonne leçon et elle la recevra. Ne vousoccupez de rien.

– Quelle folle ! ne cessait derépéter la jeune fille.

Mais d’Ussonville faisait appelerCastarel.

– Mon cher, lui dit-il, vous avez faitune mauvaise blague à mistress Morton ; je ne vous en veux pastrop pour ça ; mais il faut la réparer. Voici un chèque sur labanque Farker-Basson.

» Ceci pour les frais à faire.

» Il y en aura.

» Il faut qu’il arrive à mistress Mortonune aventure telle qu’elle ne pense plus qu’à regagner leProgrès.

– Compris ! dit Castarel.

Mystificateur comme il l’était, cette missionle comblait de joie.

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