La Nouvelle Carthage

Chapitre 6CARNAVAL

 

Le cousinage de Laurent Paridael avec lescouches dangereuses ou indigentes de la population, n’allaitévidemment pas sans une prodigalité effrénée. On aurait dit quepour mieux ressembler à ses entours, il lui tardait de se trouversans sous ni maille. Le vague dégoût mêlé de terreur qu’il conçutpour l’argent le jour même de sa majorité, à peine était-il entréen possession de son pécule, n’avait fait qu’augmenter depuis sonexplication avec les Tilbak.

Comme à 1′ « Or du Rhin » dans latétralogie wagnérienne, il attribuait au capital une vertu maligneet lénifère, cause de toutes les calamités humaines, et ilrapportait aussi ses afflictions personnelles. N’était-ce pasl’argent qui le séparait à la fois de Régina et d’Henriette ?Cet argent qui n’avait même pu lui rendre le grand service deretenir à Anvers ses chers amis de la Noix deCoco !

Cependant, du train dont il maltraitait sonavoir, il en aurait raison en moins d’une année.

Après le départ des émigrants et sa brouilleavec Bergmans, aucun contrôle, aucune exhortation ne l’arrêtaitplus. Il éprouvait de la volupté à se défaire de ces écus abhorrés,à les rouler dans la boue ou à les répandre dans les milieuxfaméliques où ils consentent rarement à briller. Il affichaitautant de mépris pour ce levier du monde moderne que les négociantslui vouaient de respect et d’idolâtrie.

Il inventait force extravagances afin descandaliser une bourgeoisie essentiellement timorée et pudibonde,au point que sa dissipation ostensible outrageait comme unsacrilège et un blasphème les thésauriseurs et même tous les gensd’ordre. On lui eût pardonné ses autres travers, son encanaillementà vif et à cru, sa lutte ouverte contre la société, mais sesgrugeries féroces lui méritèrent l’anathème des esprits les plustolérants.

Ne s’avisait-il, pas en plein jour, ayant tropbien déjeuné, de s’engager, avec ses convives peu accointables, lecréat et le piqueur d’un manège en faillite non moins éméchés quelui, par les rues les plus passantes afin de croiser les gensd’affaires se rendant à la Bourse ! Par surcroît deprovocation, à quelques pas devant l’édifiant trio, marchait lechasseur du restaurant, portant dans chaque bras, en guised’enseigne et de bannière, une bouteille du meilleur Champagne. Encet appareil les trois noceurs entreprenaient l’ascension de laHaute tour, et, parvenus à la dernière galerie, au-dessus ducarillon et de la chambre des cloches, sifflaient glorieusement levin mousseux et lançaient ensuite les flacons sur la place aurisque de lapider les cochers des fiacres stationnant au pied dumonument.

C’était aussi des tournées d’alcool payées àtous les débardeurs desservant un quai. De faction au comptoir duliquoriste, Paridael empêchait celui-ci d’accepter la quincailledes consommateurs, au fur et à mesure qu’ils s’amenaient à la file,par coteries entières, s’avertissant l’un l’autre de l’aubaine quiles attendait au bon coin.

Et maintes fois des bordées interminablestirées avec des équipages au long cours ou des compagnies detroupiers, des gobelotages de bouge en bouge, des pèlerinages auxsanctuaires d’amour, le tout accidenté de batteries et de démêlésavec la police.

Mais on découvrait un mobile généreux au fondde ses plus grands excès : besoin d’expansion, protection desfaibles, charité déguisée, compassion sans limites, bonheur deprocurer quelque douceur et quelques bons moments à des infimes. Ilsemblait, qu’en se livrant à un carnage aussi fantastique de louiset de banknotes, le bourreau d’argent voulût mettre plus à l’aiseles gueux qu’il obligeait et légitimer leur éventuel manque demémoire. En cotant si bas ce qu’il éparpillait autour de lui, iltenait les donataires quittes de toute reconnaissance. Aux pauvresdiables qui se confondaient en remerciements : « Preneztoujours, disait-il… Empochez-moi cela et trêve de bénédictions…Autant vous qu’un autre… Il ne me serait tout de même rien resté decet argent ce soir ! »

Ses charités paraissaient intempestives etdésordonnées comme des fugues et des frasques. Non seulement ilavait protégé la fuite et la désertion d’un disciplinaire, mais ilracheta plusieurs matelots à leurs vampires, rapatria desémigrants, hébergea des repris de justice.

Tout un hiver, un hiver terrible, durantlequel l’Escaut fût bâclé par les glaçons, il visita les ménagesdes journaliers et des manœuvres. Il se donnait pour un anonymedélégué des bureaux de bienfaisance, vidait ses poches sur un coinde meuble ou de cheminée et avant que les crève-la-faim eussent eule temps de vérifier l’importance du secours, il s’éclipsait,dégringolait les escaliers comme s’il eût dévalisé et pillé cespaupériens.

Il n’oublia jamais, entre autres escales deson périple de miséricorde, cette mansarde où vagissaient uneportée d’enfançons d’un à cinq ans, dans une caisse matelassée decopeaux, litière trop fétide pour un clapier. Il semblait, àentendre leurs plaintes, à voir leurs convulsions, que la faim mêmese penchât au-dessus d’eux et que ses ongles, fouillant leurdécharnure, les écorchât comme le râteau d’une âpre glaneuse râcleles guérets surmoissonnés.

Acculé dans un coin, à l’autre bout dugaletas, le plus loin possible de leur agonie, le père, le veuf, unmusclé et râblé portefaix des Bassins, dont la disette n’étaitpoint parvenue encore à fondre la chair, à tarir le sang et lasève, ruminait sans doute la destruction prompte et violente de saforce inutile.

D’un rugissement suprême, d’un geste fulgurantqui ne souffrait pas de réplique, le malheureux enjoignit àl’intrus de le débarrasser de sa présence, mais les giries de plusen plus pitoyables des petits étaient bien autrement impérieusesque l’attitude comminatoire du père, et stimulé, presque sûr d’êtreoccis, mais ne voulant pas survivre à ces innocents, Laurent marchavers le désespéré et lui tendit une pièce de vingt francs.

Elle était plus aveuglante que le soleil, carle colosse ne put en supporter l’éclat et se détourna vers le mur,à la façon d’un enfant honteux et boudeur, en portant la main à sesyeux picotés jusqu’aux larmes ! Elle était donc si pesanteque, Laurent l’ayant glissée dans son autre main, les doigtsformidables la laissèrent échapper !

Cet or sonnait comme un angelus, unmessage de la Providence, car la glaneuse abominable abandonnacette maigre râtelée d’épis humains et la plaintes’apaisa !

Et, subitement, en furieux, en forcené,l’homme jeta les bras au cou de Paridael et coucha sa bonne têteplébéienne sur l’épaule du déclassé. Et Paridael, broyé contrecette large et houleuse poitrine, toute pantelante de sanglots,arrosé par ces chaudes larmes de reconnaissance, non moins éperduque l’ouvrier même, se pâmait transporté au sein des béatitudesinfinies et croyait arrivée l’heure de l’assomption promise auxélus du Sauveur ! Et jamais il n’avait vécu d’une vie aussiintense et ne s’était trouvé pourtant si voisin de lamort !

Cela ne l’empêcha pas, au sortir de cetteconjonction pathétique, de consacrer, le soir même, à sesdébauches, une partie de l’or réhabilité et de se rejeter à corpsperdu dans la crapule.

Il se distingua particulièrement pendant lecarnaval de ce même hiver calamiteux. D’ailleurs, de mémoired’Anversois, jamais les Jours Gras ne déchaînèrent tant de licence,ne furent célébrés avec éclat pareil. On lirait prétexte de lamisère et de la détresse pour multiplier les fêtes et les sauteriesau profit des pauvres. Le peuple lui-même s’étourdit, chômadoublement, chercha dans une passagère ivresse et dansl’abrutissement un dérivatif à la réalité sinistre, fêta comme unDécaméron de dépenaillés ce carnaval exceptionnel qui, au lieu deprécéder le carême, tombait en une saison d’abstinence absolue nonprévue par l’Église et que n’auraient jamais osé imposer les plusféroces mandements de la Curie.

Ne se procurant plus de quoi manger, lespauvres diables trouvaient du moins assez pour boire. Outre quel’alcool coûte moins que le pain, il trompe les fringales, endortles tiraillements de l’estomac. Le malheureux met plus de temps àcuver l’âpre et rogue genièvre qu’à digérer une dérisoire bouchéede pain. Et les fumées de la liqueur, lourdes et denses comme lesspleenétiques brouillards du pays, se dissipent plus lentement quele sang nouveau ne se refroidit dans les veines. Elles procurentl’ivresse farouche et brutale au cours de laquelle les organesstupéfiés ne réclament aucun aliment et les instincts dorment commedes reptiles en estivation.

Durant trois nuits, le théâtre des Variétés,réunissant en une halle immense l’enfilade de ses quatre vastessalles, grouilla de rutilante cohue, flamboya de girandoles,résonna de musique féroce et de trépignements endiablés. Il yrégnait un coude à coude, un tohu-tohu, une confusion de toutes lescastes presque aussi grande que sur le trottoir. Dames et lorettes,patronnes et demoiselles de magasins, frisottes et prostituées setrémoussaient dans les mêmes quadrilles. Les dominos de soie et desatin frôlaient d’horribles cagoules de louage. Aux pauses, tandisque les gandins en habit, transfuges des sauteries fashionables,entraînaient dans les petits salons latéraux une maîtresse pourlaquelle ils venaient de lâcher une fiancée, et lui payaient laclassique douzaine de « Zélande » arrosées de Roederer,les caveaux sous la redoute, convertis en une gargantuesquerôtisserie, en un souterrain royaume de Gambrinus, requéraient lescouples et les écots moins huppés qui s’y empiffraient, au milieudes fortes exhalaisons des pipes, de saucisses bouillies, ets’inondaient d’une mousseuse bière blanche de Louvain, Champagnepopulaire, peu capiteuse, par exemple, ne montant pas à la tête,mais curant la vessie sans impressionner autrement l’organisme.

Vers le matin, à l’heure des derniers cancans,ces cryptes, ces hypogées du temple de Momus présentaient l’aspectlugubre d’une communauté de troglodytes assommés par desincantations trop fortes.

Tant que dura le carnaval, Laurent mit unpoint d’honneur à ne point voir son lit, à ne point quitter sonpierrot fripé.

Le carnaval des rues ne le sollicita pas moinsque les caravanes nocturnes. Ballant les artères dévolues à lacirculation des mascarades, il fut partout où le tapage était leplus étourdissant, la mêlée la plus effervescente. Les éclats destrompes et des crécelles se répercutaient de carrefour en carrefourou des vessies de porc gonflées et brandies en manière de massuess’abattaient avec un bruit mat sur le dos des passants. Deschie-en-lit, fallacieux pêcheurs, aggravant encore la bousculade,tendaient, en guise d’hameçon, au bout de leur ligne, une micheenduite de mêlasse, que des gamins aussi frétillants et voraces quedes ablettes s’évertuaient à happer, en ne parvenant qu’à sepoisser le visage. Mais Paridael se passionnait surtout pour laguerre des pepernotes, la véritable originalité ducarnaval anversois. Il convertit une grosse partie de ses derniersécus en sachets de ces « noix de poivre »,confetti du Nord, grêlons cubiques pétris de farine etd’épices, durs comme des cailloux, débités par les boulangers etavec lesquels s’engagent, depuis l’après-midi jusqu’à la brune, dechaudes batailles rangées entre les dames peuplant les croisées etles balcons et les galants postés dans la rue, ou entre lesvoiturées du « cours » et les piétons qui les passent enrevue.

L’après-midi du mardi gras, Laurent reconnutdans l’embrasure d’une fenêtre de l’Hôtel Saint-Antoine,louée a un taux formidable pour la circonstance, Mmes Béjard, Falk,Lesly, et les deux petites Saint-Fardier.

Il n’avait plus revu sa cousine depuis le sasde l’hôtel Béjard, et il s’étonna de n’éprouver, à l’aspect de Ginatant idolâtrée, que du dépit et une sorte de rancune. Il lui envoulait, pour ainsi dire, de l’avoir aimée. Sa vie orageuse, lamisère et la désolation des parias auxquels il venait de sefrotter, n’étaient pas étrangères a ce revirement.

Mais la catastrophe de la Gina avait compliquécette antipathie d’une sorte de terreur et d’aversionsuperstitieuses. La Nymphe du Fossé, le mauvais génie de l’usineDobouziez, exerçait à présent son influence lénifère sur toute lacité. Elle empoisonnait l’Escaut et irritait l’Océan.

La vague tristesse que reflétait le visage dela jeune femme, la part très molle qu’elle prenait à la guerre despepernotes, la nonchalance avec laquelle elle se défendait, eussentsans doute autre fois attendri et désarmé le dévot Paridael.

Il n’est même pas dit qu’en un autre moment iln’eût retrouvé, pour l’altière idole, quelque chose de sa religionpremière, mais il se trouvait dans un de ces jours, de plus en plusfréquents, d’humeur rêche et d’âcre irascibilité, dans un de cesétats d’âme où, gorgé, saturé de rancœur, on nourrit l’envie decasser quelque bibelot précieux, de détériorer une œuvre dont lasymétrie, l’immuable sérénité insulte à la détresse générale ;conjonctures critiques où l’on irait même jusqu’à chagriner etbourreler de toutes manières la personne la plus aimée.

Il trouva piquant de se joindre au bataillonde freluquets qui, stationnant sur le trottoir en face de l’hôtel,de manière à bien se mettre en évidence, rendaient hommage auxjeunes dames en leur décochant languissamment du bout de leursdoigts gantés un pepernote, pas plus d’un à la fois et pas tropdur. Parmi ces beaux messieurs se trouvaient les deuxSaint-Fardier, von Frans, le fringant capitaine des gardes civiquesà cheval, Diltmayr, le grand drapier et marchand de lainesverviétois et un personnage basané, de mine exotique, exhibant unecravate rouge et des gants patte de canard, que Laurent voyait pourla première fois.

Agacé par le flegme et les airs blasés deMme Béjard autant que par la piaffe et les petites manièresdes gandins, il résolut de ne pas la ménager, se promit même delasser sa patience, de la harceler, de la forcer à se retirer de lascène. Fouillant dans les poches profondes de sa blouse, il se mità diriger de pleines poignées de pepernotes vers la belleimpassible. Ce fut une continuelle volée de mitraille. Lesprojectiles lancés de plus en plus fort visaient toujoursMme Béjard et de préférence au visage.

Après un furtif examen de ce pierrotdébraillé, elle affecta longtemps de ne point lui prêter d’autreattention. Puis, devant l’impétuosité et l’acharnement del’agression, elle abaissa à deux ou trois reprises un regarddédaigneux vers le quidam et se mit à caqueter de l’air le plusdétaché du monde avec ses compagnes.

Cette attitude ne fit qu’exciter Laurent. Ilne garda plus la moindre mesure. Elle s’occuperait de lui ouviderait la place. À présent, il tapait comme un furieux.

Regardé de travers, dès le début, par laclique fashionable à laquelle il prêtait un renfort intempestif,ces messieurs de plus en plus indisposés contre ce carême-prenantavaient renoncé au jeu, récusant et désavouant un partenaire siloqueteux.

Autour d’eux, au contraire, on s’amusaitbeaucoup de cette balistique endiablée. Le populaire était prêt àprendre contre les galantins le parti de cet intrus, qui seréclamait de lui par ses allures et ses dehors. C’était un peu àleur bassesse, à leur abjection collective que la patricienneopposait ses dédains de plus en plus irritants.

Un moment on vit sourdre des gouttelettes desang le long d’une écorchure produite à la joue de Gina par lachevrotine de Paridael. Elle détourna à peine la tête, esquissa unemoue dégoûtée et loin d’honorer d’une riposte cet adversairediscourtois, elle dirigea, machinalement, une poignée de pepernotesd’un tout autre côté de la place.

– Assez ! crièrent les gommeux, faisantmine de s’interposer. Assez, le voyou !

Mais des compagnons de rude encolure secalèrent entre Paridael, et ceux qui le menaçaient, ens’exclamant : « Bien touché, le bougre !Hardi !… Laissez faire !… C’est carnaval !… Francjeu ! Franc jeu ! »

Paridael n’entendit ni les uns, ni les autres.Enfiévré par cet exercice comme un sportman briguant l’un oul’autre record, il n’avait de regards et d’attention que pourRégina. Il la cinglait, la criblait d’une réelle animosité. Sonbras nerveux faisait l’office d’une fronde et manœuvrait avecautant de violence que de précision.

Dans la chaleur du tir, chaque volée lerapprochait d’elle, l’élan de son bras l’emportait à la suite de lamitraille, il lui semblait que ses doigts s’allongeassent jusqu’àtoucher aux joues de la jeune femme et c’étaient ses ongles qui luidéchiraient l’épiderme !

Gina, non moins entêtée, s’obstinait à lutservir de cible, ne bronchait pas, demeurait souriante, ne daignaitmême pas se protéger le visage de ses mains.

Elle n’avait pas reconnu Laurent, mais elleprenait plaisir à exaspérer, à pousser à bout ce truculentmaroufle, bien résolue à ne pas démentir un instant sa force d’âmesous les regards hostiles de la populace.

Laurent en était arrivé à ce degré de rageférine où, commencé en badinage, un jeu de main dégénère enmassacre. Faute d’autres munitions, il lui aurait lancé descailloux, il l’aurait lapidée. Les bonbons semblaient durcir sousla pression de ses mains nerveuses, et tel était le silence anxieuxde la foule qu’on les entendait battre les vitres, la muraille etmême le visage de Gina.

À la fin, ce visage fut en sang. De force,Angèle et Cora firent rentrer Régina dans la pièce etrapprochèrent, derrière elle, les battants de la porte-fenêtre.

Alors d’une dernière poignée de pepernotes,Laurent étoila une des glaces derrière laquelle apparaissait lacourageuse femme.

Puis haletant, harassé comme après une corvée,aussi insoucieux des grondements et des murmures de réprobation quesa brutalité soulevait chez les gens biens mis, que desapplaudissements et des rires affriolés de la plèbe, il se perditdans la foule, gagna en toute hâte une rue latérale, à l’écart dela tourmente et du grouillement : et là, pris de remords et dehonte, son ancienne idolâtrie réagissant subitement contre sonesclandre sacrilège, il eut une crise de larmes qui brouillèrentson maquillage et le firent ressembler au « petitsauvage » barbouillé par Gina, il y a vingt ans, dans lejardin de la fabrique.

Un rassemblement qui s’était insensiblementformé autour de ce pierrot larmoyant le rappela si catégoriquementà son rôle de masque éhonté et braillard, que les badauds purents’imaginer qu’il avait pleuré pour rire.

Vers le soir, il alla relancer quelquespauvres diables figurants et figurantes d’un théâtre endéconfiture, qu’il entraîna dîner chez Casti, le restaurateur à lamode. Ce serait sa dernière bombance ! Quoi qu’il entrepritpour s’étourdir et se monter le coup, il manqua d’entrain. Au lieude le lénifier, le vin ne fit que l’endolorir. D’ailleurs, il étaitharassé de fatigue. Il s’assoupit au milieu du repas, tandisqu’autour de lui, les autres dévoraient et lampaient ensilence.

Moitié rêves, moitié rêveries, certainspaysages lui revenaient comme un douceâtre déboire. Le passé, lavie perdue soufflait par bouffées chargées de moisissure, de parfumranci, de remeugle écœurant, et, en cette brise rétrospective etintermittente, roulaient les scabreuses ritournelles ouïes tous cessoirs dans les cabarets interlopes. L’inutilité de ses joursdéfilait devant Laurent en une procession macabre, une traînée degilles et de pierrots malades, nigaudant, zézayant, frileux etplaintifs, que des accès salaces électrisaient et qui setorsionnaient et se mêlaient dans des danses lascives comme lespasme même…

Comme il s’endormait pour de bon, indifférentaux caresses reconnaissantes et presque canines d’une fille, ilsursauta au bruit d’une explication assez vive à l’entrée del’escalier, suivi de pas dans l’escalier, puis dans le corridor,qui se rapprochèrent du cabinet où soupait Laurent, maiss’arrêtèrent devant le numéro voisin.

– Ouvrez ! Au nom de la loi !commanda une voix grave, aux intonations brutalementprofessionnelles, celle d’un commissaire de police.

Laurent revenu complètement à lui, dégrisé enun clin d’œil, enjoint à ses compagnons de faire silène, en mêmetemps qu’il colle l’oreille a la cloison, séparant les deuxpièces.

Des cris, un tohu-tohu, de la casse, unefenêtre qu’on ouvre, mais pas de réponse. Puis le fracas de laporte qu’on a fait sauter.

Insurgé d’instinct contre toute autorité, prêtà prendre le parti des noceurs, contre la police, Laurent s’estprécipité au dehors, et, par-dessus les épaules du commissairearrêté sur le seuil du salon, celles de Béjard, d’Athanase et deGaston, il aperçoit à sa consternation, Angèle et Cora, blottieschacune dans un angle de la chambre et s’efforçant de dissimulerdans les plis d’un rideau de fenêtre, la simplicité païenne de leurtoilette. Non loin d’elles, cherchant à prendre une contenance, unair digne et résolu, incompatible, pourtant, avec leur ajustementaussi sommaire que celui de leurs belles, se campent le svelte vonFrans, le gros Ditmayr et aussi – bien reconnaissable quoiqu’iln’ait pas plus gardé que le reste, sa cravate rouge et ses gantspatte de canard – le rastaquouère basané à qui Laurent apprit cetaprès-midi à lancer les pepernotes.

Les maris sont peut-être plus atterrés, pluséplafourdis encore que les galants ; c’est du moins le caspour les deux jeunes Saint-Fardier. Le commissaire lui-même manqued’assurance et s’embarrasse dans sa procédure.

Mais le côté baroque de cette scène modernistene frappe point Laurent ; il n’envisage et ne suppute que lesconséquences de cet éclat.

La présence de Béjard eût d’ailleurs suffipour lui ôter toute envie de rire. Seul, le vilain apôtre semble àson aise. On croirait même que ce scandale le réjouit. Dans tousles cas, il est homme à l’avoir fomenté d’abord pour le faireéclater à point voulu. Qui sait de quelle noire scélératesse ilcompliquera ce déplorable esclandre ?

Lui seul a pénétré dans la pièce. Il va de latable à la fenêtre, remue la vaisselle, le couvert, furette dansles coins, montre une effrayante présence d’esprit, dirige lesperquisitions, signale au commissaire les « pièces àconviction » pousse l’impudence jusqu’à froisser et fouillerles vêtements éparpillés sur les meubles, et, sans se soucier de laprésence des malheureuses adultères, trouve même la force deplaisanter :

– Il y avait six couverts !… Un desoiseaux, non, une des oiselles, s’est envolée par la fenêtre, ens’aidant d’un rideau, arraché, comme vous voyez… C’était plus fortqu’une partie carrée, une partie presque cubique… Queldommage ! J’aurais bien voulu voir la fugitive. Gageons quec’était la plus jolie !

Il mit dans ces dernières paroles uneintention tellement perfide, il laissa percer dans cette réticenceun si diabolique sous-entendu, qu’un jour sinistre traversal’esprit de Laurent et que le jeune homme s’élança vers Béjard enle traitant de lâche.

L’autre se contenta de toiser ce masque malembouché et poursuivit aussitôt ses investigations, mais laviolente sortie de Paridael rappela enfin le commissaire à sonrôle.

– Hé ! vous, le pierrot ?… Qu’ondécampe, et presto ! Vous n’avez rien à faire ici !dit-il en prenant Laurent par le bras et en le poussantdehors ; puis se tournant vers Béjard et les deux maris :« Je crois les faits suffisamment établis, monsieur Béjard, etsuperflu de prolonger cette situation délicate. Nous pourrions doncnous retirer. »

Après avoir toussoté, il ajouta d’un toncontraint, comme si la pudeur l’eût empêché de s’adresserdirectement à des coupables si court vêtus : « Ces dameset ces messieurs auront la bonté de nous, rejoindre au commissariatpour les petites formalités qu’il nous reste àremplir ! »

Laurent, contre son ordinaire, a jugé inutilede se rebiffer. Il retrouvera le commissaire ! Béjard ne perdrien à attendre !

Pour le moment, un autre soin incombe àLaurent.

Coupable ou non, il faut que Gina soit avertiede ce qui vient de se passer et de la façon dont Béjard l’adésignée… Laurent se précipite dans la rue, comme un perdu, hèle uncocher, saute dans le fiacre :

– À l’hôtel Béjard !

Il arrache la sonnette, bouscule le concierge,s’introduit pour ainsi dire avec effraction dans une pièceéclairée.

Gina fait un grand cri en reconnaissantd’abord son pierrot de l’après-midi, et immédiatement après, souscet accoutrement déshonoré, sous un reste de maquillage, son cousinLaurent Paridael.

Il la prend brutalement par la main :« Un oui ou un non, Gina, étiez-vous ce soir au restaurantCasti ? »

– Moi ! Mais de quel cabanon vousêtes-vous échappé ?

Il lui raconte, tout d’une haleine, lescandale auquel il vient d’assister.

– Le misérable, s’écrie-t-elle en apprenant lerôle joué par Béjard dans cette scabreuse aventure. « Je nesuis pas sortie ce soir. Ma parole ne vous suffit pas ? Tenez,les cachets de la poste sur cette lettre recommandée établissentque celle-ci m’a été remise’ il y a une heure environ. Je finissaisd’y répondre, lorsque vous avez fait irruption ici, et vousaccorderez qu’il m’a bien fallu une heure pour remplir ces quatrepages d’une écriture aussi serrée que la mienne. »

Pour être édifié, Laurent n’avait pas besoind’une preuve irrécusable ; tout, dans Gina, proclamaitl’innocence ; son maintien reposé, sa toilette d’intérieur, sacoiffure disposée pour la nuit, le son de sa voix, l’expressionhonnête de ses yeux, jusqu’au parfum tiède et calme que dégageaitsa personne.

– Pardonnez-moi, ma cousine, d’avoir douté uninstant de vous… Pardonnez-moi surtout ma conduite de tout àl’heure…

– J’avais déjà oublié cette bagatelle…Ah ! Laurent, c’est plutôt moi qui devrais te demanderpardon ! N’étais-je pas cruelle à l’égard de tout le monde,mais surtout au tien, mon bon Laurent !… Sois-moi pitoyable.J’ai bien besoin, à présent, qu’on m’épargne. J’expie durement macoquetterie…

« Depuis longtemps tu détestes Béjard,n’est-ce pas ? Tu ne le haïras jamais assez. C’est notreennemi à tous, c’est la bête malfaisante par excellence… Tu sais,le naufrage de la Gina. Eh bien, c’est horrible à dire,mais j’ai la conviction que le misérable prévoyait ce désastre, quecelui-ci entrait même dans ses spéculations. Oui, il savait lenavire incapable de tenir plus longtemps la mer… »

– Non ! Oh, non ! Ne dis pas cela.Béjard était un ange ! il y a deux secondes ! Béjardétait bon comme Jésus !… Il savait cela, il voulaitcette noyade ! Dieu ! Dieu ! Dieu ! Ohnon !… hurlait Laurent en se prenant la tête à deux mains, ense bouchant les oreilles.

– Oui, je jurerais sur mon âme qu’il lesavait. Il se méfie de moi. Il sent que je le devine, il me craint.Il a peur que je ne parle. Je sais aussi qu’il a voulu, avec levieux Saint-Fardier, te faire enfermer comme fou. Sans mon père, onte colloquait. Fou ! On le deviendrait au milieu d’un pareilmonde. C’est miracle que j’aie conservé la raison. Je jurerais quele complot de ce soir a été tramé par lui, avec Vera-Pinto, leChilien que tu as remarqué cet après-midi dans la rue et revu chezCasti.

Et Gina raconta à Paridael que, depuis sonarrivée à Anvers, cet exotique la poursuivait de ses assiduités.Plusieurs fois elle l’avait éconduit, mais il revenait toujours àla charge, encouragé, aussi incroyable que cela parût, par Béjardmême auprès de qui il avait remplacé Dupoissy. Il avait, certes,l’âme encore plus basse et plus noire que le Sedanais, et Ginan’augurait rien de bon de ce que les deux associés tripotaientensemble sous prétexte de commerce.

Béjard entendait reconquérir sa liberté pourépouser une autre héritière. Depuis qu’il l’avait ruinée, Gina nereprésentait plus qu’un obstacle à sa fortune. N’osant sedébarrasser de sa seconde femme comme il avait du le faire, là-bas,de la première, il avait tenté, par persuasion, de faire consentirGina au divorce. L’intérêt de son enfant, et aussi le souci de saréputation, avaient empêché Gina de se rendre à ses instances,autrement elle eût été la première à souhaiter la rupture de cetteabominable union. En présence de ce refus, Béjard avait eu recoursà la menace, puis, comme sa femme ne cédait toujours pas à savolonté, il l’avait battue, oui, battue, sans pitié. Toutefois unjour, qu’il levait de nouveau la main sur elle, Gina s’arma d’uncouteau et menaça de le lui plonger dans le ventre. Aussi lâche queméchant, il se l’était tenu pour dit. Mais, pour briser larésistance de son épouse, il devait mettre en œuvre des moyensautrement abominables. Il avait essayé de la pousser dans les brasdu Chilien. Elle déconcerta ces embûches et le rasta en fut pourses frais de galanterie. Enfin, en désespoir de cause, ne parvenantpas à induire sa femme en adultère, Béjard avait résolu de la fairecondamner et flétrir comme si elle était coupable. De connivence,toujours, avec Vera-Pinto, il n’avait pas hésité, pour l’atteindre,à frapper les petites Saint-Fardier.

Voici, présumait Gina, quelle était la tramedu complot :

– Après avoir averti Béjard de la partiegalante liée pour la soirée, le Chilien s’y était rendu avec l’uneou l’autre de ses conquêtes.

« Il n’en manque pas, je l’avoue, mêmedans ce qu’on appelle la bonne société, disait Mme Béjard, carmes égales ne partagent pas toutes mon aversion pour cet équivoquemétis. Inutile de les nommer. Plus heureuse qu’Angèle et Cora, latroisième dame mêlée à cette aventure aura pu, du moins, s’enfuir àtemps. Cette personne ne se doute pas qu’elle doit précisément sonsalut à la haine que me vouent Béjard et son âme damnée. Ilimportait à ceux-ci de la faire disparaître avant l’arrivée de lapolice pour m’impliquer moi-même dans cette affaire. Ne m’avait-onpas vue l’après-midi en compagnie de mes malheureusescousines ? Et von Frans, Ditmayr et Vera-Pinto ne sont-ils pasdemeurés tout le temps plantés sous noire balcon ? La scènechez Casti représente l’épilogue d’une intrigue nouée à l’HôtelSaint-Antoine, et, demain, dans Anvers, il ne se trouverapersonne, sauf mon père et vous, qui ne soit persuadé de mesrelations avec ce Chilien ! Ah ! Laurent ! Dire queBergmans lui-même croira les calomniateurs ! Quand c’est dansson souvenir que je puisais la force de rester vertueuse !

C’est lui que j’aimais, c’est lui que jedevais épouser ! Je le décourageai par ma vanité, et lorsqu’ilse retira, mon amour-propre l’emportant encore sur mon amour, jeconsentis au plus funeste des mariages. Pour piquer celui quej’aimais, je me suis rendue éternellementmalheureuse ! »

En vain Paridael avait-il tenté d’user sapassion, de la rendre de plus en plus absurde en multipliant àl’envi, de propos délibéré, les obstacles et les barrières qui leséparaient de sa cousine ; en vain était-il descendu si basque jamais plus elle ne pourrait le relever jusqu’à elle.

Il se croyait guéri, il n’avait fait querecuire son mal. On sait comment avait tourné, quelques heuresauparavant, son animosité contre la jeune femme.

Les accidents, les liaisons, les promiscuitésde sa vie vagabonde, son commerce avec les réfractaires et lesirréguliers, gaillards peu vergogneux de leur nature, initiés àn’importe quelle turpitude, l’avaient aussi dépouillé de toutpréjugé et rendu plus entreprenant et plus expéditif.

Pendant qu’elle lui dénonçait les brutalitésde Béjard, Paridael se dédoublait étrangement ; une partie deson moi compatissait du plus profond de l’âme à tant d’infortune ets’insurgeait contre si monstrueuse vilenie, et l’autre partiebrûlait de sauter sur la femme éplorée, de la battre à son tour, dela traiter avec plus de barbarie que tout à l’heure sur le« cours », Jamais les extrêmes de sa nature ne s’étaientainsi contredits. Ses sentiments s’entrechoquaient comme lesfluides contraires pendant un orage.

La nudité des deux blondes adultères,surprises au restaurant Casti, frémissait encore devant son regardet lui incendiait le sang.

« Que ne déshabilles-tu prestement cettefemme pantelante ? Seras tu moins crâne que le petit violateurde Pouderlée ? » lui suggérait le côté matériel de sonindividu. « Je trouverai assez de grandeur d’âme pour l’aimermieux que Bergmans lui-même ! » se promettait l’autrepartie de sa nature. Et il ne caressait pas idée moins généreuse,moins extravagante, que celle de se sacrifier pour faire le bonheurde la chère femme en la débarrassant, et Anvers avec elle, de cespoliateur exécré.

Ce fut sous l’influence de cette pensée à laDon Quichotte qu’il dit à Gina, après un long silence, en gardantses mains dans les siennes :

– Tu aimes donc encore Bergmans ?

L’accent de sa voix décelait tant de tristesseet d’affection que Gina le regarda. Mais elle fut tout étonnée delui trouver ces yeux noyés et bizarres qu’elle lui avait vus déjà,un jour d’alerte, dans l’orangerie, et comme il lui serrait lesmains de plus en plus fort :

– Laurent ! fit-elle… Laurent ! enessayant de le repousser et sans répondre à sa question.

Lui, cependant, continuait de sa voixinfléchie et mourante :

– Ne crains rien de moi, Gina… Pense tout ceque tu voudras sur mon compte ; accable-moi de mépris, maïsdis-toi bien qu’il n’est rien que je ne tente pour ton bonheur…

Telle était l’expression sincère de sessentiments, mais pourquoi, tout en tenant à Gina ces proposrespectueux, la pression trop rude de ses doigts et la flamme fauvede ses prunelles démentaient-elles ce discours ?

– S’il venait à disparaître, ce Béjard, c’estBergmans que tu épouserais…

Sa voix semblait venir de l’autre monde commecelle de ceux qui rêvent tout haut.

– Veux-tu que je le tue, dis, ton mari ?Tu n’as qu’à parler pour cela !… Voyons, parle !… Parle,te dis-je !

Le regard d’assassin ne menaçait pas seulementcelui qui en avait défini de cette façon l’intensité troublante etle feu concentré. Gina venait d’y lire autre chose qu’une furiemeurtrière, une postulation plus directe, une menace imminente…

– Avant que j’assure à jamais ton bonheur etcelui de Bergmans, sois bonne un seul instant pour moi, Gina…l’instant que dure le baiser d’une sœur… Après, je partirai pouraccomplir ma mission… Et plus jamais tu ne me reverras… Vite, cebaiser… ce baiser d’adieu, ma Régina…

Sa voix s’altérait, se faisait rauque etmenaçante, son imploration sonnait faux ; il attirait de forcela jeune femme contre sa poitrine en lui meurtrissant lespoignets.

– Laurent ! Finissez ! Vous mefaites mal…

Au lieu d’obéir, il lui patinait le charnu desbras ; il portait même les mains à son corsage et, au frissondes soins, sous l’étoile mince du peignoir, il appuya goulûment seslèvres contre les siennes. Presque renversée, sur le point de luiappartenir, elle parvint à se dégager et bondit de l’autre côté dela table :

– Tous mes compliments, maître fourbe. Et direque j’accusais Vera-Pinto ! C’est toi le suppôt deBéjard ! J’y suis à présent. Après l’avoir payé pour memaltraiter cette après-midi, il comptait me surprendre avec toi,vilain pitre ! Ta laideur et ta saleté eussent encore corsél’énormité de ma faute. »

Flagellé par cette apostrophe virulente, aussiaveuglé que si elle lui avait flaqué du vitriol au visage, Laurentne tenta pas même de se justifier. Les apparencesl’accablaient ; ce qu’il avait de mieux à faire était dedétaler au plus vite. L’arrivée de Béjard eût converti lacalomnieuse hypothèse en réalité.

Laurent s’enfuit, non sans trébucher plusieursfois, prêt à tomber.

Gina, sa bien-aimée Gina ! le croirecapable, d’une pareille félonie ! Jamais Laurent ne s’enrelèverait. Il aurait le droit désormais de se rouler dans toutesles fanges, d’accumuler ignominies sur ignominies : ses piresforfaits paraîtraient des bonnes œuvres à côté de celui dont ellel’avait incriminé, et les arrêts les plus draconiens, lesexpiations les plus infernales, que lui vaudraient une listed’iniquités inimaginables, lui seraient douces et clémentescomparées à la rigueur et à la cruauté de cette accusation.

Gina même ne pourrait revenir sur son erreuret réparer son injustice. Celle-ci était indélébile. N’importequelle réhabilitation ou quelle amnistie arriverait trop tard.

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