Scène VI
Daphnis,Théante
Daphnis
Voyez comme tous deux ont fui notrerencontre !
Je vous l’ai déjà dit, et l’effet vous lemontre :
Vous perdez Amarante, et cet ami fardé
Se saisit finement d’un bien si malgardé :
Vous devez vous lasser de tant depatience,
Et votre sûreté n’est qu’en la défiance.
Théante
Je connais Amarante, et ma facilité
Établit mon repos sur sa fidélité :
Elle rit de Florame et de ses flatteries,
Qui ne sont après tout que desgalanteries.
Daphnis
Amarante, de vrai, n’aime pas àchanger ;
Mais votre peu de soin l’y pourraitengager.
On néglige aisément un homme qui néglige.
Son naturel est vain ; et qui la sertl’oblige :
D’ailleurs les nouveautés ont de puissantsappas.
Théante, croyez-moi, ne vous y fiez pas.
J’ai su me faire jour jusqu’au fond de sonâme,
Où j’ai peu remarqué de sa premièreflamme ;
Et s’il tournait la feinte en véritableamour,
Elle serait bien fille à vous jouer d’untour.
Mais afin que l’issue en soit pour vousmeilleure,
Laissez-moi ce causeur à gouverner uneheure ;
J’ai tant de passion pour tous vosintérêts,
Que j’en saurai bientôt pénétrer lessecrets.
Théante
C’est un trop bas emploi pour de si hautsmérites ;
Et quand elle aimerait à souffrir sesvisites,
Quand elle aurait pour lui quelqueinclination,
Vous m’en verriez toujours sansappréhension.
Qu’il se mette à loisir, s’il peut, dans soncourage ;
Un moment de ma vue en efface l’image.
Nous nous ressemblons mal, et pour cechangement,
Elle a de trop bons yeux, et trop dejugement.
Daphnis
Vous le méprisez trop : je trouve en luides charmes
Qui vous devraient du moins donner quelquesalarmes.
Clarimond n’a de moi que haine et querigueur ;
Mais s’il lui ressemblait, il gagnerait moncœur.
Théante
Vous en parlez ainsi, faute de leconnaître.
Daphnis
J’en parle et juge ainsi sur ce qu’on voitparaître.
Théante
Quoi qu’il en soit, l’honneur de vousentretenir…
Daphnis
Brisons là ce discours ; je l’aperçoisvenir.
Amarante, ce semble, en est fortsatisfaite.