La Veuve

Scène II

Alcidon,la Nourrice

 

Alcidon,seul.

Vit-on jamais amant de pareille imprudence

Faire avec son rival entièreconfidence ?

Simple, apprends que ta sœur n’aura jamais dequoi

Asservir sous ses lois des gens faits commemoi ;

Qu’Alcidon feint pour elle, et brûle pourClarice.

Ton agente est à moi. N’est-il pas vrai,nourrice ?

La Nourrice

Tu le peux bien jurer.

Alcidon

Et notre ami rival ?

La Nourrice

Si jamais on m’en croit, son affaire iramal.

Alcidon

Tu lui promets pourtant.

La Nourrice

C’est par où je l’amuse,

Jusqu’à ce que l’effet lui découvre maruse.

Alcidon

Je viens de le quitter.

La Nourrice

Eh bien ! que t’a-t-il dit ?

Alcidon

Que tu veux employer pour lui tout toncrédit,

Et que rendant toujours quelque petitservice,

Il s’est fait une entrée en l’âme deClarice.

La Nourrice

Moindre qu’il ne présume. Et toi ?

Alcidon

Je l’ai poussé

À s’enhardir un peu plus que par le passé,

Et découvrir son mal à celle qui le cause.

La Nourrice

Pourquoi ?

Alcidon

Pour deux raisons : l’une, qu’il mepropose

Ce qu’il a dans le cœur beaucoup pluslibrement ;

L’autre, que ta maîtresse après cecompliment,

Le chassera peut-être ainsi qu’untéméraire.

La Nourrice

Ne l’enhardis pas tant ; j’aurais peur aucontraire

Que malgré tes raisons quelque mal ne t’enprît :

Car enfin ce rival est bien dans sonesprit,

Mais non pas tellement qu’avant que le moispasse

Notre adresse sous main ne le mette endisgrâce.

Alcidon

Et lors ?

La Nourrice

Je te réponds de ce que tu chéris.

Cependant continue à caresser Doris ;

Que son frère, ébloui par cette accortefeinte,

De nos prétentions n’ait ni soupçon, nicrainte.

Alcidon

À m’en ouïr conter, l’amour de Céladon

N’eut jamais rien d’égal à celuid’Alcidon :

Tu rirais trop de voir comme je la cajole.

La Nourrice

Et la dupe qu’elle est croit tout sur taparole ?

Alcidon

Cette jeune étourdie est si folle de moi,

Qu’elle prend chaque mot pour article defoi ;

Et son frère, pipé du fard de mon langage,

Qui croit que je soupire après sonmariage,

Pensant bien m’obliger, m’en parle tous lesjours ;

Mais quand il en vient là, je sais bien mesdétours.

Tantôt, vu l’amitié qui tous deux nousassemble,

J’attendrai son hymen pour être heureuxensemble ;

Tantôt il faut du temps pour leconsentement

D’un oncle dont j’espère un hautavancement ;

Tantôt je sais trouver quelqu’autrebagatelle.

La Nourrice

Séparons-nous, de peur qu’il entrât encervelle,

S’il avait découvert un si long entretien.

Joue aussi bien ton jeu que je jouerai lemien.

Alcidon

Nourrice, ce n’est pas ainsi qu’on sesépare.

La Nourrice

Monsieur, vous me jugez d’un naturelavare.

Alcidon

Tu veilleras pour moi d’un soin plusdiligent.

La Nourrice

Ce sera donc pour vous plus que pour votreargent.

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