Scène IX
Doris
Qu’aux filles comme moi le sort estinhumain !
Que leur condition se trouvedéplorable !
Une mère aveuglée, un frère inexorable,
Chacun de son côté, prennent sur mondevoir
Et sur mes volontés un absolu pouvoir.
Chacun me veut forcer à suivre soncaprice :
L’un a ses amitiés, l’autre a son avarice.
Ma mère veut Florange, et mon frèreAlcidon.
Dans leurs divisions mon cœur à l’abandon
N’attend que leur accord pour souffrir et pourfeindre.
Je n’ose qu’espérer, et je ne sais quecraindre,
Ou plutôt je crains tout et je n’espèrerien.
Je n’ose fuir mon mal, ni rechercher monbien.
Dure sujétion ! étrangetyrannie !
Toute liberté donc à mon choix sedénie !
On ne laisse à mes yeux rien à dire à moncœur,
Et par force un amant n’a de moi querigueur.
Cependant il y va du reste de ma vie,
Et je n’ose écouter tant soit peu monenvie.
Il faut que mes désirs, toujoursindifférents,
Aillent sans résistance au gré de mesparents,
Qui m’apprêtent peut-être un brutal, unsauvage :
Et puis cela s’appelle une fille biensage !
Ciel, qui vois ma misère et qui fais lesheureux,
Prends pitié d’un devoir qui m’est sirigoureux !