La Veuve

Scène VIII

Alcidon,Doris

 

Doris

C’est donc pour un ami que tu veux que monâme

Allume à ta prière une nouvelleflamme ?

Alcidon

Oui, de tout mon pouvoir je t’en viensconjurer.

Doris

À ce coup, Alcidon, voilà te déclarer.

Ce compliment, fort beau pour des âmesglacées,

M’est un aveu bien clair de tes feintespassées.

Alcidon

Ne parle point de feinte ; iln’appartient qu’à toi

D’être dissimulée, et de manquer defoi ;

L’effet l’a trop montré.

Doris

L’effet a dû t’apprendre,

Quand on feint avec moi, que je sais bien lerendre.

Mais je reviens à toi. Tu fais donc tant debruit

Afin qu’après un autre en recueille lefruit ;

Et c’est à ce dessein que ta fausse colère

Abuse insolemment de l’esprit de monfrère ?

Alcidon

Ce qu’il a pris de part en mesressentiments

Apporte seul du trouble à tescontentements ;

Et pour moi, qui vois trop ta haine par cechange

Qui t’a fait sans raison me préférerFlorange,

Je n’ose plus t’offrir un service odieux.

Doris

Tu ne fais pas tant mal. Mais pour faire encormieux,

Puisque tu connais ma véritable haine,

De moi, ni de mon choix ne te mets point enpeine.

C’est trop manquer de sens : je te prie,est-ce à toi,

À l’objet de ma haine, à disposer demoi ?

Alcidon

Non ; mais puisque je vois à mon peu demérite

De ta possession l’espérance interdite,

Je sentirais mon mal puissamment soulagé,

Si du moins un ami m’en était obligé.

Ce cavalier, au reste, a tous lesavantages

Que l’on peut remarquer aux plus bravescourages,

Beau de corps et d’esprit, riche, adroit,valeureux,

Et surtout de Doris à l’extrême amoureux.

Doris

Toutes ces qualités n’ont rien qui medéplaise ;

Mais il en a de plus une autre fortmauvaise,

C’est qu’il est ton ami ; cette seuleraison

Me le ferait haïr, si j’en savais le nom.

Alcidon

Donc, pour le bien servir, il faut ici letaire ?

Doris

Et de plus lui donner cet avis salutaire,

Que s’il est vrai qu’il m’aime et qu’ilveuille être aimé,

Quand il m’entretiendra, tu ne sois pointnommé ;

Qu’il n’espère autrement de réponse quetriste.

J’ai dépit que le sang me lie avecPhiliste,

Et qu’ainsi malgré moi j’aime un de tesamis.

Alcidon

Tu seras quelque jour d’un esprit plusremis.

Adieu. Quoi qu’il en soit, souviens-toi,dédaigneuse,

Que tu hais Alcidon qui te veut rendreheureuse.

Doris

Va, je ne veux point d’heur qui parte de tamain.

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