Le Roi des Étudiants

ÉPILOGUE

 

Trois mois plus tard, par une belle matinée deseptembre, les cloches de la cathédrale de Québec, sonnaient àtoutes volées et l’immense nef de la vieille église s’emplissaitd’une foule d’élite.

On célébrait, ce jour-là, deux mariagesfashionables, et les curieux qui stationnaient sous lesportiques échangeaient maintes observations sur les circonstancesdramatiques qui avaient amené ces mariages.

On se disait bas à l’oreille qu’une ces deuxfiancées, la richissime fille de Mme Privat, avait été sur lepoint, quelque temps auparavant, d’épouser un audacieux bandit quilui avait complètement tourné la tête… La noce était ordonnée etl’on se disposait à aller prononcer le oui solennel enface du prêtre, quand apparut soudain un inconnu qui révéla sur lecompte du futur époux des choses si épouvantables, que ce dernieren tomba mort de confusion…

Et l’on ajoutait d’un air mystérieux quel’autre mariée avait aussi dans son passé certain épisode terribleque l’on ne connaissait pas bien, mais où, à coup sûr, il y avaiteu mort d’homme… Bref, on caquetait méchamment, comme les badaudssavent le faire, quand il s’en donnent la peine.

Heureusement, l’arrivée du cortège nuptialchangea, le cours de ces charitables conversations et mit fin auxbienveillantes remarques qui les émaillaient.

Les lourds carrosses défilèrent un à un lelong des grilles, qui bordent le terre-plein, en face de lacathédrale, déposant sur le trottoir de pierre blanche leur joyeusecargaison de femmes éblouissantes et d’hommes en costumes degala.

Toute cette brillante compagnie s’engouffrasous les arceaux des portes grandes ouvertes et s’éparpilla, dansles bancs de chêne, alignés deux par deux sur le pavé de la vastenef.

Seuls, les mariés, escortés de leurs garçonset filles d’honneur, s’avancèrent jusqu’à la balustrade du chœur etprirent place sur des fauteuils luxueux, installés à leurintention.

Puis l’orgue fit entendre ses gravesharmonies, le prêtre ses avertissements non moins graves… et, ausortir de l’église, Laure Privat était devenue madame Champfort, etLouise Gaboury la… Reine des Étudiants !

Au moment où le cortège s’ébranlait pourretourner à la Canardière, Lafleur et Cardon, qui étaient de lafête et faisaient bonne contenance dans leurs habits à queue,échangèrent les réflexions philosophiques suivantes :

— Ce que c’est que de nous, mon pauvreLafleur et comme, dans ce monde borné, les petites causes peuventamener de grands effets !

— Comment, l’entends-tu, illustreCardon ?

— Tu vas voir : suis bien monraisonnement.

— Je ne te quitte pas d’une semelle.

— N’est-il pas vrai que si nous n’avionspas été ivrognes comme doivent l’être d’honnêtes étudiants, nousn’aurions pas fait la connaissance de la mère Friponne ?

— C’est indubitable. Ensuite ?

— N’est-il pas également vrai, que, sanscette connaissance de la mère Friponne, nous ne serions pas alléschez elle le soir où Després y fut jeté à fond de cave ?

— Je te concède cela. Poursuis.

— N’est-il pas mêmement à présumer que,nous absents, Gustave n’aurait pu échapper et, par conséquent,arriver à temps pour empêcher Lapierre d’épouser MllePrivat ?

— C’est plus que probable. Quelle est taconclusion ?

— Ma conclusion, ami Lafleur, c’estqu’à quelque chose whisky est bon !

Et le facétieux étudiant, qui s’était donnétout le mal du monde pour en arriver à cette atroce parodie d’unaphorisme célèbre, se prit à réfléchir profondément.

Lafleur fit de même, tout en mâchonnant d’unevoix distraite son grand-père Noé.

La noce filait toujours, soulevant sur sonpassage l’aveuglante poussière des rues de Québec.

FIN

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