Les Fanfarons du Roi

XIV – PROUESSES DES BOURGEOIS DELISBONNE

Dans la salle de l’hôtel de Souza, où déjànous avons introduit le lecteur, le comte de Castelmelhor et Simonde Vasconcellos étaient réunis. Simon avait attendu Balthazar toutle jour. Ne le voyant point revenir, et ne pouvant plus maîtriserson inquiétude, il s’était enveloppé dans son manteau à la nuittombante, et avait pris le chemin de l’hôtel de sa mère. Lorsqu’ilarriva, la comtesse était partie. Sur une table était un billettout ouvert, le billet que Balthazar prisonnier avait dépêché parsa femme à Dona Ximena. Simon le lut.

Il attendit une heure, seul, en proie àl’agitation la plus vive. Au bout d’une heure la portes’ouvrit ; Castelmelhor entra.

Le nouveau favori était pâle, et son regardégaré accusait le désordre de sa pensée. À la vue de Simon, ilrecula comme frappé de la foudre.

– Vous ici ! murmura-t-il.

– Remettez-vous, dom Louis, dit Simonavec calme ; ce n’est pas de moi que vous avez à craindre desreproches. Où est notre mère ? où est Inès ?

– Vous me le demandez ? réponditCastelmelhor. On vient de me dire qu’Inès m’était enlevée, et jevous trouve ici…

– Enlevée ! répéta Vasconcellos.

– Ce n’est donc pas par vous ?

– Mon frère, dit Simon, dont la voixtrembla, vous avez voulu me faire bien du mal ; Dieu veuilleque ce mal ne retombe pas sur la tête de dona Inès !

– Qui vous fait supposer ?…

– Ce billet écrit à ma mère lui conseillede se tenir sur ses gardes, de veiller sur Inès, et surtout de nepoint quitter l’hôtel… Ma mère est sortie. Vous-même, nem’avez-vous pas dit tout à l’heure en parlant d’Inès : elleest enlevée ?

– C’est un faux rapport, sansdoute ; un homme que je ne connais pas, un de ces misérablesqui portent la livrée nocturne d’Alfonse…

– Vous êtes bien sévère pour ceux quiportent la livrée du roi, dom Louis, interrompit Vasconcellos.

En même temps il toucha du doigt l’étoile quibrillait sur la poitrine de son frère. Castelmelhor l’arrachavivement et la foula aux pieds. Simon secoua la tête.

– Une autre fois, dit-il, vous l’ôterezavant d’entrer sous le toit de nos pères. Mais que vous a dit cethomme ?

– Il m’a dit… c’était un mensonge !cet homme est mon ennemi ; il a levé hier son poignard contremoi.

– Ah ! fit Simon en regardantCastelmelhor en face : et ne leva-t-il point le poignardcontre vous parce que vous lui aviez volé son secret en prenant lenom de votre frère ?

Dom Louis baissa les yeux sans répondre.

– Cet homme, est votre ennemi, en effet,seigneur comte, reprit Vasconcellos, car il a jugé infâme qu’unfrère mît sous ses pieds le bonheur de son frère, afin de s’enfaire un échelon pour monter jusqu’à la fortune. Mais ce qu’il vousa dit est vrai ; cet homme ne sait point mentir.

– Alors, murmura Castelmelhor, Inès estperdue !

Vasconcellos demeura immobile près de lafenêtre, et dom Louis continua d’arpenter la chambre à grands pas.Ils ne se parlèrent plus. Des heures se passèrent ainsi, et la nuitétait déjà fort avancée lorsqu’un carrosse s’arrêta devant la portede l’hôtel. Le cœur des deux jeunes gens battit violemment. D’unmouvement instinctif et commun ils s’approchèrent l’un de l’autre,se prirent la main sans savoir et écoutèrent avec anxiété.

Le carrosse entra dans la cour, et bientôt despas se firent entendre dans l’antichambre. La comtesse parut sur leseuil.

Elle était méconnaissable, ses yeux fixes etsecs gardaient encore quelques traces de larmes ; saphysionomie exprimait le courroux le plus violent. Elle traversa lachambre d’un pas saccadé et saisit le bras de ses deux fils, quin’osaient l’interroger.

– Dieu soit loué, dit-elle d’une voixentrecoupée, je vous trouve, je vous trouve tous les deux !car tu es encore mon fils, Castelmelhor ; je te pardonne,eusses-tu traîné dans la fange le nom de ton père, je tepardonne ! Je n’ai pas trop de deux enfants pour venger monoutrage. Oh ! vous me vengerez, n’est-ce pas ?

– Nous vous vengerons ! direntensemble les deux jumeaux de Souza. Parlez, que vous a-t-onfait ?

– Ce qu’on m’a fait ? oui ! ilfaut que je vous le dise. Enfants, on a insulté votre mèrepubliquement, en présence d’une foule de misérables ameutés ;on a arrêté son carrosse, tué ou dispersé ses gentilshommes, enlevésa pupille…

– Inès ! s’écria Simon ; c’estdonc vrai ?… Qui a fait cela, madame ? qui donc a faitcela ?

– Mon nom que j’ai prononcé, le glorieuxnom de votre père, enfants ! n’a excité que la risée et lemépris…

– Mais dites-moi donc qui a faitcela !… rugissait Simon, dont la pâleur était effrayante.

– Tu me demandes qui a fait cela ?Celui qui a fait cela, c’est Alfonse de Portugal ! dit lacomtesse avec un éclat de voix.

Elle se laissa tomber épuisée dans les bras deCastelmelhor.

Au nom du roi, Simon se couvrit le visage deses mains.

– Mon père ! murmura-t-il avec unaccent déchirant.

Puis, la fureur l’emportant sur le souvenir deson serment, juré devant un lit de mort, il s’élança vers la porteet sortit sans prononcer une parole.

La comtesse, à ce moment, regarda autourd’elle d’un air étonné, comme si elle se fût éveillée d’un profondsommeil.

– Où va Simon ? demanda-t-elle d’unevoix brève. Qu’ai-je dit ? Que va-t-il faire ? Puis selevant tout à coup : Je me souviens, j’ai parlé.Courez !… Oh ! arrêtez-le, Castelmelhor ! je leconnais, il va tuer le roi !

Dom Louis essaya de la rassurer.

La comtesse regrettait amèrement déjà lemouvement de fiévreux délire qui l’avait portée à crier vengeance,vengeance contre le roi ; mais elle songea au cœur loyal etdévoué de son fils cadet et prit espoir.

– Ce n’est point par la violence que sedoivent punir de semblables outrages, dit-elle ; ma vengeanceest prête et ne fera point tache à l’écusson de Souza.

Lorsque Vasconcellos sortit de l’hôtel, satête était en feu ; il enfila au hasard une rue, courant commeun furieux. Des paroles sans suite s’échappaient de sa bouche. Laville était tranquille et déserte ; il pouvait être une heuredu matin.

Simon allait toujours, marchant droit devantlui, sans savoir, sans penser. Il arriva ainsi au bout du faubourgd’Alcantara et atteignit les dernières maisons de la ville. Commeil passait devant la taverne de Miguel Osorio, la porte s’ouvritbrusquement et une foule nombreuse se précipita au dehors.

Simon s’arrêta et se pressa le front comme onfait pour ressaisir un souvenir fugitif et rebelle.

– Enfants, dit un de ceux qui sortaient,retournons chez nous, et pas de bruit.

– C’est cela, c’est cela, appuyèrent desvoix nombreuses dans le noir.

– Fi ! s’écrièrent quelques autres,plus hardis et plus jeunes ; n’avez-vous point de honte,maître Gaspard Orta Vaz ! vous, le vénéré doyen des tanneursde Lisbonne ! proposer la retraite quand on est à moitiéchemin de l’ennemi !

Simon écoutait avidement ; son regards’éclairait peu à peu, il se souvenait.

Il se souvenait que, la veille, il avait remisà Balthazar des billets qui portaient ordre aux chefs de quartierde convoquer les mécontents, en armes, à la taverne d’Alcantara. Savengeance était là, sous sa main ; elle lui apparaissaitprompte, sûre et terrible.

– Mes enfants, reprit le vieux Gaspard,je suis aussi brave qu’un autre, à l’occasion ; mais à quoibon aller se briser la tête contre les murs d’Alcantara ? Quinous dirigerait ? Où est notre chef ?

– Le voici ! s’écria tout à coupSimon en s’élançant au milieu de la foule.

Nous prenons sur nous d’affirmer quel’apparition de ce chef, qu’on n’attendait plus et qui était commeun signal de bataille, fit sur les trois quarts et demi de cesexcellents bourgeois une impression éminemment désagréable ;mais les apprentis et ouvriers, jeunes et ardents, poussèrent uncri de joie. L’élan fut donné. Les marchands, chefs et doyens demétier, durent suivre l’impulsion en apparence générale. Le vieuxGaspard Orta Vaz lui-même, qui avait, depuis le premier janvierjusqu’à la Saint-Sylvestre, cinq ducats à manger tous les jours,redressa sa courte taille et mit sur l’épaule sa hallebarderouillée d’une façon passablement militaire.

– À la grâce de Dieu ?murmura-t-il ; le moins que nous puissions attraper dans cettebagarre, c’est un bon rhume de cerveau.

– En avant ! dit Simon.

La troupe se mit en marche.

– Te souviens-tu, Diego, dit un apprentià un autre, de ce grand gaillard de boucher qui, l’autre jour à lataverne, voulait qu’on tuât le roi ?

– Je m’en souviens, Martin, réponditDiego.

– L’idée n’était pas trop mauvaise.

– Moi, je la trouve bonne.

– N’avons-nous pas encore entendu, cesoir, les fanfares de cette chasse diabolique ?…

– Et les cris des victimes…

– Et les insultes des bourreaux !…Le roi est fou, Diego.

– Fou et méchant, Martin.

– Je suis d’avis qu’il faut tuer leroi.

– Moi aussi.

– Moi aussi, répétèrent ceux qui avaiententendu les deux apprentis.

Et cela se propagea de rang en rang avec larapidité de l’éclair.

Simon n’avait pas perdu une parole, son cœurtressaillit d’une joie cruelle ; il n’imposa point silence àceux qui prononçaient de si terribles paroles.

La troupe des insurgés arriva devant le palaisd’Alcantara. Il n’y avait point de sentinelles aux portes, et l’onentendait à l’intérieur les cris joyeux de l’orgie. C’était fête aupalais, comme toujours après les chasses royales.

Les bourgeois de Lisbonne entrèrent sansbruit.

– Où est la chambre du roi ? demandaSimon à voix basse.

Le tapissier du palais qui était parmi lesinsurgés s’avança et offrit de le guider. Arrivé devant la porte,Simon se tourna vers la foule, et dit :

– À vous le favori et sa patrouille, mesmaîtres ; à moi le roi !

– Seigneur Simon, répondit résolument unapprenti, n’espérez pas le sauver.

– Le sauver… moi ! s’écria Simondont l’œil brillait d’un éclat étrange.

– Sa tête ou la tienne ! dit lafoule en chœur.

Vasconcellos disparut, et la porte retomba surlui. Il traversa le corps de garde vide et l’antichambre égalementdéserte : gentilshommes et soldats étaient à table. Il tirason épée et entra dans la chambre du roi.

Alfonse, fatigué, pris d’un ennui subit etinaccoutumé, avait quitté la salle du banquet ; il dormait.Une lampe brûlait près de lui. Vasconcellos s’élança les sourcilsfroncés et l’épée à la main. Au mouvement qu’il fit, Alfonses’éveilla.

– C’est toi, petit comte, dit-il ensouriant, trompé par la ressemblance. Je rêvais que j’étais un bonroi… Je voudrais être un bon roi, petit comte.

La colère de Vasconcellos tomba comme parenchantement, à la vue de ce malheureux enfant, qui n’avait ni lavigueur ni l’intelligence d’un homme, et qui était son roi. Il futpris de pitié et de respect à la fois.

– Une épée ! reprit Alfonse effrayé.Pourquoi cette épée, seigneur comte ?

– Je ne suis pas Castelmelhor, ditlentement Vasconcellos.

– Le roi ! la tête du roi !criait la foule en dehors.

Prompt comme la pensée, Vasconcellos seprécipita vers la porte qu’il ferma solidement.

– Que disent-ils ? s’écria Alfonseavec terreur. Quelles sont ces voix ?… Et tu n’es pasCastelmelhor !

– Je suis Simon de Vasconcellos, sire,que vous avez exilé sans motif, dont vous avez outragé la mère,dont vous avez ravi la fiancée.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! murmurale pauvre enfant, ai-je fait tout cela ?… Mais tu vas donc metuer, Vasconcellos !

– Le roi ! la tête du roi !criait la foule impatientée, qui avait envahi le palais etcommençait à heurter violemment la porte.

– Pitié ! oh ! pitié !balbutia Alfonse en se cachant sous ses couvertures.

Vasconcellos leva les yeux au ciel, joignitles mains et prononça le nom de son père.

– Levez-vous, sire, dit-il ; je vaismourir pour Votre Majesté.

Alfonse obéit et se leva, tremblant :Vasconcellos le conduisit vers la porte et se mit devant lui,l’épée nue à la main, prêt à soutenir le choc des assaillants.

La porte retentissait sans cesse des coupsqu’on frappait au dehors, et commençait à s’ébranler. La fouletrépignait d’impatience et de colère ; le bruit augmentait àchaque instant. Tout à coup une clameur s’éleva.

– Le voilà ! disait-on, voilà notreSamson ! C’est lui qui va briser la porte et tuer le roi.

Puis il se fit un silence, et un dernier coup,furieux, irrésistible, jeta la porte en dedans.

– Vive Balthazar ! rugit la foule ense ruant à l’intérieur.

– Balthazar ! à moi ? criaSimon, auquel ce nom rendit quelque espoir.

En même temps il fit face à la foule, couvranttoujours le roi. Ce moment de péril suprême avait chauffé sonenthousiasme jusqu’au délire ; il se sentait capable decombattre et de vaincre cette multitude. Les premiers qui voulurentl’attaquer tombèrent sous son épée, et leurs corps lui firent unesorte de rempart, derrière lequel il demeura inébranlable.

La foule s’arrêta étonnée.

– Tue ! tue ! criaient lesderniers rangs.

Mais ceux qui se trouvaient en avant ne sepressaient point d’exécuter cet ordre. Cependant, honteux de selaisser arrêter par un seul homme, ils revinrent à la charge, etdix épées menacèrent à la fois la poitrine de Simon, qui, en uninstant, fut couvert de blessures.

– À moi, Balthazar, à moi ! répétal’héroïque jeune homme.

L’assourdissant tumulte avait empêché letrompette d’entendre le premier appel de Vasconcellos. Après avoirjeté bas la porte, il s’était tranquillement assis dans un coin ducorps de garde et laissait faire ses compagnons.

Mais cette fois il entendit, et refoulant lapresse de droite et de gauche, il arriva à temps pour empêcherSimon de recevoir le coup mortel.

– Arrière, dit-il.

Et joignant le geste à la parole, il repoussales bourgeois jusqu’au-delà du seuil.

Ceux-ci étaient trop irrités pour abandonnerleur proie, mais la force herculéenne et bien connue de Balthazarles tint en respect.

– Il nous avait promis la tête du roi,disaient-ils de ce ton que prennent les écoliers mutins vis-à-visde leur maître.

– Et que voulez-vous faire de la tête duroi ? dit Balthazar avec un gros rire ; vous savez bienqu’il n’y a point de cervelle dedans !

Cette plaisanterie, parfaitement appropriée àl’auditoire dérida le front des plus récalcitrants, et commepersonne n’avait sérieusement envie de se mesurer avec Balthazar,on saisit avec empressement cette occasion de parlementer.

– Au moins, dit Gaspard Orta Vaz, quis’était tenu prudemment à l’écart pendant le conflit, comme ilconvenait à un tanneur de son importance, au moins aurons-nous latête du favori ?

– Pas davantage, réponditBalthazar ; je me sens en veine de clémence et veux épargnerce pauvre diable de Conti, qui n’est plus à craindre, puisqu’unautre a la faveur du roi.

– Qu’aurons-nous donc ?

– En fait de têtes ?… ma foi, il y acinq à six cents chevaliers du Firmament qui boivent et chantentdans la grande salle ; si vous vous sentez de force,attaquez-les, je vous les livre.

Les bourgeois hésitèrent.

– Cela ne vous sourit pas ? repritBalthazar ; au fait, les Fanfarons du roi ont de longues épéeset peuvent prendre l’alarme d’un instant à l’autre.

– Si nous nous en allions ? insinual’honnête Gaspard Orta Vaz.

Balthazar avait déchiré le mouchoir de Simon,et tout en parlant, il étanchait le sang de ses blessures, qui setrouvèrent être sans gravité.

Les bourgeois se consultèrent un instant, etun apprenti prit enfin la parole.

– Si nous nous en allons, à quoi auraservi notre révolte ? demanda-t-il.

– C’est juste, dit Balthazar ;vaille que vaille, il faut vous trouver un résultat. Eh bien, vousemmènerez avec vous le seigneur Conti de Vintimille, et l’un de sesvalets, le cavalier Ascanio Macarone dell’Acquamonda ; je mecharge de vous les trouver. Nous les mettrons à bord de ce vaisseauqui est en partance pour le Brésil et ils feront le voyaged’Amérique… Êtes-vous contents ?

– Vive Balthazar ! cria la foule,pour paraître satisfaite ; nous avons vaincu nostyrans !

Le roi et Vasconcellos restèrent seuls.Alfonse était blotti derrière son défenseur. Tant qu’avait duré leconflit, il n’avait osé ni bouger ni respirer. Quand le bruit despas de la foule eut cessé de se faire entendre, il se redressa toutà coup et prit une pose de matamore.

– Voilà une rude affaire, dit-il, et nousles avons chaudement menés ! Je conterai tout cela à Ménèseset à Castro. C’est très-plaisant. Quant à Tavaro qui était cettenuit de service et qui a délaissé son poste, si tu veux jeunehomme, je te donnerai sa place.

– Et c’est là notre roi ! pensaVasconcellos avec douleur.

– Tu ne dis rien, reprit Alfonse ;je crois que tu n’as pas autant d’esprit que ce bambin de comte,ton frère. Va, mon ami, va quérir mes gentilshommes.

– Sire, dit enfin, Vasconcellos, j’ai unerequête à mettre aux pieds de Votre Majesté.

– Quelle requête ?

– Il est une jeune fille qui m’avaitdonné sa foi…

– Et elle t’a planté là ?interrompit le roi. Ça ne m’étonne pas.

Simon rougit d’indignation.

– Sire, reprit-il, cette jeune fille mefut enlevée cette nuit.

– Par qui ?

– J’espérais que Votre Majesté allait mel’apprendre.

Le roi regarda un instant Vasconcellos enface. Il n’avait garde de comprendre. Au bout d’une seconde, iltourna le dos en bâillant.

– Voilà un pauvre garçon, s’écria-t-il,qui est ennuyeux comme la pluie !

– Au nom de tout ce que vous avez de cheret de sacré en ce monde, sire, reprit encore Simon,répondez-moi : N’avez-vous pas fait enlever cette nuit Inès deCadaval ?

– Du tout ! dit vivement Alfonse,c’est la fiancée de ce bambin de comte, et je ne voudrais pas lechagriner quand il s’agirait d’un taureau d’Espagne sansdéfaut !

Simon ne savait que croire. Qui donc avaitenlevé Inès ? et où la retrouver ? Alfonse s’approcha delui :

– Mon ami, dit-il, si tu ne vas pasquérir mes gentilshommes, dis-moi quelque chose d’amusant.

Vasconcellos s’inclina respectueusement etsortit. Sur le seuil, il entendit Alfonse murmurer en se frottantles mains :

– Ces manants vont me débarrasser deConti ; c’est très-plaisant : je leur pardonne en faveurde ce bon office.

Balthazar tint sa promesse. Ceci du moinsétait vrai, car il conduisit les insurgés dans la partie du palaisoù Alfonse avait donné un logement à Conti. On s’empara du favori,mais on ne put trouver le beau cavalier de Padoue. La foule repritle chemin de Lisbonne, portant en triomphe le malheureuxprisonnier, qui dut se livrer, chemin faisant, à de tristesréflexions touchant la faveur des rois et l’instabilité des choseshumaines. Il regrettait surtout son duché de Cadaval et maudissaitce peuple dont le caprice faisait avorter le plus beau projet quieût germé jamais dans la cervelle d’un parvenu.

Le vaisseau sur lequel on l’embarqua mit à lavoile le soir même.

Quant aux bourgeois de Lisbonne, ilsracontèrent à leurs femmes la terrible attaque du châteaud’Alcantara, où six cents chevaliers du Firmament tenaientgarnison. Tout avait dû céder à leur courage ; et s’ilsavaient épargné la vie du roi, c’est que ce prince leur avaitsolennellement promis de se mieux comporter à l’avenir.

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