Les Fanfarons du Roi

XVI – LES JUMEAUX DE SOUZA

Le lendemain, Alfonse de Bragance futsolennellement couronné en la salle du palais de Xabregas, devantcette même assemblée qui avait assisté à sa honte de la veille. Àses côtés, et si près du trône que les franges du dais caressaientson front, était dom Louis de Souza, comte de Castelmelhor.

Alfonse ne semblait ni joyeux ni chagrin. Ilbâilla bien des fois durant la cérémonie, et se dispensa d’assisterau service funèbre de la reine, sa mère, alléguant pour prétextequ’il y avait deux jours que ses taureaux d’Espagne ne l’avaientvu.

La plupart des grands seigneurs, à demisatisfaits par la disparition de Conti, suivirent le roi au palaisd’Alcantara. Castelmelhor était bien, lui aussi, un favori, maisson illustre naissance faisait, en bonne jurisprudencecourtisanesque, qu’on pouvait sans honte accepter ses caprices etse courber devant sa volonté.

Le roi le nomma, le jour même de soncouronnement, ministre État et gouverneur de Lisbonne.

Quelques jours après la mort de la reine, tousles membres de la maison de Souza se trouvaient rassemblés danscette salle de l’hôtel du même nom, où se sont passées plusieursscènes de ce récit. La comtesse, dona Inès et Vasconcellos étaienten habits de voyage. Castelmelhor portait un magnifique costumed’apparat. Dans la cour plusieurs carrosses attendaient.

– Adieu donc, madame, dit Castelmelhor enbaisant les mains de sa mère ; adieu, mon frère, soyezheureux.

– Dom Louis, répondit la comtesse, jevous ai pardonné. Maintenant que vous voilà puissant, soyezfidèle.

– Dom Louis, dit à son tour Vasconcellos,je ne vous ai point pardonné, moi, car jamais il n’y eut contrevous de colère dans mon cœur. Mais je vous ai jugé : si vousme cédez maintenant la main de dona Inès, c’est que vous vouscroyez trop haut placé pour avoir encore besoin de sa fortune.

– Vasconcellos !… voulut dire domLouis.

– Je vous connais, reprit celui-ci.

Et s’approchant tout à coup il ajouta à voixbasse :

– Adieu, dom Louis ; je vais loind’ici, bien loin, pour n’entendre point parler de vous. Mais si lavoix du peuple de Lisbonne se faisait quelque jour assez forte pourarriver jusqu’à moi, et venait me dire que Souza suit les traces deConti Vintimille, je reviendrai seigneur comte ; car j’ai faitun serment au lit de mort de mon père.

Castelmelhor s’inclina froidement et baisa lamain d’Inès de Cadaval en la nommant sa sœur. Puis il sortit pourse rendre auprès du roi.

Les autres membres de la maison de Souzaprirent place dans un carrosse, et le cocher fouetta leschevaux.

– Y a-t-il bien loin d’ici au château deVasconcellos ? dit un étranger à l’un des valets de lacomtesse qui suivaient à cheval.

– Six jours de marche.

– Pas davantage ?… je vais alleravec vous.

– À pied ? demanda le valetétonné.

– Pourquoi pas ? répondit froidementl’étranger.

À ce moment, le carrosse qui portait les deuxdames et Simon s’ébranla et passa près des deux interlocuteurs.

Simon jeta par hasard un coup d’œil de leurcôté. Il reconnut Balthazar.

– Que Dieu me pardonne moningratitude ! s’écria-t-il, j’allais oublier l’homme qui deuxfois m’a sauvé la vie… et qui a fait plus que cela pour moi,ajouta-t-il en regardant Inès avec tendresse.

Le carrosse s’arrêta. Quand il s’ébranla denouveau, Balthazar, joyeux et confus à la fois, était assis entreSimon et la comtesse, au grand étonnement de la livrée deSouza.

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