Les Fanfarons du Roi

XXIV – MADEMOISELLE DESAVOIE-NEMOURS

Et comme tout le monde restait immobile, leroi répéta avec un redoublement de fureur :

– Qu’on me l’amène ! qu’on la traîneici à l’instant !

– Pourquoi faire ! demandafroidement Castelmelhor.

– Pour que je lui prouve que je suis unhomme ! s’écria le roi, dont la prunelle nageait dans lesang.

En même temps il tira son poignard en grinçantdes dents et le ficha si rudement dans la table, que l’épaisseplanche de chêne fut percée de part et part.

Mais cet effort le brisa, et il tomba épuisésur son fauteuil.

– Castelmelhor, dit-il, va dans sachambre et tue-la.

– Seigneurs, dit Castelmelhor au lieud’obéir, veuillez nous laissez seuls ; Sa Majesté a désir dem’entretenir en particulier.

L’assemblée jeta un regard de regret sur lescoupes à moitié vides ; mais ce n’était pas le roi qui avaitparlé, c’était Castelmelhor, il fallait obéir.

– Sire, reprit le comte, dès que la foulese fut écoulée, Votre Majesté va trop loin. Le marquis de Sande està Lisbonne, et avec lui est venu un Français, qui sans doute estchargé des pouvoirs de son souverain. Le Portugal n’est point detaille à se mesurer avec la France.

– Il y avait longtemps que tu ne m’avaisennuyé ! s’écria le roi en bâillant.

– Sire, mon devoir…

– Petit comte, va chercher les serviteursde mes bassets royaux, et ne reviens pas : tu n’es pas enveine aujourd’hui.

– Encore un mot, sire…

– Peuh ! fit le roi avec ennui.

– Me donnez-vous carte blanche ?

– Sans doute ; à quelsujet ?

– La reine…

– La reine ! interrompit le roi, quiavait déjà oublié la scène du dîner ; que me parles-tu de lareine ?

– Elle a insulté Votre Majesté.

– Vraiment ? Au fait… c’estpossible. Eh bien, fais-en ce que tu voudras, et va-t’en.

Castelmelhor sortit aussitôt.

Depuis qu’il était maître de l’oreille du roiil avait déjà considérablement affaibli la puissance des chevaliersdu Firmament, qu’il avait même éloignés du palais et casernés dansun hôtel ; mais il se croyait néanmoins sûr de leur service àcause d’Ascanio Macarone, qu’il avait fait capitaine des Fanfaronsou cavaliers, et qui affectait pour lui un dévouement sansbornes.

Ce fut près du beau Padouan qu’il se rendit enquittant le roi.

Macarone reçut ordre de choisir dix Fanfaronsparmi les moins scrupuleux, ce qui était énormément dire. Ces dixhommes devaient se poster à une heure après minuit dans la rue dela Conception, qui longe le couvent de ce nom, où la reine avaitcoutume d’accomplir ses devoirs religieux.

C’était, comme nous l’avons dit, la veille deNoël ; la reine devait, suivant toute apparence, se rendre àla messe de minuit. Castelmelhor, qui avait un puissant intérêt àéloigner cette princesse de la cour, saisissait avec ardeur cetteoccasion de commencer

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