L’Italien – Le Confessionnal des pénitents noirs

Chapitre 23

 

Lorsque la marquise s’était vue à touteextrémité, bourrelée de remords et assaillie de terreurs, elleavait envoyé chercher un confesseur dans l’espoir de soulager saconscience. La première condition que le prêtre attacha au pardonqu’elle implorait fut qu’elle réparât de tout son pouvoir le malqu’elle avait fait aux autres et qu’elle rendît le bonheur à ceuxqu’elle avait persécutés. Déjà sa conscience lui avait dicté cetterésolution. Aussi, au moment d’entrer au tombeau, témoigna-t-elleautant d’empressement à favoriser le mariage de Vivaldi et d’Elenaqu’elle avait montré d’ardeur à y mettre obstacle. Elle fit doncvenir le marquis près de son lit de mort, lui avoua le complotqu’elle avait tramé contre l’honneur et la liberté d’Elena et leconjura de consentir au bonheur de leur fils. Mais le marquis,malgré l’horreur que lui causa la révélation des artifices et descruautés de sa femme, résista à ses instances jusqu’à ce que leviolent désespoir où il la vit en proie, au moment de rendre ledernier soupir, l’emportât sur ses répugnances. Il promit doncsolennellement, en présence du confesseur, qu’il ne s’opposeraitplus au mariage si son fils persistait dans son attachement pour lajeune fille. Cette promesse calma la marquise qui mourut en leremerciant.

Au surplus, il ne paraissait guère probableque le marquis fût de longtemps mis en demeure de remplirl’engagement pris par lui à contrecœur ; car toutes lesrecherches qu’on avait faites jusqu’alors sur le sort de Vivaldiavaient été infructueuses. Le malheureux père pleurait déjà sonfils comme mort. Toute sa maison désolée était prête à en prendrele deuil, lorsqu’une nuit on fut réveillé par de violents coups demarteau frappés à la grande porte. Un moment après, on entenditdans l’antichambre une voix qui criait :

– Où est M. le marquis ? Ilfaut que je le voie, tout de suite ; il me pardonnera de ledéranger quand il saura pourquoi !

Et avant que le marquis, prévenu, pût donneraucun ordre, Paolo était devant lui, effaré, hors d’haleine et seshabits en lambeaux. À cette vue, le marquis, se préparant àrecevoir de mauvaises nouvelles, n’avait pas la force de lui endemander ; mais les questions n’étaient pas nécessaires, etPaolo, sans préambule ni détours, lui apprit que son fils était àRome dans les prisons de l’Inquisition.

Une nouvelle si terrible et si inattendueparalysa un instant toutes les facultés du marquis. Quellerésolution devait-il prendre ? Lorsqu’il fut un peu remis deson trouble, il comprit la nécessité de partir pour Rome le plustôt possible ; il était sage cependant de consulter quelquesamis dont les relations avec Rome lui procureraient certains moyensde succès. En attendant, il donna des ordres pour son prochaindépart et il envoya Paolo se reposer. Mais le fidèle serviteurétait trop agité pour chercher et trouver le sommeil, quoique àprésent il n’eût plus rien à craindre. Un des gardiens de la geôlede l’Inquisition, trop humain pour son emploi, avait projeté des’en affranchir par la fuite. Il avait fait part de ce dessein àPaolo, dont le bon naturel avait gagné sa confiance et sonaffection, et tous deux avaient si bien combiné leur plan qu’ils lemenèrent à bonne fin, malgré l’imprudence de Paolo qui faillit lefaire échouer en voulant tenter de délivrer son maître.

Le marquis partit le lendemain matin avecPaolo, que le danger qu’il courait en reparaissant à Rome n’empêchapas de suivre le vieillard. Le rang et le crédit de ce seigneur àla cour de Naples secondaient auprès du Saint-Office le succès deses démarches pour la liberté de son fils. En outre, il pouvaitcompter sur l’appui d’un ancien ami, le comte de Maro,tout-puissant à Rome. Cependant les sollicitations du marquis neproduisirent pas sur-le-champ l’effet qu’il en attendait et ils’écoula une quinzaine avant qu’il pût voir son fils. Lors de cetteentrevue, la tendresse paternelle écarta tout fâcheux retour sur lepassé ; la situation de Vivaldi, encore souffrant de lablessure qu’il avait reçue à Celano et languissant en prison,réveilla toute la sensibilité du marquis. Il pardonna à son fils etparut disposé à lui rendre le bonheur, s’il pouvait lui fairerendre la liberté. Le jeune homme, en apprenant la mort de sa mère,versa des larmes sincères. La noirceur des projets de la marquisen’était pas venue à sa connaissance ; et, quand il sut qu’àson lit de mort elle avait souhaité et voulu son bonheur, leremords des chagrins qu’il lui avait causés excita dans son cœurdes angoisses telles qu’il ne fallut rien moins pour les apaiserque le souvenir des traitements dont Elena avait été menacée à SanStefano.

Depuis trois semaines déjà que le marquisétait à Rome, il n’avait encore obtenu aucune réponse décisive duSaint-Office, lorsqu’il fut invité par le tribunal à se rendre à laprison de Schedoni. Il lui paraissait bien pénible de se retrouveravec un homme qui avait fait tant de mal à sa famille, mais il nepouvait se refuser à cette entrevue. À l’heure indiquée, on leconduisit d’abord à la chambre de Vivaldi et, de là, tous deux serendirent à celle de Schedoni, accompagnés par deux officiers del’Inquisition. À leur entrée, le confesseur, qui était étendu surun lit, souleva la tête pour adresser un léger salut au marquis.Son visage, éclairé par le peu de lumière qui tombait au travers dela double grille de sa prison, avait une expressioneffrayante ; ses yeux caves, son teint livide, et tous sestraits affaissés portaient l’empreinte d’une mort prochaine.

– Où est, dit-il, le père Zampari ?Je ne le vois plus ici. Tout à l’heure on m’a fait communier aveclui… pour nous réconcilier, disait-on… Ah ! ah !

Il voulut rire, mais ce rire affreuxressemblait à un râle.

– S’il s’en est allé, qu’on le fasserevenir.

Un officier parla à une sentinelle quisortit.

– Quelles sont les personnes que je voisautour de moi ? demanda Schedoni. Qui est là, au pied de monlit ?

Vivaldi, abattu et perdu dans ses réflexions,fut rappelé à lui par la question du moine.

– C’est moi, répondit-il, moi, Vivaldi,qui suis venu sur votre demande. Qu’avez-vous à me dire ?

Schedoni parut réfléchir ; il porta sesregards sur le jeune homme et les en détourna ensuite en gardant lesilence, comme s’il attendait… Enfin ses yeux égarés et vaguess’animèrent tout à coup, et il dit :

– Qui est-ce qui se glisse derrière moidans l’obscurité ?

– C’est moi, répondit le père Zampari quivenait d’entrer. Que voulez-vous de moi ?

– Je veux, dit Schedoni en se soulevant,je veux que vous rendiez témoignage de la vérité que je vaisdéclarer.

Zampari et un inquisiteur qui l’accompagnaitse placèrent d’un côté du lit, le marquis de l’autre et Vivaldi aupied. Après un moment de recueillement, Schedonicommença :

– Ce que j’ai à révéler ici se rapported’abord aux complots tramés contre l’honneur et le repos d’unejeune et innocente personne que le père Nicolas de Zampari, à moninstigation, a cruellement persécutée.

Zampari voulut l’interrompre ; maisVivaldi l’arrêta.

– Monsieur le marquis, poursuivit leconfesseur, vous connaissez Elena Rosalba ?

– J’ai entendu parler d’elle, réponditfroidement le marquis.

– Eh bien, reprit Schedoni, on l’acalomniée auprès de vous. Jetez les yeux sur cet homme. Vousrappelez-vous ses traits ?

Le marquis, ayant dévisagé le père Zampari,répondit :

– Oui, en effet, c’est une figure qu’onn’oublie pas aisément. Je me souviens de l’avoir vu plus d’unefois.

– Où l’avez-vous vu, monsieur lemarquis ?

– Chez moi, au palais, amené parvous-même.

– Cela est vrai, dit Schedoni.

– Comment osez-vous donc l’accuser decalomnie, reprit le marquis, quand vous avouez que c’est vous quil’avez introduit chez moi ?

– Ô ciel ! s’écria Vivaldi. Cemoine, ce père Zampari est donc, comme je le soupçonnais, lecalomniateur d’Elena ?

Le père Zampari, loin de nier le fait,attachait impudemment un regard triomphant sur Schedoni, comme pourle défier de produire contre lui un chef d’accusation dont il nefût pas complice lui-même.

– Eh quoi ! poursuivit le jeunehomme en s’adressant à Schedoni dans un élan de généreuseindignation, eh quoi, vous avouez que vous êtes vous-même lepremier auteur de ces infâmes calomnies, vous qui naguère vous êtesdéclaré le père d’Elena !…

À peine eut-il laissé échapper ces derniersmots qu’il eût voulu les retenir. En effet, il vit le marquispâlir. Jusque-là il avait évité de lui apprendre qu’Elena avait étéreconnue pour la fille de Schedoni. Il comprit qu’une découverte sibrusque en un tel moment pouvait renverser ses espérances etdégager le marquis de la promesse qu’il avait faite à sa femmemourante. L’étonnement du marquis peut aisément s’imaginer :il jetait les yeux tantôt sur son fils, comme pour lui demander uneexplication, tantôt sur Schedoni avec un surcroît d’horreur.

– Écoutez-moi, cria Schedoni, surmontantson abattement par la force de sa volonté.

Il s’arrêta un moment, comme épuisé par ceteffort, puis il reprit :

– J’ai déclaré et je déclare ici denouveau, et solennellement, qu’Elena Rosalba, ainsi nommée je lesuppose pour la dérober à mes recherches, est ma fille.

Vivaldi, plein d’anxiété, garda le silence,mais le marquis prit la parole :

– Ainsi, dit-il, c’est pour me faireentendre la justification de votre fille que vous m’avez fait venirici ? Mais que la signora Rosalba soit innocente ou coupableque m’importe à moi ?

– Elle appartient à une noble maison,repartit fièrement Schedoni en se redressant sur son lit. Vousvoyez en moi le dernier des comtes de Bruno.

Le marquis sourit d’un air de mépris.

– Terminons, dit-il, les difficultés. Jevois qu’on m’a fait appeler ici pour une affaire qui ne me regardepas.

Avant que Schedoni pût répliquer, il sedisposait à quitter la chambre lorsqu’il fut arrêté par le troubleet le désespoir de son fils. Il consentit donc à écouter leconfesseur qui ajouta que la justification d’Elena n’était pas leseul objet de cette entrevue. Puis, en présence de deux officiersdu tribunal venus là comme témoins et du greffier de l’Inquisition,il se prépara à faire sa nouvelle déposition. On apporta une torchequi éclaira tous les acteurs de cette lugubre scène et quidécouvrit aux yeux des assistants la figure hâve et décharnée dusinistre dominicain, dont la mort semblait déjà s’être emparée. Ildemeura quelques instants le coude appuyé sur son oreiller, lesyeux fermés, et paraissant en proie à une lutte intérieure. Enfin,comme s’il eût fait un violent effort sur lui-même, il énuméra endétail tous les artifices qu’il avait employés contre Vivaldi. Ils’avoua lui-même comme l’accusateur anonyme qui avait dénoncé lejeune homme au Saint-Office et déclara que le procès d’hérésiequ’il lui avait fait susciter reposait sur des bases fausses et desrapports calomnieux.

Au moment où se confirmaient les soupçons deVivaldi sur le véritable auteur des poursuites dont il s’était vul’objet, il remarqua que cette accusation n’était pas celle qu’onavait élevée contre lui, à la chapelle de Saint-Sébastien, et danslaquelle Elena était impliquée. Il demanda l’explication de cettedifférence. Schedoni la donna en répondant que les personnes quil’avaient arrêté dans la chapelle de Saint-Sébastien n’étaient pasde véritables officiers de l’Inquisition et que l’ordred’arrestation, motivé par l’enlèvement d’une religieuse, avait étéforgé par lui-même afin que les gens qu’il avait apostés pussents’emparer d’Elena sans redouter l’opposition des respectablesreligieux qui l’entouraient.

Cette déposition ayant été recueillie par legreffier et signée par l’inquisiteur et les deux officiers dutribunal, Vivaldi vit son innocence proclamée par l’homme même quil’avait précipité dans de si grands dangers. Et le marquis,impatient de quitter ce lieu, pria l’inquisiteur de faire déposerla déclaration de Schedoni sur le bureau du Saint-Office afin quel’innocence de son fils fût constatée et qu’il pût recouvrer saliberté sur-le-champ. Il demanda en outre une copie de cet acte,signé des mêmes témoins. Pendant que le marquis l’attendait,Vivaldi pressa Schedoni de lui donner de nouveaux éclaircissementssur la naissance d’Elena ; mais celui-ci ne put que répéter cequ’il avait déjà dit au sujet du portrait qui avait amené cettedécouverte. Pendant cette explication, les regards du jeune hommetombèrent sur le visage du père Zampari qui se tenait un peu enarrière des assistants en fixant sur le moribond des yeux pleinsd’une méchanceté infernale. Il frémit en retrouvant en lui lafigure effrayante du moine des ruines de Paluzzi, bien capable sansdoute d’avoir trempé dans tous les crimes commis par Schedoni. Ilse rappela alors la prédiction que cet homme lui avait faite de lamort de la signora Bianchi. Les soupçons de Vivaldi sur la cause decette mort lui revenant tout à coup à l’esprit, il somma leconfesseur, qui n’avait plus qu’un moment à vivre, de déclarer cequ’il savait sur ce sujet. Le moribond protesta solennellementqu’il était innocent de cette mort et, tout en parlant, il lança unregard terrible au père Zampari qui se détourna dans l’ombre en secachant le visage.

Vivaldi se sentit pénétré d’horreur ;mais Zampari reprit bientôt son assurance :

– Jeune homme, dit-il, l’avis que vousavez reçu dans les ruines de Paluzzi vous a été donné pour vousdétourner de vous rendre à la villa Altieri.

– C’est vous aussi que j’ai poursuivi àtravers les détours souterrains, dit Vivaldi. Mais alors dites-moidonc, si vous l’osez, ce que c’était que les vêtements sanglantsque j’y ai trouvés à terre… et ce qu’est devenue la personne à quiils appartenaient ?

Le père Zampari sourit.

– Ces vêtements, dit-il, étaient lesmiens.

– Les vôtres ?

– Oubliez-vous le coup de pistolet quim’a blessé ?

Vivaldi se rappela en effet le coup de feutiré par Paolo sous les arcades des ruines de Paluzzi.

– J’ai eu le courage, reprit le moine, desurmonter la douleur. Je me retirai dans la chambre souterraine,j’y jetai mon habit teint de sang avec lequel je n’aurais purentrer dans mon couvent, et je m’échappai par une route qu’il vousétait impossible de découvrir. Les gens qui étaient dans le fort,pour m’aider à vous y retenir pendant la nuit où la signora Rosalbadevait être enlevée de la villa Altieri, pansèrent ma blessure etme procurèrent d’autres vêtements. Mais, si vous ne m’avez pas revucette nuit-là, vous avez plus d’une fois entendu mes gémissementsdans une chambre voisine.

Vivaldi s’expliquait maintenant toutes cescirconstances qui lui avaient paru presque surnaturelles.

Il jeta les yeux sur Schedoni pour savoir s’ilconfirmerait le témoignage de son complice. Mais le visage duconfesseur s’altérait de plus en plus. On y remarquait toutefois uncertain sourire de triomphe qui éclatait au milieu de sessouffrances, jusqu’à ce que des convulsions et une respirationhaletante vinssent annoncer que sa fin était proche.

À ce moment suprême, tous les assistantstémoignèrent malgré eux quelque compassion, excepté Zampari qui setenait debout devant Schedoni, contemplant ses angoisses d’un œilsatisfait, tant la vengeance avait pris possession de cette âmeinfernale ! Mais, comme Vivaldi regardait cet homme avecindignation, il vit tout à coup ses traits se contracter et donnertous les signes d’une violente douleur. Cependant qu’il saisissaitle bras de la première personne qui se trouvait près de lui et s’ycramponnait en penchant la tête.

On crut d’abord qu’il n’avait pu soutenir pluslongtemps le spectacle de l’agonie de son ennemi : mais aubout d’un instant, Zampari, en proie à des convulsions terribles,se tordit, saisi d’un frisson mortel, en poussant des gémissementsaigus ; enfin, ne pouvant plus se soutenir, il tomba dans lesbras de ceux qui l’entouraient.

À ce moment, Schedoni jeta un cri de joie siatroce, si strident, si peu semblable à celui d’une voix humaine,que tous les assistants, frappés de terreur, se précipitèrent poursortir de ce lieu maudit ; mais les portes étaient fermées etne s’ouvrirent qu’un instant après, à l’arrivée d’un médecin qu’onavait envoyé chercher.

À la vue de Schedoni retombé dans sesconvulsions, le praticien déclara qu’il était empoisonné et il seprononça de même au sujet de Zampari. Tandis qu’il donnait desordres pour leur faire administrer des secours, la violence desdouleurs de Schedoni se relâcha un peu ; mais Zampari nerecouvra pas sa connaissance et mourut avant d’avoir pu prendre lesremèdes indiqués.

L’antidote produisit quelque effet surSchedoni qui reprit faiblement ses sens. Le premier mot qu’ilmurmura fut le nom de Zampari.

– Vit-il encore ? demanda-t-il.

Au silence des assistants, il devina la véritéet parut se ranimer un peu.

L’inquisiteur, le voyant en état de répondre,lui posa quelques questions sur son état et sur la mort deZampari.

– C’est le poison, répondit Schedoni sanshésiter.

– Le poison !… Qui vous l’a faitprendre ?

– Moi-même.

– Et qui le lui a donné, à lui ?reprit l’inquisiteur. Songez que vous êtes sur votre lit de mort.Répondez.

– Je n’ai nul dessein de cacher lavérité, dit Schedoni.

Là, sa faiblesse le contraignit des’arrêter.

– Je l’ai fait périr, parce qu’il a voulume faire périr moi-même… d’une mort ignominieuse… et c’est pour yéchapper…

Il s’arrêta encore. Ses efforts l’avaientépuisé. On ordonna au greffier de recueillir ses parolesentrecoupées.

– Vous avouez donc, continual’inquisiteur, que c’est vous qui avez empoisonné Nicolas deZampari et vous-même avec lui ?

Schedoni fit signe qu’il l’avouait.

On lui demanda par quel moyen il s’étaitprocuré du poison et comment il avait pu l’administrer à Zampari.Il fit comprendre qu’il avait ce poison sur lui. Quant à la secondequestion, il cessa d’être en état de répondre ; et les juges,épouvantés, en furent réduits à des conjectures qui impliquaient uneffroyable sacrilège. Ils se turent en voyant la vie abandonner peuà peu le corps immobile qu’ils avaient devant eux. Le feu qui avaitreparu un moment dans les yeux du moribond s’éteignit, et uncadavre insensible fut bientôt tout ce qui resta du terribleSchedoni.

À la fin, les témoins ayant signé lesécritures du greffier, on permit à tout le monde de se retirer.Vivaldi fut reconduit par son père dans sa prison où il devaitdemeurer jusqu’à ce que son innocence, attestée par la dépositionde Schedoni, fût proclamée par le tribunal.

Cette sentence fut rendue quelques joursaprès ; et Vivaldi, rendu à la liberté, alla rejoindre sonpère chez le comte de Maro. Tandis que le marquis et son filsrecevaient les félicitations de ce seigneur et de quelques autresnobles, on entendit, dans l’antichambre, une voix éclatante quis’écriait :

– Laissez-moi passer ! Laissez-moipasser !

Au même instant, Paolo se précipita dans lesalon et tomba aux pieds de son maître en fondant en larmes. Ce futun moment bien doux pour Vivaldi. Il était trop touché des marquesd’affection de ce brave garçon pour songer à excuser auprès de lanoble compagnie le sans façon de ses manières. Il le releva enl’embrassant ; puis le marquis, serrant la main loyale dufidèle serviteur de son fils, y glissa une bourse de mille sequinsque Paolo voulait d’abord refuser, mais que Vivaldi le contraignitd’accepter comme premier acompte sur les émoluments de majordome desa maison.

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