L’Italien – Le Confessionnal des pénitents noirs

Chapitre 22

 

Tandis que ces événements se passaient dansles prisons de l’Inquisition, Elena, retirée à l’ombre de soncouvent, ignorait toujours ce qu’était devenu Vivaldi.

Schedoni, en la quittant, avait promis de luiécrire à ce sujet ; et, comme elle ne savait pas non plusqu’il fût arrêté, le silence du confesseur lui causait de vivesinquiétudes. Se disposait-il à la reconnaître pour sa fille ?Espérait-il toujours l’unir à Vivaldi ? Cette incertitude lajetait dans des pensées mélancoliques et sombres. Pour s’y livrerplus librement, elle s’acheminait d’ordinaire, au coucher dusoleil, sur une terrasse pratiquée dans les flancs de la montagnequi dominait le monastère. Un soir qu’elle s’y était attardée, elleaperçut tout à coup dans la grande cour un grand mouvement delumière et de personnes ; en même temps, un bruit confus devoix frappa son oreille. Aux vêtements blancs elle crut reconnaîtreles religieuses ; elle se hâta de rentrer pour savoir ce quise passait au couvent. Déjà elle avait gagné une allée dechâtaigniers qui aboutissait à la grande cour, lorsqu’elle entenditplusieurs personnes qui s’avançaient de son côté. Parmi les voixqui se rapprochaient, il lui sembla en distinguer une dont letimbre la frappa. Elle écoutait, partagée entre l’espérance et lacrainte d’une déception. Enfin, elle entendit la même voixprononcer son nom avec un mélange d’impatience et detendresse ; elle courut et se trouva dans les bras de sœurOlivia ! Elle en croyait à peine ses sens et manquait de motspour exprimer sa joie à la vue de la bonne religieuse à qui elledevait son salut, et qui venait partager son asile. Sœur Oliviarendait caresses pour caresses à sa jeune amie, et toutes deux sefaisaient mille questions sur les événements qui avaient suivi leurséparation ; mais, comme elles étaient environnées de tropd’auditeurs pour des confidences si délicates, Elena conduisit lanouvelle arrivée dans sa chambre. Là, sœur Olivia lui expliqua lesmotifs qui lui avaient fait quitter San Stefano.

En butte aux persécutions de l’abbesse qui lasoupçonnait d’avoir favorisé la fuite d’Elena, elle avait demandé àl’évêque diocésain d’autoriser de passer dans le couvent de laPietà. Elena ne manqua pas de s’informer avec une vive sollicitudedu sort de Geronimo et du vieux moine qui l’avaient aidée à fuir,et elle fut heureuse d’apprendre que ni l’un ni l’autre n’avaientété inquiétés pour cette généreuse action.

– C’est un parti grave et que l’on prendrarement, dit sœur Olivia, que de changer de couvent, surtout à monâge. Je n’ai pas besoin de vous exprimer le bonheur que j’éprouve àme retrouver avec vous. Les manières aimables de votre abbesse etde vos sœurs et leur bienveillant accueil m’ont ranimée. La couleursombre sous laquelle tout se peignait à mes yeux a disparu et,après tant d’orages, j’entrevois dans le lointain quelques rayonsde bonheur qui luiront peut-être sur le soir de ma vie.

C’était la première fois que sœur Oliviafaisait allusion à ses malheurs. Sa jeune amie désirait et n’osaitlui demander des explications sur ce sujet. Mais la religieuse,s’efforçant de chasser de pénibles souvenirs, lui dit avec unsourire languissant :

– Maintenant, dites-moi à votre tour, machère Elena, ce qui vous est arrivé depuis les tristes adieux quevous m’avez faits dans les jardins de San Stefano.

C’était là une tâche difficile pour la jeunefille. Elle pria son amie de la dispenser de certains détails et,gardant un silence absolu sur Schedoni, elle raconta la manièredont elle avait été séparée de Vivaldi, sur les bords du lacCelano, et ne fit qu’un récit sommaire de ce qui lui était arrivéensuite jusqu’à ce qu’elle eût trouvé un refuge au couvent de laPietà.

Cet entretien ne fut interrompu que par lacloche du soir qui, appelant les religieuses à la prière, séparales deux nouvelles compagnes.

Elena, dans les journées qui suivirent,observa avec autant de surprise que de chagrin la mélancolieprofonde dont les traits de sœur Olivia portaientl’empreinte ; mais un intérêt plus puissant encore vint fairediversion à celui-là.

Un jour, elle vit entrer dans sa chambre savieille servante Béatrice, dont l’air troublé annonçait quelqueévénement extraordinaire et probablement malheureux ; et,comme Vivaldi occupait toujours sa pensée, elle ne douta pas queBéatrice ne vînt lui parler de lui.

La vieille servante, tremblante et pâle, soitde la fatigue de la route, soit des fâcheuses nouvelles qu’elleapportait, se laissa tomber sur un siège et demeura quelquesinstants sans pouvoir répondre aux questions répétées que sa jeunemaîtresse lui adressait :

– Ah ! madame, dit-elle, si voussaviez ce que c’est pour une femme de mon âge, que de gravir une sihaute montagne !

– Je vois, dit Elena respirant à peine,que vous avez de mauvaises nouvelles à m’apprendre. J’y suispréparée, aussi ne craignez pas de me dire tout.

– Hélas ! madame, si une annonce demort est toujours une mauvaise nouvelle, vous avez bien deviné.

Elena pâlit affreusement.

– De quelle mort parlez-vous ?dit-elle d’une voix étranglée par une terrible angoisse.

– Vous allez le savoir, madame, reprit lavieille. Je tiens le fait du laquais de la marquise. Comme je levoyais un peu embarrassé, je lui demandai comment on se portait aupalais. « Mal ! me répondit-il, très mal ! » Eten effet…

– Ô ciel ! s’écria Elena, il estmort ! Vivaldi est mort ?

– Qui parle de Vivaldi ? MonDieu !

– Mais vous, ce me semble…

– Patience, madame, patience, vous saureztout. Si vous me déconcertez ainsi, je ne saurai plus ce que jedis.

– Au nom du ciel, parlez !

– Ce domestique me raconta donc,poursuivit la vieille, qu’il y avait près d’un mois que lamarquise, malade…

– La marquise ? répéta Elena. Lamarquise ! Eh quoi, c’est elle !…

– Sans doute, madame. Quel autre ai-jedonc dit que c’était ?…

– Poursuivez, Béatrice. La marquise,dites-vous ?…

– Était malade depuis longtemps ;mais c’est au sortir d’une fête au palais Voglio qu’elle se trouvatout à fait mal. On ne la crut pas d’abord en danger ; maisles médecins appelés en jugèrent autrement ; et ils avaientraison, car elle mourut.

Elena fit un signe de croix.

– Et son fils ? demanda-t-elle.Était-il près d’elle quand elle est morte ?

– Non, madame, le signor Vivaldi n’étaitpas là.

– C’est bien étrange, dit Elena avecémotion. Le domestique a-t-il parlé de lui ?

– Oui, madame. Il a dit qu’il était bienfâcheux qu’il fût absent dans un pareil moment et qu’on ne sût pasoù il était.

– Quoi ? Sa famille même ignoreraitce qu’il est devenu ? dit Elena avec un trouble croissant.

– Mon Dieu, oui. Il y a déjà plusieurssemaines qu’on n’a entendu parler du signor Vivaldi, quoiqu’on aitenvoyé à sa recherche dans toutes les parties du royaume. Lamarquise, a ajouté le laquais, semblait avoir encore quelque chosesur le cœur et demandait son fils ; puis, se voyant près de safin, elle envoya chercher son confesseur… Le père Schedoni, commeils l’appellent, je crois…

– Eh bien, le père Schedoni ?…

– On ne l’a pas trouvé non plus, madame.Il a sans doute beaucoup de pratiques, et il faut qu’il écoute tousles péchés qui se commettent… Enfin, il n’a pas pu venir àtemps ; alors, on est allé chercher un autre confesseur.Celui-ci est resté longtemps enfermé avec la marquise, puis elle afait venir le marquis. On a entendu de l’antichambre beaucoup debruit, et la voix de la mourante dominait souvent malgré son état.À la fin le bruit cessa et le marquis sortit de la chambre fort encolère, et pourtant fort triste. La marquise vécut encore cettenuit-là et une partie du jour suivant. Elle paraissait accabléed’un poids qui lui brisait le cœur. Tantôt elle sanglotait, tantôtelle poussait des gémissements à fendre l’âme. Elle redemandaencore le marquis, et leurs entretiens duraient longtemps… Onrappela aussi le confesseur, et tous trois demeurèrent enferméspendant plus d’une heure. La marquise parut alors avoir recouvréquelque tranquillité, et bientôt après elle expira.

Elena, qui avait écouté attentivement cerécit, allait poser à Béatrice de nouvelles questions, lorsque sœurOlivia entra chez elle. Celle-ci, voyant une personne étrangère, sedisposait à se retirer, mais Elena la pria de rester et des’asseoir devant son métier à broder, pendant qu’elle achèverait defaire parler la vieille servante. Puis voulant éclaircir le mystèrede l’absence de Schedoni, elle demanda à Béatrice si elle avaitrevu l’étranger qui l’avait ramené à la villa Altieri.

– Non, madame, répondit Béatrice, je n’aijamais revu sa figure depuis ce jour-là. Et je dois direfranchement que je ne m’en souciais guère, tant elle m’a paru peuaimable.

Tandis que Béatrice parlait, sœur Olivia, quis’était levée à demi de son siège, la considérait avec une grandeattention.

– Assurément je connais cette voix, ditla religieuse vivement émue, quoique je ne reconnaisse pas bien lestraits. Est-ce elle ? Est-il possible ? Est-ce BéatriceOlca à qui je parle après tant d’années ?

Béatrice répondit avec une égalesurprise :

– Oui, c’est moi, madame, vous dites bienmon nom. Mais, vous, qui donc êtes-vous ?

La vieille femme, en parlant ainsi, tenait lesyeux attachés sur sœur Olivia. L’étonnement et l’effroi sepeignaient sur ses traits, cependant que le visage de la religieusechangeait d’expression à chaque instant et que les paroles prêtes àsortir expiraient sur ses lèvres tremblantes.

– Ah ! s’écria Béatrice, mes yeux metrompent-ils ? Quelle étrange ressemblance, sainteVierge ! J’ai peine à me soutenir…

Sœur Olivia, qui s’était tournée vers Elena etla regardait fixement, parut en proie à un sentiment profond, commesi elle hésitait entre un doute ou une espérance. Montrant la jeunefille, elle murmura d’une voix sourde et à peinearticulée :

– Béatrice, je vous en conjure, dites-moisi elle est… si c’est elle qui…

Et elle ne put achever.

Béatrice, occupée à la considérer, s’écria aulieu de lui répondre :

– Madame la comtesse ! Oui, c’estvous ! C’est bien vous ! Au nom du ciel, madame, commentêtes-vous ici ? Oh ! quelle joie vous avez dû éprouver àvous retrouver l’une près de l’autre !

Elena cherchait le sens de ces paroles, quandelle se sentit pressée contre le sein de la religieuse qui lesavait mieux comprises et qui l’entourait de ses bras tremblants.Cela qui la déroutait un peu excita l’étonnement de Béatrice.

– Est-il possible, dit-elle, que vous nevous soyez pas encore reconnues ?

– Mais, mon Dieu, de quellereconnaissance, parle-t-elle ? dit la jeune fille à sœurOlivia. Déjà, il y a peu de temps que j’ai retrouvé mon père… Maisvous ! Ah ! dites-moi de quel nom je dois vousappeler !

L’étonnement suspendit les émotions de sœurOlivia, tandis qu’Elena, confuse d’avoir trahi le secret deSchedoni, gardait un silence embarrassé. Mais la religieuse,passant de la surprise à l’expression d’une profonde douleur, dit àElena en la tenant embrassée :

– Votre père, dites-vous ? Non, monenfant, non, votre père n’est plus.

Elena, au comble de la stupeur, cessa derendre à sœur Olivia ses caresses. Elle la considérait d’un airégaré et murmura, enfin, comme si elle sortait d’unsonge :

– Ai-je bien compris ? Ai-je bien maraison ? Est-ce donc ma mère que je vois ?

– Oui, répondit sœur Olivia d’un accentsolennel. Oui, c’est ta mère et sa bénédiction est avectoi !

Elena tomba dans les bras de sa mère quis’efforça de calmer son agitation, quoique dominée elle-même parmille émotions nouvelles. Longtemps elles ne purent l’une etl’autre s’exprimer que par des mots entrecoupés et par des larmesde tendresse et de joie. Enfin sœur Olivia, redevenue maîtressed’elle-même, demanda des nouvelles de sa sœur, la signora Bianchi.Le silence et les pleurs d’Elena lui répondirent. Sœur Olivia,vivement affectée de cette nouvelle, avoua qu’elle s’y attendaitn’ayant reçu aucune réponse de sa sœur à la lettre où elle luiannonçait sa prochaine arrivée au couvent de la Pietà.

– Hélas, dit Béatrice, je m’étonne quemadame l’abbesse ne vous ait pas appris cette triste nouvelle. Ellela savait bien, car ma pauvre maîtresse est enterrée dans sonéglise. Quant à la lettre, je l’ai apportée ici pour la remettre àla signora Elena.

– Madame l’abbesse, répondit sœur Olivia,n’est pas instruite de notre parenté, et j’ai des raisons pour lalui cacher encore quelque temps. Vous-même, ma chère enfant, vousne devez être ici que mon amie jusqu’à ce que j’aie fait quelquesrecherches dont dépend ma tranquillité.

Sœur Olivia pressa ensuite Elena d’expliquerles paroles qui lui étaient échappées sur la découverte qu’elleaurait faite de son père, et mit ainsi la jeune fille dans unegrande perplexité. Elena en avait déjà trop dit pour garder lesecret que Schedoni avait exigé d’elle ; elle vit bien qu’ilfallait donner à sœur Olivia une explication complète. Dès queBéatrice se fut retirée, elle répéta ce qu’elle avait dit, c’estque son père vivait encore. Et comme sœur Olivia stupéfaiterépondait par le récit des derniers moments du comte de Bruno, sonépoux, Elena, pour la convaincre, rappela quelques circonstances desa dernière entrevue avec Schedoni et prit dans un tiroir leportrait qu’il lui avait dit être le sien. Mais sœur Olivia y eut àpeine jeté un coup d’œil qu’elle pâlit et tomba sansconnaissance.

Les soins empressés de sa fille lui rendirentbientôt l’usage de ses sens, et elle demanda à revoir le portrait.Elena, qui attribuait cet évanouissement au saisissement de lasurprise et de la joie, lui remit l’image sous les yeux, enl’assurant de nouveau, non seulement que le comte vivait, maisencore qu’il était à Naples et qu’elle le reverrait sans douteavant la fin de la journée. Car, dit-elle, elle avait envoyé unmessager à son père pour le conjurer de venir sur-le-champ afin dejouir du bonheur de se retrouver en famille.

En annonçant à sa mère la prochaine arrivée deSchedoni, Elena s’attendait à voir sur la physionomie de celle-ciune expression de joie et de tendresse ; quel ne fut pas sonétonnement quand elle n’y lut que le désespoir et l’effroi etqu’elle entendit sa mère s’écrier avec épouvante :

– S’il me voit, je suis perdue !Ah ! malheureuse Elena, ton imprudence me sera fatale. Ceportrait n’est pas celui du comte de Bruno, mon mari et tonpère ; c’est celui de son frère Marinella, l’homme cruelqui…

Elle s’arrêta, craignant d’en avoir tropdit ; mais Elena, que la surprise avait d’abord rendue muette,la pressa de lui expliquer la cause de son désespoir.

– J’ignore, dit sœur Olivia, comment ceportrait est tombé entre tes mains ; mais, encore une fois,c’est celui du comte Ferando de Marinella, frère de mon époux etmon…

Elle voulait dire : « et mon secondmari ». Mais ce mot ne put sortir de sa bouche.

– Je ne saurais, continua-t-elle, en diredavantage en ce moment. Ce qu’il faut d’abord, c’est trouver unmoyen d’éviter l’entrevue que tu m’as ménagée et cacher à cethomme, s’il est possible, que j’existe encore.

Comme elle achevait ces mots, le messagerrevint avec la lettre. Le père Schedoni, lui avait-on dit, était enpèlerinage, prétexte que les moines de Spirito Santo donnaient àson absence pour sauver l’honneur de leur couvent et cacher sonarrestation. Sœur Olivia, affranchie de ses craintes, promit àElena de lui donner des détails sur sa famille. Mais ce ne futqu’au bout de quelques jours qu’elle se trouva assez maîtressed’elle-même pour rassembler tous ses souvenirs. La première partiede son récit concordait parfaitement avec la déposition du pèreAnsaldo ; mais ce qui va suivre n’était connu que d’elle-même,de sa sœur, la signora Bianchi, d’un médecin et d’un domestique deconfiance qui l’avait aidée dans l’exécution de son plan.

On a vu plus haut que le comte Ferando deMarinella, devenu comte de Bruno par le meurtre de son frère, avaitfui aussitôt après celui de sa femme. La malheureuse comtesse,privée de sentiment, fut transportée dans sa chambre. Là, onreconnut que sa blessure n’était pas mortelle ; mais l’atroceattentat dont elle venait d’être victime la décida à profiter del’absence de son mari pour se soustraire à sa tyrannie, sans ledénoncer à la justice et sans couvrir d’infamie le nom qu’elleavait deux fois porté. Elle quitta sa demeure pour toujours, avecl’aide des trois personnes désignées plus haut, et se retira dansune partie reculée du royaume de Naples, au couvent de San Stefano,tandis qu’on lui faisait des funérailles magnifiques. La signoraBianchi, après la fuite de sa sœur, vint habiter quelque temps dansune maison qu’elle possédait assez près du couvent, avec la fillede la comtesse et du premier comte de Bruno et une autre fille, néedu second mariage de sa sœur avec Marinella. À cette époque, Elenaétait âgée de deux ans et l’autre enfant encore au berceau.Celle-ci mourut dans l’année. C’était elle que Schedoni avait cruretrouver dans Elena. Car forcé de se cacher aux yeux de la signoraBianchi, il avait ignoré la mort de sa fille, et son erreur futconfirmée lorsque Elena lui dit que le portrait qu’elle avait surelle était celui de son père. Elle avait trouvé cette miniaturedans le cabinet de sa tante, peu de temps après la mort de cettedernière ; et, voyant au dos du portrait le nom du comte deBruno, elle l’avait porté constamment depuis ce jour avec le pieuxrespect de la tendresse filiale.

La signora Bianchi, en apprenant à Elena lesecret de sa naissance, ne pouvait, sans manquer de prudence, luirévéler que sa mère vivait encore. C’était là ce qu’elle voulaitlui apprendre à ses derniers moments ; mais la soudaineté desa mort avait prévenu cette explication.

Ferando de Marinella, depuis la mort de sonfrère et jusqu’à l’assassinat de la comtesse, avait vu s’accroîtreencore le désordre de ses affaires, de sorte qu’après sa fuite, lesrevenus des débris de son patrimoine furent saisis par sescréanciers. C’est ainsi qu’Elena se trouva complètement à la chargede sa tante dont la fortune modique avait déjà été ébréchée par ladot payée pour sa sœur au couvent de San Stefano et parl’acquisition de la villa Altieri.

Devenue sœur Olivia et consacrant sa vie auxpratiques de la religion, la comtesse avait passé assezpaisiblement les premières années de sa retraite, malgré lesregrets que causait à sa tendresse maternelle la privation descaresses de sa fille. Elle entretenait cependant une correspondanceavec sa sœur, et elle y puisait quelque consolation, jusqu’au jouroù le silence de la signora Bianchi lui causa de cruelles larmes.Plus tard, lorsqu’elle vit Elena au couvent de San Stefano, ellefut frappée d’une certaine ressemblance entre cette jeune fille etson premier mari ; mais comment supposer, vu les circonstancesdont s’accompagnaient cette rencontre, que cette étrangère pût êtresa fille ? Le surnom de Rosalba avait aussi donné le change àses idées. Que se fût-il passé dans son âme si on lui eût dit quesa généreuse pitié pour une inconnue deviendrait le salut de sapropre fille !… car il est digne de remarque que les vertus desœur Olivia, inspirées par l’humanité, l’avaient portée à protégersans le savoir la liberté et la vie de son enfant, tandis que lesvices de Schedoni l’avaient poussé aussi sans qu’il le sût à fairepérir sa nièce ; si bien que le ciel semblait faire tourner autriomphe de l’une et à la confusion de l’autre les moyens que tousdeux employaient aveuglément, suivant que ces moyens étaientgénéreux ou pervers.

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