Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 14LA SONNETTE !

Elle n’en avait pas l’habitude, mais pourcette fois, comme Justin son homme en était, elle ne refusa pas.Elle eut même beaucoup de plaisir parce qu’on l’attifa d’une de cesdrôles de robes, à longs voiles bleus, avec des machins blancs aubout des manches, ce qui lui donna, tout de suite, un air degouvernante anglaise. Seulement, son fessard, ce qu’il serraitlà-dedans !

Elle comprise, ils étaient cinq : Justin,son homme, François l’Allumette, Kiki le Boiteux, Gros Jules.D’Artagnan avait promis de venir. Au dernier moment, il envoya samôme : qu’il était malade. Tant mieux, elle ne l’aimait pascelui-là. Ils partirent aussitôt. Il s’agissait d’aller loin, àl’autre bout de Londres, où sont les maisons tranquilles, avec unjardin sur le devant, et des feuillages, tout plein, le long desfaçades.

Comme de juste, ils ne marchèrent pas engroupe. Gros Jules fila devant avec les sacs : les autres, lesmains vides et les poches si plates qu’on n’aurait pas su dire cequ’elles portaient. À cause de son carnaval, Zonzon dut marcherseule. Ils se rejoignirent d’ailleurs plus loin, dans le mêmeomnibus, mais sans se reconnaître. Même que Zonzon faillit gâtertout, tant elle les fit pouffer, avec ses mines d’Anglaise dégoûtéede se trouver avec des gens de leur sorte.

Aussitôt arrivés, ils redevinrent sérieux. Illeur restait une demi-heure ; ils ne firent pas comme cesmaladroits qui se dénoncent en rôdant, par les rues, avantl’ouvrage. Ils savaient ce qu’ils voulaient. Ils avaient toutprévu. Ils s’étaient entendus avec Louis-le-Cocher, un anciencopain, dont la voiture passerait les prendre la demie après une,pas plus tôt, pas plus tard. En attendant, ils se dispersèrent, leshommes, par deux, dans des tavernes, Zonzon de nouveau seule et àla rue. Le temps lui parut long : les gens avaient l’air de sedire :

– Que fait donc, si tard, cettegouvernante ?

À minuit, ils se retrouvèrent. Ils avaient uneheure et demie, juste le compte. Tout se passa comme ils l’avaientprévu. La maison était vide. On n’entendit pas de chien. Grâce àleurs serrures de sûreté, les portes s’ouvrirent, pour ainsi dire,d’elles-mêmes.

Eux là-dedans, Zonzon dut veiller au dehors.On lui avait expliqué : elle n’avait qu’à se promener, voir sipersonne n’arrivait et, au besoin, comme une domestique qui sedépêche, sonner une fois s’il venait un agent, deux fois pour deuxagents, tout un carillon, s’il en survenait plusieurs. Le reste,filer ou se défendre, ça regardait les hommes.

Elle eut tout le temps de se dire :

– Merde, merde, ce que jem’emmerde !

Dans ces rues, passé minuit, il ne passejamais personne. Il ne passe qu’un type ; elle crut un instanten tirer son profit pour s’occuper : c’eût été drôle, mais cen’était pas le moment.

La demie après une, en même temps ques’amenait la voiture, un gros sac silencieux sortit sur un dosd’homme, puis un deuxième, puis encore deux : chacun avec lesien. Après il en vint un cinquième qu’ils durent traîner à quatretant il était lourd. Ils avaient calculé juste : les tiroirss’étaient gentiment ouverts, l’argenterie se trouvait en place et,pour le coffre-fort, il n’avait pas fait plus de manière qu’il nesied à un honnête coffre-fort de bourgeois.

Les femmes, ça n’est jamais sérieux :pour que ce fût tout à fait chic, Louis avait attelé sa plus bellevoiture et mis sa livrée de gala. Les colis en place, ils allaients’embarquer, quand Zonzon, dont les doigts s’étaient enragés à nerien faire, voulut de toute force faire quelque chose. Elledit :

– Zut ! je vas sonner à l’agent.

Ils pensaient à la retenir qu’elle filaitdéjà. Elle tira un gros coup ; puis un autre, puis tout uncarillon, et avec tant de force que des fenêtres auraient pus’ouvrir.

Quand même, grâce aux chevaux, on détala àpoint. Avant le jour, ils étaient au cercle pour se partager lesballots. En plus de sa part, Zonzon reçut, en cadeau, un lot dechemises que Justin avait réservées pour elle. Ils furent tousd’accord : malgré la sonnette, elle leur avait rendu un fameuxservice.

Ce jour-là, tant il était content, son homme,au dodo, lui apprit quelque chose qu’elle n’avait jamais su.

Cela n’avait aucun rapport : ilsappelèrent cela : « Sonner à l’agent. »

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