Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 27L’HOPITAL

En ce temps, est-ce bien sûr, que Zonzon setrouvât dans un lit ? Elle était une petite fille ; unméchant homme la tourmenta avec un fer dans son ventre : illui donnait aussi d’un marteau sur la tête. Elle était trop faible,elle ne pouvait crier. Elle criait « Maman ». Celasonnait « Mâmâ » dur comme une trompette dans sesoreilles.

Plus tard elle comprit. Elle était malade.Oh ! rien de sale. La vérole c’est une invention pour effrayerles types : une péritonite, qu’avait dit le docteur.

C’était un bel hôpital où l’on pouvaitaller : il suffisait d’être Française. Il y avait de vraiessœurs. Il y avait aussi d’autres malades, toutes dans des lits. Lesien se trouvait le dernier, au fond de la salle.

Est-ce peut-être que, d’avoir mal, cela vouschange ? Bien sûr qu’elle était Zonzon ;

et, pourtant, on l’eût bien étonnée à lui direque le derrière, qu’on ne lui voyait pas sous cette chemise, étaitle derrière de Zonzon. Elle ne savait plus se tenir sur ses jambes.Elle avait besoin de Ma Sœur pour faire pipi. Et puis, il faisaitdoux dans cette salle. Cette salle était blanche. On avait mis àZonzon un petit bonnet de béguine ; ce bonnet aussi étaitblanc ; sa figure, ses mains, aussi étaient blanches et commece bonnet, comme sa figure, comme tout dans cette salle, il y avaitquelque chose de blanc dans le cœur de Zonzon.

Une fois elle s’était fâchée :« Merde ! » Maintenant elle ne pensait plus :« Merde ».

Elle ne savait plus qu’on rage. Elles’amusait, dans son lit, à regarder les fleurs, et quand Ma Sœurarrivait avec sa tasse, blanche dans sa chemise, blanche sous sonbonnet, blanche dans son sourire, Zonzon disait :

– Merci, Ma Sœur.

Elle se souvenait à présent. Quand l’homme latourmentait, des mains s’approchaient avec de la glace. C’était MaSœur : des mains douces, des mains fraîches pour guérir ;vraiment, des mains de Ma Sœur. Elle en aimait jusqu’au bon Dieuqui rend si douces les mains de Ma Sœur.

Petit homme venait. Un bonheur que ce futValère. D’avoir logé dans de la fourrure cela vous rend un petithomme plus moelleux pour visiter sa Zonzon qui est malade.

Elle le voyait avec d’autres yeux et luiaussi, parce qu’elle avait mal, il la voyait avec d’autres yeux. Ilne donnait pas du talon, comme on marche à la rue. Il avait peur dubruit, dans cette salle où Zonzon était malade, et s’il avançait endouceur, pas à pas, sur les pointes, ce n’est pas vrai qu’il eûtappris à marcher ainsi dans les vestibules, où l’on trouve à serrerla gorge aux vieilles dames. Elle le regardait venir, elle letrouvait joli parce qu’à se retenir, il poussait, par la bouche, unpetit bout de langue ; elle pensait :

– Voici mon petit pigeon quiarrive !

– Ma Zonzon !

Bon Dieu ! autrefois il ne l’embrassaitpas ainsi. Il appuyait sur le front, comme s’il suçait une bonneorange. Après, il devenait tout chose. Il la regardait et sonbonnet. Il la touchait pour savoir si c’était elle. Il demandaitC’est-y qu’on peut s’asseoir ?

– Mais oui, mon petit pigeon.

Il l’arrangeait :

– C’est-y que t’es bien ma Zonzon ?Faut-y pas que je te lève un peu ton oreiller ?

– Mais oui, mon petit pigeon.

Il racontait ses histoires : toujours lesmêmes :

– Tu sais, je t’attends.

– Mon pauv’petit pigeon.

Elle était si sage qu’elle ne se doutait pasqu’une femme pût être jalouse.

Ma Sœur survenait. Ma Sœur avaitdit :

– Il est convenable, monsieur votrefrère.

Il se levait les yeux baissés et tournait sacasquette. Lui aussi, il avait quelque chose de blanc dans le cœur.Il aurait voulu toucher ces mains qui faisaient doux à Zonzon. Lesbananes qu’il apportait, il les chipait tout exprès pour faireplaisir à Ma Sœur.

– Maintenant, disait-il, il faut que jeparte.

« Au revoir, Zonzon », ill’embrassait. « Zonzon, j’ai oublié de te dire », il serasseyait. Il revenait : « Zonzon, c’est-y pas desoranges que tu préfères ». Il revenait encore : « …ou plutôt du raisin ». « Au revoir, au revoir,Zonzon », il se tournait, il se tournait, et quand, après laporte, elle ne le voyait plus, elle savait bien qu’au bout ducouloir, il reviendrait : « Au revoir… au revoirZonzon…

au revoir… »

Son pauv’petit pigeon.

Un jour elle était déjà un peu rose :

– Petit Pigeon, je reviendraibientôt.

– Quand, Zonzon ? Quand ?

– Bientôt.

Elle voulait en faire une surprise.

Ce fut un jeudi.

Adieu petit bonnet ! Adieu petitechemise ! Merci… merci, ma sœur ! Voilà le châle deZonzon. Voici la jupe à Zonzon. Voici, avec ses poches, le tablierde la Zonzon.

Sa chair, en dessous, était à neuf, commelavée d’avoir eu mal dans son ventre. Elle en gardait l’étrennepour son P’tit homme. C’était le soir… Le soir il passe des types…Il en passa un…

Après, elle fut bien triste…

Elle n’en dit rien à P’tit homme. Il nel’attendait pas. Il sursauta :

– Oh ! Zonzon !

Il était devant le feu, avec ses mains. Ildit :

– Tu vois, c’est comme ça quej’étais.

– Oui, petit homme.

Elle voulut se mettre bien vite au dodo. Ilétait content de ravoir sa Zonzon. Avec son corps, il se coula toutdu long.

– C’est toi… toi, Zonzon !

Elle lui passa les bras. Elle pensait àl’hôpital, où toutes les choses sont blanches.

Elle dit :

– Petit homme ! Si qu’on était,comme ça, nous deux ensemble, malades.

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