Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 8LE DOCTEUR

Elle ne s’y trompa pas. Il avait la cravateblanche et cet air qu’ils se donnent pour en faire accroire auxmalades. Il puait d’ailleurs l’iodoforme : elle connaissaitcela depuis la balafre qu’elle avait à son ventre.

Il parlait un français aussi beau que celui deZonzon. Il dit :

– On fera ça chez moi, petite.

– Ça me botte.

Il la mena dans son cabinet, une grande pièceavec des fioles, des tables, les outils qu’il faut pour lemétier.

Là aussi cela puait l’iodoforme. Il s’allanettoyer les mains. Ce n’était pas l’heure des visites, ildit :

– Nous avons le temps ; petite,déshabille-toi.

Pour Zonzon, ce n’était jamais long :trois agrafes au corsage, deux à la jupe, là-dessous la chemise,puis la peau. Il n’avait pas eu le temps de se sécher les pattes.Elle demanda :

– Où c’est-y qu’est ton lit que je m’yfourre ?

– Monte là-dessus, répondit-il.

« Là-dessus », c’était un de cesfauteuils où l’on bascule les femmes quand il s’agit de lesvérifier à l’intérieur.

– Mon vieux, dit-elle, je suis pasdouillette : mais je préfère des draps. Y m’dégoûte, tonfauteuil.

– Patience, fit-il, faut d’abord que jet’examine.

Elle ouvrit des yeux !

– Que je t’examine ! C’est-y quej’te parais sale ? Des fois ! Je m’suis lavée aujourd’huiet plus d’une. Si tu crois que t’es le premier !

– Non, dit le type, je vois bien :tu es propre. Tu as la peau fameusement blanche. Mais tu comprends,je suis médecin, je veux voir si tu n’as rien de mauvais, c’estplus sûr.

Du mauvais en Zonzon ! c’était bien lapremière fois. Elle se fâcha :

– Dis donc. C’est-y de l’amour que tuveux ?

– Bien sûr, fit le type.

– Alors, marche de confiance. Dirait-onpas que j’ai la vérole ? Et toi, si je te fichais sur tabascule ?

– Si tu veux, dit le type ; moi,avec les femmes, je commence toujours par là. Si tu préfèresfiler…

– Vrai, grogna Zonzon, pour un Angliche,tu parles bien, mais t’es pas chic.

Quand même elle fit, comme si elle avaitpensé :

– Après tout, je m’en fiche !

Elle s’installa sur le fauteuil. Elle s’y miten rigolade : à genoux, en donnant du fessard :

– C’est-y comme ça ?

– Non, fit-il, d’abord la bouche.

Il avait prit sa tête de carabin qui se gobe.Elle se tourna sur le dos, ouvrant toute grande la bouche. Ilregarda là-dedans.

– Bien. Voyons la suite.

Il bougea quelque chose et Zonzon tout à coupse trouva plus bas de la tête que du reste. On a toutes passé parlà. Elle dit :

– Tu sais, mon vieux, faudra pas que tum’chatouilles.

Mais il ne riait plus. Il s’était passé uneblouse de toile, il se versa d’une fiole, il s’en frotta les doigtspuis les promena sur toutes les places, comme si vraiment elleétait pourrie. Elle s’y attendait : il donna droit du nez surun petit bouton qu’elle avait sur la cuisse : c’était denaissance. Elle blagua :

– Si ça t’intéresse : sur l’autre,il y a le frère.

L’idiot, il y alla. Après il vint avec l’outilà miroir qu’ils ont pour explorer le fond des femmes. Elle fit labête, elle cria :

– Aïe ! aïe ! quoic’est-y ?

– Un specouloum, dit-il.

Elle rit parce qu’en France on disait :un « speculhomme ».

Il resta un long moment, l’œil collé, àchercher :

– Dis donc, fit-elle, c’est-y par là quetu crois découvrir l’Amérique ?

Cette fois il se mit à rire. Il avait fini. Ilcommençait à s’allumer. Elle se leva en jouant du fessard, pourl’allumer davantage. Il en voyait plus que tantôt auspécouloum ! Il s’alla d’abord laver les mains :

– Maintenant, ma chérie, tant que tuvoudras, on pourra s’embrasser.

C’est là qu’elle l’attendait. Zonzon savaitautre chose que dire : merde. Elle le laissa d’abord sortir desa chemise :

– Alors, demanda-t-elle, t’as bien vu,j’suis saine de partout ?

– Bien sûr. Tu peux être tranquille.Viens.

– Oui mais, t’es sûr ? Pas deboutons ? Pas de plaques ?

– Rien, fit-il. Mais viens donc.

– En ce cas, répondit Zonzon, je vousremercie, docteur. Vous m’enverrez la note.

Et vite dans sa robe.

Le soir, elle raconta l’histoire à Petithomme. C’était Justin. Il dit :

– T’as bien fait.

Elle avait fait mieux que bien.

– Regarde.

Elle montra le specouloum. Par blague, ilsl’essayèrent.

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