Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 18LE CHAT

Mon chat ! cria Zonzon.

Quand Zonzon avait dit : « Monchat », on savait bien lequel, mais on faisait mine de s’yméprendre :

– Oui ! oui ! Zonzon, tonchat…

Et elle rageait.

Pourtant, cette fois, on n’eût pas besoin deblaguer. Elle bouillait d’avance. Elle avertit :

– Le premier qui rigole, à cause deGustave, je lui tords la gueule.

Qu’un chat s’appelât Gustave, c’était déjàcurieux. Pour celui de Zonzon, ce l’était plus, car, à l’examinerde près, Gustave aurait pu s’appeler Augustine. Elle aimait bienson Gustave ! Elle l’avait amené d’en France. Sur le bateau, àcause des gabelous, elle avait dû le cacher sous sa jupe. Mêmequ’aux premiers mois, elle avait pu montrer, où les cuisses setouchent, cinq marques très rouges que Gustave n’y avaitcertainement pas mises avec sa langue.

Alors ce qui l’enrageait, c’est que tantôt, enrentrant, Gustave qu’elle avait laissé en édredon au pied du lit,ni au pied du lit, ni en dessous, ni nulle part, elle n’avait plusretrouvé son Gustave.

François était son homme. Il n’était pas là.Mais il y avait Valère qui l’aimait toujours bien. Ildit :

– Alors, Zonzon, ton chat, c’est-y qu’ila filé ?

– Non, fit Zonzon.

– Alors c’est-y qu’il a sauté par lafenêtre ?

– Non, fit Zonzon.

– Alors c’est-y qu’il s’a faufilé entretes jambes ?

– Non, fit Zonzon.

– Alors ?…

– Alors, déclara Zonzon, celui qui me l’apris, je l’emmerderai dans la gueule.

Puis elle partit.

Croire qu’à travers une porte, on vous prendun Gustave, ce sont des lubies de Zonzon ! Et pourtant, oui.Le lendemain, en rentrant, elle retrouva son Gustave, cloué sur laporte, ou plutôt ce n’était plus Gustave : ce n’était que sapeau, avec les quatre pattes et la tête qu’on avait laisséesaprès.

François son homme l’accompagnait ; cequ’elle pensa, il n’en aurait rien pu voir. Il crut :

– Zut ! ce qu’elle va en faire deshistoires !

Et pas du tout. Elle ne sacra même pas. Elledécrocha le peau, la retourna, regarda comment qu’on avait fait.Elle dit :

– Pas malin, c’est de la saleouvrage.

Le soir, quand elle revint au Cercle,on vit, tout de suite, que si elle n’avait pas oublié son Gustave,du moins, elle s’en fichait. Elle devait avoir bu pas mal de gin.Elle était rouge. Elle se tenait mal d’aplomb. Ellecommença :

– Dites donc, mon chat…

François n’avait rien dit. Ils rigolèrent,comme elle :

– Oui, oui, Zonzon ! Ton chat !C’est-y que tu l’as retrouvé, ton chat ?

Elle rit plus fort :

– Non, que j’vous dis. Et vous ne savezpas ce qu’on a fait de mon chat ?

Et eux, pour continuer la blague :

– Si, si, Zonzon ; on sait bien ceque l’on peut faire à ton chat.

Elle se tordit :

– Et c’est-y que vous voulez voir monchat ?

Et eux, encore plus fort :

– Oui, oui, Zonzon, oui, oui.

Ils crurent vraiment qu’elle allait. Elle setroussa, attrapa quelque chose et vlan ! avec sa tête et sespattes leur lança la peau de son chat.

Mince de fourrure ! Ce n’était pas cellequ’ils attendaient. Elle dut s’asseoir tant elle riait. Elledit :

– C’est pas un de vous qui arrangerait simal mon pauvre chat ?

Ils éclatèrent encore :

– Oh ! non, Zonzon, ohnon !

– Non !

Elle fit, tout à coup, celle qui devientsérieuse. Elle les regarda l’un après l’autre : Valère, Louis,D’Artagnan… à leur brûler les yeux.

Puis elle pouffa.

Ce qui survint par la suite n’eut avec la mortde Gustave aucun rapport. Il se passa bien des choses. De François,elle eut le temps d’en revenir à Valère, le quitta, lui revint.Elle vécut ses huit jours chez le lord, Kiki mourut.

Un samedi soir, à la rue, son homme luidit :

– Tu sais, pour ce que nous ferons cettenuit, pas la peine : nous irons sans toi.

Elle savait quoi. Elle dit :

– Tant mieux.

Et Valère, en s’éloignant, eut le temps de lavoir qui aguichait son premier type.

Pour les hommes, l’affaire était simple :quelques broches, un peu d’argent, une vieille qu’il ne fallut mêmepas étourdir, puisqu’elle s’évanouit toute seule.

Ils étaient trois : Valère, l’Allumette,D’Artagnan qui, pour cette fois, avait tenu parole. Les paquets àla rue, Valère et l’Allumette attendaient quand ils s’avisèrent queD’Artagnan tardait bien à sortir. Ils rentrèrent et, dans levestibule, ils le trouvèrent, le nez sur les dalles, plus évanoui,s’il se peut, que la vieille. Il soufflait comme un cochon. Ilsl’emportèrent, comme ils purent. Ce ne fut que plus loin qu’ils luidécouvrirent, entre les côtes, un trou, juste assez près du cœurpour dire qu’on l’avait raté.

Que s’était-il passé ? Ils n’avaient rienvu, D’Artagnan non plus. Il s’en expliqua un peu : au momentde sortir, quelqu’un l’avait tiré par les jambes, couché par terre,frappé par tout le corps, puis piqué, sous les côtes, avec quelquechose de dur. Ce ne pouvait être la vieille. Alors qui ?

D’Artagnan chez lui, Valère et l’Allumetterevinrent au Cercle en parler aux amis. Zonzon lesattendait. Elle était contente ; elle venait de finir sonquatrième type, ce qui, pour une soirée, n’était pas mal.

Ils dirent :

– Ce n’est pas tout ça, Zonzon.Figure-toi…

Ils racontèrent leur histoire. Elle écouta.Mais elle n’aimait guère D’Artagnan ; peut-être pensait-elle àdes propres affaires. Elle répondit ce qu’on répond :

– C’est le chat…

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