Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 28DU BLANC AU NOIR

C’est-il que d’être sortie de l’hôpital çavous laisse une âme blanche ? Ils ne se reconnaissaient plus.Le Cercle ? Ils n’allaient plus au Cercle.Des types, il en fallait, mais tout juste. Et après :

– P’tit homme, disait Zonzon, si qu’onpouvait sans tous ceux-là vivre ensemble comme tout lemonde !

Et Valère, pourtant le Valère à serrer le couaux vieilles femmes :

– Tu ne sais pas, disait ce Valère,autrefois, j’avais une cousine, je l’adorais, l’innocente, parcequ’elle avait des yeux d’aveugle… depuis que t’es revenue, jet’aime un peu comme ça…

Il pouvait le dire : Il l’aimait fortcomme ça.

Un jour, il la mena où il eût mené cettecousine. Ils prirent le train. Il avait expliqué :

– Des roses, tu en verras…

Et c’était vrai ! D’où qu’ils venaient,où qu’ils allaient, on les voyait, ces roses ; là-bas, encoredes roses ; plus loin, rien qu’à flairer, hum ! ce seraittoujours des roses. À ne pas croire !

– P’tit homme, disait Zonzon :c’est-y donc vrai qu’il y ait par le monde tant de roses ?

– Tu vois, souriait Valère.

– On peut toucher ?

– Mais oui, touche.

Elle les touchait. Il y en avait ; onaurait dit une pomme ; d’autres, de mignonnes, comme unebouche d’enfant.

– Et celle-là, regarde Valère, tut’souviens à l’hôpital, la môme qui était si pâle : sa peauétait ainsi ; et c’t’autre, si tu penses à Ma Sœur, elle avaitles joues comme ça.

Elle ajoutait :

– Mon pauv’petit pigeon.

– Zonzon.

À cause des roses, il leur venait encore plusde blanc dans le cœur !

Dommage que de pareils jours aient un soir quivous chasse. Ils durent partir. Ce train qui vous prend, cestrottoirs qui puent, D’Artagnan qui vous croise, Londres, c’estl’enfer où l’on rentre. Zonzon marchait encore parmi ses roses.Elle fermait les yeux, comme la cousine.

– P’tit pigeon, je n’y vois pas : oùc’est-y que tu me mènes ?

Mais Valère serrait les dents :

– Ne blague pas, tu m’agaces.

– Je t’agace ? Pourquoi ?

Il ne savait pas ; il seplaignait :

– Ça m’a pris, dès la gare…

Plus loin, à cause d’un type, lui qui s’enfichait, il voulut qu’elle y allât.

Ce soir, elle eût préféré non. Il eut son œilmauvais :

– Vas-y donc !… J’rentre devant…

Elle y alla, il rentra devant.

Pendant ce temps, que se passa-t-il ?Elle n’avait pas été longue. Quand elle revint, Valère se tassaitsur une chaise, tout rouge, avec des yeux comme quand on va prendreau cou une vieille femme.

Elle dit, comme tous les jours :

– Bonsoir, petit pigeon.

Et lui, sautant debout :

– C’est pas ça que je veux.

Il la prit aux poignets : il serra tantqu’elle eut mal ; il mordit tant qu’elle saigna. Ilgrognait :

– Aussi t’es pas trop chiffe.

Chiffe ! Il n’eut pas besoin d’expliquer.Elle vit clair tout à coup. Être Zonzon, être Valère, on le reste…Du blanc d’hôpital, on est chiffe… Alors, merde, n’est-cepas ? Il l’avait d’ailleurs rendue furieuse. Elle redevint laZonzon, elle sortit des griffes, elle se rua. Ils se retrouvèrentce qu’ils étaient, nus et féroces, comme des bêtes.

Après il rit. Il soufflait un peu. Ilronronna :

– Zonzon, t’aimer comme ça, c’est commesi qu’on bouffait du sucre dans la gueule d’une lionne…

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer