Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 5LE ROI

En ce temps, Zonzon était la petite femme deJoseph qui fut pendu pour avoir écrabouillé la gueule à un flic.Elle arrivait toute neuve de Paris. Elle n’avait plus sa jaunisseet sans parler de François, il y avait à tourner après elle, legros Louis, dit Louis, le roi des Mecs.

Zonzon gobait les rois. On a beau, Françaisede France, cent fois avoir gueulé « Vive laRépublique ! », « Vive le Roi ! » vous aquelque chose de plus chaud dans le gosier et l’oreille. Un roi,c’est chic, un roi ça vous monte à cheval, un roi ça vous a ledroit de porter un revolver, et quand ça vous arrive à Paris, sansplus se gêner, ça vous colle ses fesses dans les carrosses de laRépublique. Un jour elle avait vu un roi, un vrai, un gaillard àpanache. Elle avait crié : « Vive le Roi ! »Elle s’était dit :

– V’là un béguin qu’on s’paierait pourl’honneur.

Louis, il est vrai, ne portait pas decouronne. Quand même, avec un homme moins jaloux que Joseph, lapremière fois qu’il daigna dire à Zonzon : « Ce qu’t’eschouette », elle eût répondu à sa manière :

– Sire, je suis, de votre Majesté, latrès humble servante.

En ce temps, Louis n’était pas le borgnetraîne-la-patte dont la béquille, un soir, après un mot de Zonzon,servit d’éteignoir à une lampe.

Solide, en maillot, une peau de chat autourdes reins, il jouait l’hercule sur les foires. Ses yeux bien à lui,il posait sur le sol des pieds à prendre largement leur place, enpieds de roi. Et s’il grisonnait, un peu, des rouflaquettes, c’estqu’à devenir roi chez des Mecs, il faut plus de poigne et, aussi,plus de temps que chez les peuples, où cela se fait de naissanceet, pour ainsi dire, dès avant le bidet.

Comment cela s’arrangea-t-il ? Zonzonn’aurait su le comprendre ; toujours est-il qu’un soir elle sefaufila dans un couloir, monta un escalier et seule pour seul,entra dans les appartements privés du roi.

C’était vers le ciel, très haut, à un sixièmeétage. Pour le moment, le Roi se trouvait sans reine et, parconséquent, sans galette. Il l’accueillit :

– Ce qu’on va rigoler, la môme !

Et Zonzon :

– C’est pas pour dire, mais y enaura !

Il y avait chez le Roi un lit, une table etpour le moins trois pieds de chaise.

– Sieds-toi là, dit le roi.

Il prit pour lui la table. Il trouva de quoiremplir deux verres. En levant le sien, il répéta :

– Ce qu’on va rigoler, la môme !

Et Zonzon :

– C’est pas pour dire : mais y enaura !

Ils commencèrent tout de suite. Il l’enleva àbout de bras, comme une haltère, la fit tourner, la planta sur sesgenoux. Et alors, avec ses doigts ce qu’elle toucha, ce fut lapoitrine d’un roi. Il l’embrassa et avec sa langue où elle entra,ce fut dans la bouche d’un roi. Il se mit nu et Zonzon, ledétaillant, put dire :

– Ce qu’avec mes yeux, je vois, c’est leventre d’un roi ; c’est les jambes d’un roi ; c’est, avecses ornements et ses attributs, dans ses poils et sa peau, le corpssuperbe d’un roi.

De tout ceci, avec ses mots, ellefit :

– Ce qu’t’es rien fort, mongros !

Et lui :

– C’est encore rien, attends voir ce quetu verras.

Il se mit dans le lit, il dit :

– Allons, la môme, amène taviande !

Et aussitôt avec tout ce que, dans les reins,la poitrine, dans les cuisses, elle avait de viande, elle fut dansl’étreinte du roi.

Merde ! ce que tantôt, elle emmerderaitson Roi !

Et c’est vrai : Louis la serra bien fort,il l’écrasa, il souffla, puis répéta :

– Attends voir.

Mais elle eut beau attendre voir, il vint unmoment où :

– Zut, ça ne vas pas, finit par déclarerle Roi.

Déçue ? Zonzon ne le dit pas. Mais ellen’aurait jamais cru que ce serait sur ce ton qu’ellecrierait : « Merde » dans la gueule d’un Roi.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer