Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 20LE VASE BRISÉ

Il y a des jours : qu’on mette sa main àdroite, qu’on mette sa main à gauche, c’est partout dans la merde.Ce matin, un beau vase qu’elle aimait, Zonzon voulait le changer deplace et vlan ! le vase s’ouvrait en six morceaux, parterre.

Cet après-midi, un type lui promet :

– Yes, je te donnerai six couronnes.

Et au lieu de six, il n’en lâche quetrois.

Et voilà qu’à l’instant, dans cette petiterue, pour aller au Cercle, elle rencontrait qui ? Cettevieille bique, ce sale chameau, cette putain à perruque de Betsyl’Angliche.

Zonzon, on s’en souvient, détestait Betsy.Depuis l’histoire du portefeuille surtout ! Et puis l’Anglicheétait trop maigre, maigre à dire que son derrière ressemblait plusà une assiette qu’à un véritable derrière. Si c’est pasdégoûtant ! Et puis pendant des mois, elle avait été la môme àD’Artagnan qui ne voulait pas de Zonzon, et puis elle avait desdents en toc, et puis s’il fallait dire tous les« pourquoi » on déteste les gens. Il y en avait unpourtant, mais celui-là, elle ne le disait guère : c’est qu’onlui avait dépiauté son Gustave et qu’on l’avait dépiauté justeaprès l’histoire du portefeuille, pendant le temps que cette garcevivait avec ce D’Artagnan qu’elle ne supportait pas.

Alors, après des semaines sans la voir, larencontrer un jour à merde, et dans cette ruelle où il y avait àpeine de la place pour une seule : mille dieux, son sang nefit qu’un tour.

Sale Angliche ! De près, elle lui parutencore plus maigre.

Zonzon se campa :

– C’est-y pour te fiche de moi que tu temets en travers de ma route ?

L’Anglaise ouvrit sa bouche toute remplie defausses dents :

– How ?

Quoi How ? Les mains de Zonzon partirenttoutes seules lui apprendre, par le cou, à répondre« how ». Elle serra une bonne fois.

– C’est-y, recommença Zonzon, pour tefiche de moi ?…

– No !

Quoi No ? Zonzon serra une nouvellefois :

– Alors, c’est-y pour te fiche demoi ?

Cette fois l’Anglaise, sans répondre, ouvritplus grande la bouche, ce qui rendit Zonzon encore plusfurieuse :

– Chameau, c’est-y à manger ton foin quet’as avalé ton râtelier ?

Et une fois pour les autres, ce que Zonzonavait sur le cœur, Zonzon le vomit par la gueule.

Sale Angliche ! Que c’était de sa fauteque Zonzon avait brisé son vase : vlan ! Zonzonl’étendait par terre comme ce vase.

Que c’était sans doute ce salaud de D’Artagnanqui l’avait rendue si plate… vlan, Zonzon lançait le poing où elleétait si plate…

Que c’était une honte de montrer aux gens unsi maigre derrière… vlan ! son pied dans ce derrière.

Et puis, qu’elle était une rosse… Et puisqu’elle était une sale bête… Et puis qu’elle savait bien quelquechose, que D’Artagnan avait eu son tour et que si elle ne foutaitle camp tout de suite, Zonzon l’emmerderait pour de bon à traverssa sale gueule.

Elle allait le faire.

Et voilà, tout à coup, à se laisser secouer, àêtre trop molle pour se défendre, l’Angliche, poussant un drôle de« How », se mit à tousser, puis cracha un de ces machinsrouges, comme en crachent les malades prêts à crever. Zonzon nes’attendait pas à cela. Elle examina Betsy. Elle comprit pourquoi,avec des joues si creuses, on a un derrière qui ressemble à uneassiette et quelque chose remua dans son cœur. Tant pis : àcause de Gustave, elle avait « un chameau » sur lalangue. Elle dut le sortir :

– Betsy, fit-elle, c’est moil’chameau !

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