Zonzon Pépette- Fille de Londres

Chapitre 22LE CANDIDAT

Il ressemblait à Kiki le Boiteux, mais en plusgrand, et il ne boitait pas. D’ailleurs, il était roux. Et puis ilportait une pelisse. Il dit :

– Bonsoir Zonzon.

Elle s’étonna :

– Tiens, c’est-y que tu m’connais.

– Mais oui, qu’il fit, et puis sais-tuque j’te gobe ?

– Y a moyen, dit Zonzon.

Ils allèrent. Il paya bien. Ce fut la premièrefois.

À la seconde, il avait un accroc dans sapelisse. Il semblait triste. Il dit :

– Bonsoir Zonzon.

Elle dit :

– Ah toi ! C’est que tur’viens ?

– Oui… non… qu’il fit. Je n’ai pas degalette.

– Alors zut.

Il la retint :

– Zonzon, fit-il, depuis l’temps que jete gobe… Alors comme ça, si parfois t’avais besoin d’un petithomme…

Elle se mit à rire. Elle le regarda dans sapelisse ; il avait aussi un chapeau.

Elle dit :

– T’es rien maboule ! Depuis quandc’est-y qu’on accouple à Zonzon une bête à fourrure. T’es de tonmonde ; moi du mien. Bonsoir.

– Bonsoir, qu’il fit.

À la troisième fois, il avait toujours sapelisse, mais plus de chapeau : une grosse casquette. Ilmarchait dégagé.

– Bonsoir Zonzon.

– Ah toi !

Elle sortait de l’hôtel : un type dontelle avait gardé la montre. Il cligna vers le haut :

– C’est-y que la place serait encorechaude ?

Elle répondit :

– Ça te dégoûte.

– Oh non, si c’est toi qui me la rendraplus chaude.

Il avait de la galette.

Dans la chambre il dit : « Vienstout près Zonzon ». Avec ses doigts, par-dessus la robe, il sepromenait partout. Puis il fit :

– Laisse-moi croire que je suis ton petithomme.

– Alors, ça te tient toujours ?

– Oh oui.

C’est vrai qu’il se dépensa en véritable petithomme, pas un brutal, comme il y en a, pas très fort non plus, maisdoux avec des caresses en chatouilles, plus à donner qu’à prendrele plaisir. Cela tombait bien : depuis huit jours elle étaitveuve. Elle roucoula :

– Chéri je t’em…

Ensuite elle dit :

– On croirait vraiment que tu t’y prendspour du vrai.

Il releva la tête :

– Peut-être bien, qu’il fit.

Après, elle voulut partir. Ilsupplia :

– Reste Zonzon. Laisse-moi croire uneminute que je suis ton petit homme. Tiens, comme ça ; mes brasà ton cou, ma joue ici. Et puis je vais un peu dormir.

Il s’arrangea, comme il l’avait dit. Presqueaussitôt il s’endormit. Vraiment oui, il était gentil, avec sa têtecomme d’un gosse sur sa poitrine. Tout de même cela l’ennuyait.Elle toussa pour voir s’il dormait, il ne bougea pas d’unepaupière. Alors ce fut plus fort que tout : elle dut se lever,pour faire un petit tour du côté de la pelisse.

Dans une poche à l’intérieur, elle ne trouvarien ; dans une autre, un peu de tabac ; dans latroisième elle sentit quelque chose : on aurait dit unemontre. Elle pensa : quelle drôle de place. Elleregarda : oui, c’était une montre. C’était même,pardieu ! la montre qu’elle avait chipée à l’autre type.

Elle marcha vers le lit.

– Sale voleur !

Elle vit ainsi qu’il ne dormait pas etpeut-être qu’il n’avait pas dormi du tout. Il la guettait, ilrigolait. Elle fit sauter les couvertures, il était nu là-dessous.Elle dit :

– Je ne sais pas pourquoi qu’tu rigoles,mais je t’dis que t’es un voleur.

Il rigola plus fort, il demanda :

– C’est bien vrai qu’tu dis que j’suis unvoleur ?

– Pour sûr, je te l’crie dans la gueule,tu es un voleur !

Il s’arrêta de rire, il tendit lesbras :

– Zonzon ! dit-il.

Il la regardait avec ses yeux de quand ilavait dit : Depuis l’temps que je te gobe.

Et Zonzon tout à coup devina quelque chose.Mais elle n’était pas sûre. Elle demanda :

– Allons, je ne me fâche pas, dis-moipourquoi qu’tu m’as volé cette montre ?

Il ne répond rien.

– Alors, c’est-y à cause de ce que j’t’aidit de ton monde ?

Il l’attendait toujours avec sesbras :

– Pour toi, fit-il, Zonzon.

Elle s’en doutait. Brave type ! Elle eutchaud dans son cœur. Elle était encore nue. Elle ressauta près delui :

– Et d’abord, reprends ta galette.

– Ma môme ! qu’il fit.

ce fut mieux que tantôt !

Le soir, Zonzon présenta son Petit Homme auCercle. Elle raconta l’histoire. Tout de même, volerZonzon, c’était habile. Il s’appelait Valère : on l’appela, jene sais pourquoi Valère-le-Juste.

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