Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII)

Chapitre 5LE MARTYRE

Latorture interroge et la douleur répond.

Les Templiers.

L’intérêt non suspendu de ce demi-procès, sonappareil et ses interruptions, tout avait tenu l’esprit public siattentif, que nulle conversation particulière n’avait pu s’engager.Quelques cris avaient été jetés, mais simultanément, mais sansqu’aucun spectateur se doutât des impressions de son voisin, oucherchât même à les deviner ou à communiquer les siennes.Cependant, lorsque le public fut abandonné à lui-même, il se fitcomme une explosion de paroles bruyantes. On distinguait plusieursvoix, dans ce chaos, qui dominaient le bruit général, comme unchant de trompettes domine la basse continue d’un orchestre.

Il y avait encore à cette époque assez desimplicité primitive dans les gens du peuple pour qu’ils fussentpersuadés par les mystérieuses fables des agents qui lestravaillaient, au point de n’oser porter un jugement d’aprèsl’évidence, et la plupart attendirent avec effroi la rentrée desjuges, se disant à demi-voix ces mots prononcés avec un certain airde mystère et d’importance qui sont ordinairement le cachet de lasottise craintive :

– On ne sait qu’en penser,monsieur ! – Vraiment, madame, voilà des chosesextraordinaires qui se passent !

– Nous vivons dans un temps biensingulier ? – Je me serais bien douté d’une partie de toutceci ; mais, ma foi, je n’aurais pas prononcé, et je ne leferais pas encore !

– Qui vivra verra, etc. ; discoursidiots de la foule, qui ne servent qu’à montrer qu’elle est aupremier qui la saisira fortement. Ceci était la basse continue,mais du côté du groupe noir on entendait d’autres choses : –Nous laisserons-nous faire ainsi ? Quoi ! pousserl’audace jusqu’à brûler notre lettre au Roi ! Si le Roi lesavait ! – Les barbares ! les imposteurs ! avecquelle adresse leur complot est formé ! le meurtres’accomplira-t-il sous nos yeux ? aurons-nous peur de cesarchers ? – Non, non, non. C’étaient les trompettes et ledessus de ce bruyant orchestre.

On remarquait le jeune avocat, qui, monté surun banc, commença par déchirer en mille pièces un cahier depapier ; ensuite élevant la voix : – Oui, s’écria-t-il,je déchire et jette au vent le plaidoyer que j’avais préparé enfaveur de l’accusé ; on a supprimé les débats : il nem’est pas permis de parler pour lui ; je ne peux parler qu’àvous, peuple, et je m’en applaudis ; vous avez vu ces jugesinfâmes : lequel peut encore entendre la vérité ? lequelest digne d’écouter l’homme de bien ? lequel osera soutenirson regard ? Que dis-je ? ils la connaissent toutentière, la vérité, ils la portent dans leur sein coupable ;elle ronge leur cœur comme un serpent ; ils tremblent dansleur repaire, où ils dévorent sans doute leur victime ; ilstremblent parce qu’ils ont entendu les cris de trois femmesabusées. Ah ! qu’allais-je faire ? j’allais parler pourUrbain Grandier ! Quelle éloquence eût égalé celle de cesinfortunées ? quelles paroles vous eussent fait mieux voir soninnocence ? Le ciel s’est armé pour lui en les appelant aurepentir et au dévouement, le ciel achèvera son ouvrage.

– Vade retro,Satanas ! prononcèrent des voix entendues par unefenêtre assez élevée.

Fournier s’interrompit un moment :

– Entendez-vous, reprit-il, ces voix quiparodient le langage divin ? Je suis bien trompé, ou cesinstruments d’un pouvoir infernal préparent par ce chant quelquenouveau maléfice.

– Mais, s’écrièrent tous ceux quil’entouraient, guidez-nous : que ferons-nous ? qu’ont-ilsfait de lui ?

– Restez ici, soyez immobiles, soyezsilencieux, répondit le jeune avocat : l’inertie d’un peupleest toute puissante, c’est là sa sagesse, c’est là sa force.Regardez en silence, et vous ferez trembler.

– Ils n’oseront sans doute pasreparaître, dit le comte du Lude.

– Je voudrais bien revoir ce grand coquinrouge, dit Grand-Ferré, qui n’avait rien perdu de tout ce qu’ilavait vu.

– Et ce bon monsieur le curé, murmura levieux père Guillaume Leroux en regardant tous ses enfants irritésqui se parlaient bas en mesurant et comptant les archers. Ils semoquaient même de leur habit, et commençaient à les montrer audoigt.

Cinq-Mars, toujours adossé au pilier derrièrelequel il s’était placé d’abord, toujours enveloppé dans sonmanteau noir, dévorait des yeux tout ce qui se passait, ne perdaitpas un mot de ce qu’on disait et remplissait son cœur de fiel etd’amertume ; de violents désirs de meurtre et de vengeance,une envie indéterminée de frapper, le saisissaient malgrélui : c’est la première impression que produise le mal surl’âme d’un jeune homme ; plus tard, la tristesse remplace lacolère ; plus tard, c’est l’indifférence et le mépris ;plus tard encore, une admiration calculée pour les grands scélératsqui ont réussi ; mais c’est lorsque, des deux éléments del’homme, la boue l’emporte sur l’âme.

Cependant, à droite de la salle, et près del’estrade élevée pour les juges, un groupe de femmes semblait fortoccupé à considérer un enfant d’environ huit ans, qui s’était aviséde monter sur une corniche à l’aide des bras de sa sœur Martine quenous avons vue plaisantée à toute outrance par le jeune soldatGrand-Ferré. Cet enfant, n’ayant plus rien à voir après la sortiedu tribunal, s’était élevé, à l’aide des pieds et des mains,jusqu’à une petite lucarne qui laissait passer une lumièretrès-faible, et qu’il pensa renfermer un nid d’hirondelles ouquelque autre trésor de son âge ; mais, quand il se fut bienétabli les deux pieds sur la corniche du mur et les mains attachéesaux barreaux d’une ancienne châsse de saint Jérôme, il eût vouluêtre bien loin et cria :

– Oh ! ma sœur, ma sœur, donne-moila main pour descendre !

– Qu’est-ce que tu vois donc ?s’écria Martine.

– Oh ! je n’ose pas le dire ;mais je veux descendre. Et il se mit à pleurer.

– Reste, reste, dirent toutes les femmes,reste, mon enfant, n’aie pas peur, et dis-nous bien ce que tuvois.

– Eh bien, c’est qu’on a couché le curéentre deux grandes planches qui lui serrent les jambes, et il y acordes autour des planches.

– Ah ! c’est la question, dit unhomme de la ville. Regarde bien, mon ami, que vois-tuencore ?

L’enfant, rassuré, se remit à la lucarne avecplus de confiance, et, retirant sa tête, il reprit :

– Je ne vois plus le curé, parce que tousles juges sont autour de lui à le regarder, et que leurs grandesrobes m’empêchent de voir. Il y a aussi des capucins qui sepenchent pour lui parler tout bas.

La curiosité assembla plus de monde aux piedsdu jeune garçon, et chacun fit silence, attendant avec anxiété sapremière parole, comme si la vie de tout le monde en eûtdépendu.

– Je vois, reprit-il, le bourreau quienfonce quatre morceaux de bois entre les cordes, après que lescapucins ont béni les marteaux et les clous… Ah ! monDieu ! ma sœur, comme ils ont l’air fâché contre lui, parcequ’il ne parle pas… Maman, maman, donne-moi la main, je veuxdescendre.

Au lieu de sa mère, l’enfant, en seretournant, ne vit plus que des visages mâles qui le regardaientavec avidité triste et lui faisaient signe de continuer. Il n’osapas descendre, et se remit à la fenêtre en tremblant.

– Oh ! je vois le père Lactance etle père Barré qui enfoncent eux-mêmes d’autres morceaux de bois quilui serrent les jambes. Oh ! comme il est pâle ! il al’air de prier Dieu ; mais voilà sa tête qui tombe en arrièrecomme s’il mourait. Ah ! ôtez-moi de là…

Et il tomba dans les bras du jeune avocat, deM. du Lude et de Cinq-Mars, qui s’étaient approchés pour lesoutenir.

– Deus stetitin synagoga deorum : inmedio autem Deus dijudicat…chantèrent des voix fortes et nasillardes qui sortaient de cettepetite fenêtre ; elles continuèrent longtemps un plain-chantde psaumes entrecoupé par des coups de marteau, ouvrage infernalqui marquait la mesure des chants célestes. On aurait pu se croireprès de l’antre d’un forgeron ; mais les coups étaient sourdset faisaient bien sentir que l’enclume était le corps d’unhomme.

– Silence ! dit Fournier, ilparle ; les chants et les coups s’interrompent.

Une faible voix en effet dit lentement :– Ô mes pères ! adoucissez la rigueur de vos tourments, carvous réduiriez mon âme au désespoir, et je chercherais à me donnerla mort.

Ici partit et s’élança jusqu’aux voûtesl’explosion des cris du peuple ; les hommes, furieux, sejettent sur l’estrade et l’emportent d’assaut sur les archersétonnés et hésitants ; la foule sans armes les pousse, lespresse, les étouffe contre les murs, et tient leurs bras sansmouvement ; ses flots se précipitent sur les portes quiconduisent à la chambre de la question, et, les faisant crier sousleur poids, menacent de les enfoncer ; l’injure retentit parmille voix formidables et va épouvanter les juges.

– Ils sont partis, ils l’ontemporté ! s’écrie un homme. Tout s’arrête aussitôt, et,changeant de direction, la foule s’enfuit de ce lieu détestable ets’écoule rapidement dans les rues. Une singulière confusion yrégnait.

La nuit était venue pendant la longue séance,et des torrents de pluie tombaient du ciel. L’obscurité étaiteffrayante ; les cris des femmes glissant sur le pavé ourepoussées par le pas des chevaux des gardes, les cris sourds etsimultanés des hommes rassemblés et furieux, le tintement continueldes cloches qui annonçaient le supplice avec les coups répétés del’agonie, les roulements d’un tonnerre lointain, tout s’unissaitpour le désordre. Si l’oreille était étonnée, les yeux ne l’étaientpas moins ; quelques torches funèbres allumées au coin desrues et jetant une lumière capricieuse montraient des gens armés età cheval qui passaient au galop en écrasant la foule : ilscouraient se réunir sur la place de Saint-Pierre ; des tuilesles frappaient quelquefois dans leur passage, mais, ne pouvantatteindre le coupable éloigné, ces tuiles tombaient sur le voisininnocent. La confusion était extrême, et devint plus grande encorelorsque, débouchant par toutes les rues sur cette place nomméeSaint-Pierre-le-Marché, le peuple la trouva barricadée de touscôtés et remplie de gardes à cheval et d’archers. Des charrettesliées aux bornes des rues en fermaient toutes les issues, et dessentinelles armées d’arquebuses étaient auprès. Sur le milieu de laplace s’élevait un bûcher composé de poutres énormes posées lesunes sur les autres de manière à former un carré parfait ; unbois plus blanc et plus léger les recouvrait ; un immensepoteau s’élevait au centre de cet échafaud. Un homme vêtu de rougeet tenant une torche baissée était debout près de cette sorte demât, qui s’apercevait de loin. Un réchaud énorme, recouvert de tôleà cause de la pluie, était à ses pieds.

À ce spectacle la terreur ramena partout unprofond silence ; pendant un instant on n’entendit plus que lebruit de la pluie qui tombait par torrents, et du tonnerre quis’approchait.

Cependant Cinq-Mars, accompagné de MM. duLude et Fournier, et de tous les personnages les plus importants,s’était mis à l’abri de l’orage sous le péristyle de l’église deSainte-Croix, élevée sur vingt degrés de pierre. Le bûcher était enface, et de cette hauteur on pouvait voir la place dans toute sonétendue. Elle était entièrement vide, et l’eau seule des largesruisseaux la traversait ; mais toutes les fenêtres des maisonss’éclairaient peu à peu, et faisaient ressortir en noir les têtesd’hommes et de femmes qui se pressaient aux balcons. Le jeuned’Effiat contemplait avec tristesse ce menaçant appareil ;élevé dans les sentiments d’honneur, et bien loin de toutes cesnoires pensées que la haine et l’ambition peuvent faire naître dansle cœur de l’homme, il ne comprenait pas que tant de mal pût êtrefait sans quelque motif puissant et secret ; l’audace d’unetelle condamnation lui sembla si incroyable, que sa cruauté mêmecommençait à la justifier à ses yeux ; une secrète horreur seglissa dans son âme, la même qui faisait taire le peuple ; iloublia presque l’intérêt que le malheureux Urbain lui avaitinspiré, pour chercher s’il n’était pas possible que quelqueintelligence secrète avec l’enfer eût justement provoqué de siexcessives rigueurs ; et les révélations publiques desreligieuses et les récits de son respectable gouverneurs’affaiblirent dans sa mémoire, tant le succès est puissant, mêmeaux yeux des êtres distingués ! tant la force en impose àl’homme, malgré la voix de sa conscience ! Le jeune voyageurse demandait déjà s’il n’était pas probable que la torture eûtarraché quelque monstrueux aveu à l’accusé, lorsque l’obscuritédans laquelle était l’église cessa tout à coup ; ses deuxgrandes portes s’ouvrirent, et à la lueur d’un nombre infini deflambeaux parurent tous les juges et les ecclésiastiques entourésde gardes ; au milieu d’eux s’avançait Urbain, soulevé ouplutôt porté par six hommes vêtus en pénitents noirs, car sesjambes unies et entourées de bandages ensanglantés semblaientrompues et incapables de le soutenir. Il y avait tout au plus deuxheures que Cinq-Mars ne l’avait vu, et cependant il eut peine àreconnaître la figure qu’il avait remarquée à l’audience :toute couleur, tout embonpoint en avaient disparu, une pâleurmortelle couvrait une peau jaune et luisante comme l’ivoire ;le sang paraissait avoir quitté toutes ses veines ; il nerestait de vie que dans ses yeux noirs, qui semblaient être devenusdeux fois plus grands, et dont il promenait les regardslanguissants autour de lui ; ses cheveux bruns étaient éparssur son cou et sur une chemise blanche qui le couvrait toutentier ; cette sorte de robe à larges manches avait une teintejaunâtre et portait avec elle une odeur de soufre ; une longueet forte corde entourait son cou et tombait sur son sein. Ilressemblait à un fantôme, mais à celui d’un martyr.

Urbain s’arrêta, ou plutôt fut arrêté sur lepéristyle de l’église : le capucin Lactance lui plaça dans lamain droite et y soutint une torche ardente, et lui dit avec unedureté inflexible : – Fais amende honorable, et demande pardonà Dieu de ton crime de magie.

Le malheureux éleva la voix avec peine, etdit, les yeux au ciel :

– Au nom du Dieu vivant, je t’ajourne àtrois ans, Laubardemont, juge prévaricateur ! On a éloigné monconfesseur, et j’ai été réduit à verser mes fautes dans le sein deDieu même, car mes ennemis m’entourent : j’en atteste ce Dieude miséricorde, je n’ai jamais été magicien ; je n’ai connu demystères que ceux de la religion catholique, apostolique etromaine, dans laquelle je meurs : j’ai beaucoup péché contremoi, mais jamais contre Dieu et Notre-Seigneur…

– N’achève pas ! s’écria le capucin,affectant de lui fermer la bouche avant qu’il prononçât le nom duSauveur ; misérable endurci, retourne au démon qui t’aenvoyé !

Il fit signe à quatre prêtres, qui,s’approchant avec des goupillons à la main, exorcisèrent l’air quele magicien respirait, la terre qu’il touchait et le bois quidevait le brûler. Pendant cette cérémonie, le lieutenant criminellut à la hâte l’arrêt, que l’on trouve encore dans les pièces de ceprocès, en date du 18 août 1639, déclarant UrbainGrandier dûment atteint etconvaincu du crime demagie, maléfice, possession, èspersonnes d’aucunes religieusesursulines de Loudun, etautres, séculiers, etc.

Le lecteur, ébloui par un éclair, s’arrêta uninstant, et, se tournant du côté de M. de Laubardemont,lui demanda si, vu le temps qu’il faisait, l’exécution ne pouvaitpas être remise au lendemain, celui-ci répondit :

– L’arrêt porte exécution dans lesvingt-quatre heures : ne craignez point ce peuple incrédule,il va être convaincu…

Tous les personnages les plus considérables etbeaucoup d’étrangers étaient sous le péristyle et s’avancèrent,Cinq-Mars parmi eux.

– Le magicien n’a jamais pu prononcer lenom du Sauveur et repousse son image.

Lactance sortit en ce moment du milieu despénitents, ayant dans sa main un énorme crucifix de fer qu’ilsemblait tenir avec précaution et respect ; il l’approcha deslèvres du patient, qui effectivement se jeta en arrière, et,réunissant toutes ses forces, fit un geste du bras qui fit tomberla croix des mains du capucin.

– Vous le voyez, s’écria celui-ci, il arenversé le crucifix !

Un murmure s’éleva dont le sens étaitincertain.

– Profanation ! s’écrièrent lesprêtres.

On s’avança vers le bûcher.

Cependant Cinq-Mars, se glissant derrière unpilier, avait tout observé d’un œil avide ; il vit avecétonnement que le crucifix, en tombant sur les degrés, plus exposéà la pluie que la plate-forme, avait fumé et produit le bruit duplomb fondu jeté dans l’eau. Pendant que l’attention publique seportait ailleurs, il s’avança et y porta une main qu’il sentitvivement brûlée. Saisi d’indignation et de toute la fureur d’uncœur loyal, il prend crucifix avec les plis de son manteau,s’avance vers Laubardemont, et le frappant au front :

– Scélérat, s’écrie-t-il, porte la marquede ce fer rougi !

La foule entend ce mot et se précipite.

– Arrêtez cet insensé ! dit en vainl’indigne magistrat.

Il était saisi lui-même par des mains d’hommequi criaient : – Justice ! au nom du Roi !

– Nous sommes perdus ! dit Lactance,au bûcher ! bûcher !

Les pénitents traînent Urbain vers la place,tandis que les juges et les archers rentrent dans l’église et sedébattent contre les citoyens furieux ; le bourreau, sansavoir le temps d’attacher la victime, se hâta de la coucher sur lebois et d’y mettre la flamme. Mais la pluie tombait par torrents,et chaque poutre à peine enflammée, s’éteignait en fumant. En vainLactance et les autres chanoines eux-mêmes excitaient le foyer,rien ne pouvait vaincre l’eau qui tombait du ciel.

Cependant le tumulte qui avait lieu aupéristyle de l’église s’était étendu tout autour de la place. Lecri de justice se répétait et circulait avec le récit dece qui s’était découvert ; deux barricades avaient étéforcées, et, malgré trois coups de fusil, les archers étaientrepoussés peu à peu vers le centre de la place. En vainfaisaient-ils bondir leurs chevaux dans la foule, elle les pressaitde ses flots croissants. Une demi-heure se passa dans cette lutte,où la garde reculait toujours vers le bûcher, qu’elle cachait en seresserrant.

– Avançons, avançons, disait un homme,nous le délivrerons ; ne frappez pas les soldats, mais qu’ilsreculent : voyez-vous, Dieu ne veut pas qu’il meure. Le bûchers’éteint ; amis, encore un effort. – Bien. – Renversez cecheval. – Poussez, précipitez-vous.

La garde était rompue et renversée de toutesparts, le peuple se jette en hurlant sur le bûcher ; maisaucune lumière n’y brillait plus : tout avait disparu, même lebourreau. On arrache, on disperse les planches : l’une d’ellesbrûlait encore, et sa lueur fit voir sous un amas de cendre et deboue sanglante une main noircie, préservée du feu par un énormebracelet de fer et une chaîne. Une femme eut le courage del’ouvrir ; les doigts serraient une petite croix d’ivoire etune image de sainte Madeleine.

– Voilà ses restes, dit-elle enpleurant.

– Dites les reliques du martyr, réponditun homme.

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