Contes divers 1883

Chapitre 16Une soirée

Maître Saval, notaire à Vernon, aimait passionnément la musique.Jeune encore, chauve déjà, rasé toujours avec soin, un peu gros,comme il sied, portant un pince-nez d’or au lieu des antiqueslunettes, actif, galant et joyeux, il passait dans Vernon pour unartiste. Il touchait du piano et jouait du violon, donnait dessoirées musicales où l’on interprétait les opéras nouveaux.

Il avait même ce qu’on appelle un filet de voix, rien qu’unfilet, un tout petit filet ; mais il le conduisait avec tantde goût que les « Bravo ! Exquis ! Surprenant !Adorable ! » jaillissaient de toutes les bouches, dès qu’ilavait murmuré la dernière note.

Il était abonné chez un éditeur de musique de Paris, qui luiadressait les nouveautés, et il envoyait de temps en temps à lahaute société de la ville des petits billets ainsi tournés :

« Vous êtes prié d’assister lundi soir chez maître Saval,notaire, à la première audition, à Vernon, du Saïs. »

Quelques officiers, doués de jolies voix, faisaient les chœurs.Deux ou trois dames du cru chantaient aussi. Le notaire remplissaitle rôle de chef d’orchestre avec tant de sûreté, que le chef demusique du 190e de ligne avait dit de lui, un jour au café del’Europe :

« Oh ! maître Saval, c’est un maître. Il est bienmalheureux qu’il n’ait pas embrassé la carrière des arts. » Quandon citait son nom dans un salon, il se trouvait toujours quelqu’unpour déclarer :

« Ce n’est pas un amateur c’est un artiste, un véritableartiste. » Et deux ou trois personnes répétaient, avec uneconviction profonde :

« Oh ! oui, un véritable artiste » ; en appuyantbeaucoup sur « Véritable ».

Chaque fois qu’une œuvre nouvelle était interprétée sur unegrande scène de Paris, maître Saval faisait le voyage.

Or, l’an dernier il voulut, selon sa coutume, aller entendreHenri VIII. Il prit donc l’express qui arrive à Paris à quatreheures et trente minutes, étant résolu à repartir par le train deminuit trente-cinq, pour ne point coucher à l’hôtel. Il avaitendossé chez lui la tenue de soirée, habit noir et cravate blanche,qu’il dissimulait sous son pardessus au col relevé.

Dès qu’il eut mis le pied rue d’Amsterdam, il se sentit toutjoyeux. Il se disait :

« Décidément l’air de Paris ne ressemble à aucun air. Il a unje-ne-sais-quoi de montant, d’excitant, de grisant, qui vous donneune drôle d’envie de gambader et de faire bien autre chose encore.Dès que je débarque ici, il me semble, tout d’un coup, que je viensde boire une bouteille de champagne. Quelle vie on pourrait menerdans cette ville, au milieu des artistes ! Heureux les élus,les grands hommes qui jouissent de la renommée dans une pareilleville ! Quelle existence est la leur ! » Et il faisaitdes projets ; il aurait voulu connaître quelques-uns de ceshommes célèbres, pour parler d’eux à Vernon et passer de temps entemps une soirée chez eux lorsqu’il venait à Paris.

Mais tout à coup une idée le frappa. Il avait entendu citer depetits cafés du boulevard extérieur où se réunissaient des peintresdéjà connus, des hommes de lettres, même des musiciens, et il semit à monter vers Montmartre d’un pas lent.

Il avait deux heures devant lui. Il voulait voir. Il passadevant les brasseries fréquentées par les derniers bohèmes,regardant les têtes, cherchant à deviner les artistes. Enfin ilentra au Rat-Mort, alléché par le titre.

Cinq ou six femmes accoudées sur les tables de marbre parlaientbas de leurs affaires d’amour, des querelles de Lucie avecHortense, de la gredinerie d’Octave. Elles étaient mûres, tropgrasses ou trop maigres, fatiguées, usées. On les devinait presquechauves ; et elles buvaient des bocks, comme des hommes.

Maître Saval s’assit loin d’elles, et attendit, car l’heure del’absinthe approchait.

Un grand jeune homme vint bientôt se placer près de lui. Lapatronne l’appela « M. Romantin ». Le notaire tressaillit. Est-cece Romantin qui venait d’avoir une première médaille au dernierSalon ?

Le jeune homme, d’un geste, fit venir le garçon :

« Tu vas me donner à dîner tout de suite, et puis tu porteras àmon nouvel atelier 15, boulevard de Clichy, trente bouteilles debière et le jambon que j’ai commandé ce matin. Nous allons pendrela crémaillère. » Maître Saval, aussitôt, se fit servir à dîner.Puis il ôta son pardessus, montrant un habit et sa cravateblanche.

Son voisin ne paraissait point le remarquer. Il avait pris unjournal et lisait. Maître Saval le regardait de côté, brûlant dudésir de lui parler. Deux jeunes hommes entrèrent, vêtus de vestesde velours rouge, et portant des barbes en pointe à la Henri III.Ils s’assirent en face de Romantin.

Le premier dit :

« C’est pour ce soir ? » Romantin lui serra la main :

« Je te crois, mon vieux, et tout le monde y sera. J’ai Bonnat,Guillemet, Gervex, Béraud, Hébert, Duez, Clairin, Jean-PaulLaurens ; ce sera une fête épatante. Et des femmes, tuverras ! Toutes les actrices sans exception, toutes celles quin’ont rien à faire ce soir, bien entendu. » Le patron del’établissement s’était approché.

« Vous la pendez souvent, cette crémaillère ? » Le peintrerépondit :

« Je vous crois, tous les trois mois, à chaque terme. » MaîtreSaval n’y tint plus et d’une voix hésitante :

« Je vous demande pardon de vous déranger monsieur mais j’aientendu prononcer votre nom et je serais fort désireux de savoir sivous êtes bien M. Romantin dont j’ai tant admiré l’œuvre au dernierSalon. » L’artiste répondit :

« Lui-même, en personne, monsieur. » Le notaire alors fit uncompliment bien tourné prouvant qu’il avait des lettres.

Le peintre, séduit, répondit par des politesses. On causa.

Romantin en revint à sa crémaillère, détaillant lesmagnificences de la fête.

Maître Saval l’interrogea sur tous les hommes qu’il allaitrecevoir ajoutant :

« Ce serait pour un étranger une extraordinaire bonne fortuneque de rencontrer d’un seul coup, tant de célébrités réunies chezun artiste de votre valeur. » Romantin, conquis, répondit :

« Si ça peut vous être agréable, venez. » Maître Saval acceptaavec enthousiasme, pensant :

« J’aurai toujours le temps de voir Henri VIII. » Tous deuxavaient achevé leur repas. Le notaire s’acharna à payer les deuxnotes, voulant répondre aux gracieusetés de son voisin. Il payaaussi les consommations des jeunes gens en velours rouge ;puis il sortit avec son peintre.

Ils s’arrêtèrent devant une maison très longue et peu élevée,dont tout le premier étage avait l’air d’une serre interminable.Six ateliers s’alignaient à la file, en façade sur leboulevard.

Romantin entra le premier monta l’escalier ouvrit une porte,alluma une allumette, puis une bougie.

Ils se trouvaient dans une pièce démesurée dont le mobilierconsistait en trois chaises, deux chevalets, et quelques esquissesposées par terre, le long des murs. Maître Saval, stupéfait,restait immobile sur la porte.

Le peintre prononça :

« Voilà, nous avons la place ; mais tout est à faire. »Puis, examinant le haut appartement nu dont le plafond se perdaitdans l’ombre, il déclara :

« On pourrait tirer un grand parti de cet atelier » Il en fit letour en le contemplant avec la plus grande attention, puis reprit:

« J’ai bien une maîtresse qui aurait pu nous aider pour draperdes étoffes, les femmes sont incomparables ; mais je l’aienvoyée à la campagne pour aujourd’hui, afin de m’en débarrasser cesoir. Ce n’est pas qu’elle m’ennuie, mais elle manque par tropd’usage ; cela m’aurait gêné pour mes invités. » Il réfléchitquelques secondes, puis ajouta :

« C’est une bonne fille, mais pas commode. Si elle savait que jereçois du monde, elle m’arracherait les yeux. » Maître Savaln’avait point fait un mouvement ; il ne comprenait pas.

L’artiste s’approcha de lui.

« Puisque je vous ai invité, vous allez m’aider à quelque chose.» Le notaire déclara :

« Usez de moi comme vous voudrez. Je suis à votre disposition. »Romantin ôta sa jaquette.

« Eh bien, citoyen, à l’ouvrage. Nous allons d’abord nettoyer. »Il alla derrière le chevalet qui portait une toile représentant unchat, et prit un balai très usé.

« Tenez, balayez pendant que je vais me préoccuper del’éclairage. » Maître Saval prit le balai, le considéra, et se mità frotter maladroitement le parquet en soulevant un ouragan depoussière.

Romantin, indigné, l’arrêta :

« Vous ne savez donc pas balayer sacrebleu ! Tenez,regardez-moi. ».

Et il commença à rouler devant lui des tas d’ordure grise, commes’il n’eût fait que cela toute sa vie ; puis il rendit lebalai au notaire, qui l’imita.

En cinq minutes, une telle fumée de poussière emplissaitl’atelier que Romantin demanda :

« Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus. » Maître Saval, quitoussait, se rapprocha. Le peintre lui dit :

« Comment vous y prendriez-vous pour faire un lustre ? »L’autre, abasourdi, demanda :

« Quel lustre ?

— Mais un lustre pour éclairer un lustre avec des bougies. » Lenotaire ne comprenait point. Il répondit :

« Je ne sais pas. » Le peintre se mit à gambader en jouant descastagnettes avec ses doigts.

« Eh bien ! moi, j’ai trouvé, monseigneur. » Puis il repritavec plus de calme :

« Vous avez bien cinq francs sur vous ? » Maître Savalrépondit :

« Mais oui. » L’artiste reprit :

« Eh bien, vous allez m’acheter pour cinq francs de bougiespendant que je vais aller chez le tonnelier. » Et il poussa dehorsle notaire en habit. Au bout de cinq minutes, ils étaient revenusrapportant, l’un des bougies, l’autre un cercle de futaille. PuisRomantin plongea dans un placard et en tira une vingtaine debouteilles vides, qu’il attacha en couronne autour du cercle. Ildescendit ensuite emprunter une échelle à la concierge, après avoirexpliqué qu’il avait obtenu les faveurs de la vieille femme enfaisant le portrait de son chat exposé sur le chevalet.

Lorsqu’il fut remonté avec un escabeau, il demanda à maîtreSaval :

« Êtes-vous souple ? » l’autre, sans comprendre, répondit:

« Mais oui…

— Eh bien, vous allez grimper là-dessus et m’attacher ce lustrelà à l’anneau du plafond. Puis vous mettrez une bougie dans chaquebouteille, et vous allumerez. Je vous dis que j’ai le génie del’éclairage. Mais retirez votre habit, sacrebleu ! vous avezl’air d’un larbin. » La porte s’ouvrit brutalement ; une femmeparut, les yeux brillant, et demeura debout sur le seuil.

Romantin la considérait avec une épouvante dans le regard.

Elle attendit quelques secondes, croisa les bras sur sapoitrine ; puis, d’une voix aiguë, vibrante, exaspérée :

« Ah ! sale mufle, c’est comme ça que tu me lâches ? »Romantin ne répondit pas. Elle reprit :

« Ah ! gredin. Tu faisais le gentil encore en m’envoyant àla campagne. Tu vas voir un peu comme je vais l’arranger tafête.

« Oui, c’est moi qui vas les recevoir tes amis… » Elle s’animait:

« Je vas leur en flanquer par la figure des bouteilles et desbougies… » Romantin prononça d’une voix douce :

« Mathilde… » Mais elle ne l’écoutait pas. Elle continuait :

« Attends un peu, mon gaillard, attends un peu ! » Romantins’approcha, essayant de lui prendre les mains :

« Mathilde… » Mais elle était lancée, maintenant ; elleallait, vidant sa hotte aux gros mots et son sac aux reproches.Cela coulait de sa bouche comme un ruisseau qui roule des ordures.Les paroles précipitées semblaient se battre pour sortir. Ellebredouillait, bégayait, bafouillait, retrouvant soudain de la voixpour jeter une injure, un juron.

Il lui avait saisi les mains sans qu’elle s’en aperçût ;elle ne semblait même pas le voir, tout occupée à parler, àsoulager son cœur. Et soudain elle pleura. Les larmes lui coulaientdes yeux sans qu’elle arrêtât le flux de ses plaintes. Mais lesmots avaient pris des intonations criardes et fausses, des notesmouillées. Puis des sanglots l’interrompirent. Elle reprit encoredeux ou trois fois, arrêtée soudain par un étranglement, et enfinse tut, dans un débordement de larmes.

Alors il la serra dans ses bras, lui baisant les cheveux,attendri lui-même.

« Mathilde, ma petite Mathilde, écoute. Tu vas être bienraisonnable. Tu sais, si je donne une fête, c’est pour remercierces messieurs pour ma médaille du Salon. Je ne peux pas recevoir defemmes. Tu devrais comprendre ça. Avec les artistes, ça n’est pascomme avec tout le monde. » Elle balbutia dans ses pleurs :

« Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? » Il reprit :

« C’était pour ne point te fâcher, ne point te faire depeine.

Écoute, je vais te reconduire chez toi. Tu seras bien sage, biengentille, tu resteras tranquillement à m’attendre dans le dodo etje reviendrai sitôt que ce sera fini. »

Elle murmura :

« Oui, mais tu ne recommenceras pas ?

— Non, je te le jure. » Il se tourna vers maître Saval, quivenait d’accrocher enfin le lustre :

« Mon cher ami, je reviens dans cinq minutes. Si quelqu’unarrivait en mon absence, faites les honneurs pour moi, n’est-cepas ? » Et il entraîna Mathilde, qui s’essuyait les yeux et semouchait coup sur coup.

Resté seul, maître Saval acheva de mettre de l’ordre autour delui. Puis il alluma les bougies et attendit.

Il attendit un quart d’heure, une demi-heure, une heure.

Romantin ne revenait pas. Puis, tout à coup, ce fut dansl’escalier un bruit effroyable, une chanson hurlée en chœur parvingt bouches, et un pas rythmé comme celui d’un régimentprussien.

Les secousses régulières des pieds ébranlaient la maison toutentière. La porte s’ouvrit, une foule parut. Hommes et femmes à lafile, se tenant par les bras, deux par deux, et tapant du talon encadence, s’avancèrent dans l’atelier comme un serpent qui sedéroule. Ils hurlaient :

Entrez dans mon établissement,

Bonnes d’enfants et soldats !…

Maître Saval, éperdu, en grande tenue, restait debout sous lelustre. La procession l’aperçut et poussa un hurlement : « Unlarbin ! un larbin ! » et se mit à tourner autour de lui,l’enfermant dans un cercle de vociférations. Puis on se prit par lamain et on dansa une ronde affolée.

Il essayait de s’expliquer :

« Messieurs… messieurs… mesdames… » Mais on ne l’écoutait pas.On tournait, on sautait, on braillait.

À la fin la danse s’arrêta.

Maître Saval prononça :

« Messieurs… » Un grand garçon blond et barbu jusqu’au nez luicoupa la parole :

« Comment vous appelez-vous, mon ami ? » Le notaire,effaré, prononça :

« Je suis maître Saval. » Une voix cria :

« Tu veux dire Baptiste. »

Une femme dit :

« Laissez-le donc tranquille, ce garçon ; il va se fâcher àla fin.

Il est payé pour nous servir et pas pour se faire moquer de lui.» Alors maître Saval s’aperçut que chaque invité apportait sesprovisions. l’un tenait une bouteille et l’autre un pâté. Celui-ciun pain, celui-là un jambon.

Le grand garçon blond lui mit dans les bras un saucissondémesuré et commanda : « Tiens, va dresser le buffet dans le coin,là-bas. Tu mettras les bouteilles à gauche et les provisions àdroite. » Saval, perdant la tête, s’écria :

« Mais, messieurs, je suis un notaire ! » Il y eut uninstant de silence, puis un rire fou. Un monsieur soupçonneuxdemanda :

« Comment êtes-vous ici ? » Il s’expliqua, raconta sonprojet d’écouter l’Opéra, son départ de Vernon, son arrivée àParis, toute sa soirée.

On s’était assis autour de lui pour l’écouter ; on luilançait des mots ; on l’appelait Schéhérazade.

Romantin ne revenait pas. D’autres invités arrivaient. On leurprésentait maître Saval pour qu’il recommençât son histoire. Ilrefusait, on le forçait à raconter ; on l’attacha sur une destrois chaises, entre deux femmes qui lui versaient sans cesse àboire. Il buvait, il riait, il parlait, il chantait aussi. Ilvoulut danser avec sa chaise, il tomba.

À partir de ce moment, il oublia tout. Il lui sembla pourtantqu’on le déshabillait, qu’on le couchait, et qu’il avait mal aucœur.

Il faisait grand jour quand il s’éveilla, étendu, au fond d’unplacard, dans un lit qu’il ne connaissait pas.

Une vieille femme, un balai à la main, le regardait d’un airfurieux. À la fin, elle prononça :

« Salop, va ! Salop ! Si c’est permis de se soûlercomme ça ! » Il s’assit sur son séant, il se sentait mal à sonaise. Il demanda :

« Où suis-je ?

— Où vous êtes, salop ? vous êtes gris. Allez-vous bientôtdécaniller et plus vite que ça ! » Il voulut se lever Il étaitnu dans ce lit. Ses habits avaient disparu. Il prononça :

« Madame, je… ! » Puis il se souvint… Que faire ? Ildemanda :

« M. Romantin n’est pas rentré ? » La concierge vociféra:

« Voulez-vous bien décaniller, qu’il ne vous trouve pas ici aumoins ! » Maître Saval confus déclara :

« Je n’ai plus mes habits. On me les a pris. » Il dut attendre,expliquer son cas, prévenir des amis, emprunter de l’argent pour sevêtir Il ne repartit que le soir. Et quand on parle musique chezlui, dans son beau salon de Vernon, il déclare avec autorité que lapeinture est un art fort inférieur.

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