La San-Felice – Tome II

LXXI – LA LÉGENDE DU MONT CASSIN.

Le même jour et à la même heure où la porte dupassage secret s’ouvrait devant la reine, et où Emma Lyonna, selonla promesse qu’elle en avait faite, s’aventurait en héroïne deroman dans ce souterrain, précédée et éclairée par Richard, unjeune homme montait à cheval la rampe du mont Cassin, que,d’habitude, on ne monte qu’à pied ou à mulet.

Mais, soit qu’il eût toute confiance dans lepied de sa monture ou dans sa manière de la diriger, soit que,habitué au danger, le danger lui fût devenu indifférent, il étaitparti à cheval de San-Germano, et, malgré les observations qu’onavait pu lui faire sur son imprudence, déjà grande à la montée,mais qui serait plus grande encore à la descente, il avait pris lesentier pierreux qui conduit au couvent fondé par saint Benoit, etqui couronne la cime la plus élevée du monte Cassino.

Au-dessous de lui s’étendait la vallée, où setord un instant, mais d’où s’échappe bientôt, pour se jeter à lamer, près de Gaete, le Garigliano, sur les bords duquel Gonzalve deCordoue nous battit en 1503 ; et, par un retour étrange defortune, il pouvait à mesure qu’il s’élevait, distinguer les bivacsde l’armée française, qui, après trois siècles, venait venger, enrenversant la monarchie espagnole, la défaite de Bayard, presqueaussi glorieuse pour lui qu’une victoire.

Tantôt à sa droite, tantôt à sa gauche, selonles zigzags que faisait le chemin, il avait la ville deSan-Germano, surmontée de sa vieille forteresse en ruine, fondéesur l’antique Cassinum des Romains, et qui porta ce nom, ainsi quela ville qu’il dominait, jusqu’en 844, époque à laquelle Lothaire,premier roi d’Italie, s’étant établi dans le duché de Bénévent etdans la Calabre, après en avoir chassé les Sarrasins, fit présent àl’église du Sauveur d’un doigt de saint Germain, évêque deCapoue.

La précieuse relique donna le nom du saint àla ville italienne, et le reste du corps, envoyé en France aucouvent des Bénédictins, qui s’élevait dans la forêt de Ledia,donna ce même nom à la ville française où naquirent Henri II,Charles IX et Louis XIV[6].

Le mont Cassin, que gravit en ce moment levoyageur imprudent et qui, comme on le voit, n’a pas changé de nomet s’est contenté d’italianiser celui de Cassinum, est la montagnesainte de la Terre de Labour. C’est là que se réfugient les grandesdouleurs morales et les grandes infortunes politiques. Carloman,frère de Pépin le Bref, y repose dans son tombeau ;Grégoire VII y fit halte avant d’aller mourir à Salerne ;trois papes furent ses abbés : Étienne IX,Victor III et Léon X.

En 497, saint Benoît, né en 480, dégoûté parle spectacle de la corruption païenne à Rome, se retira àSublaqueum, aujourd’hui Subiaco, où sa réputation de vertu luiattira de nombreux disciples et, à leur suite, la persécution. En529, il quitta le pays, s’arrêta à Cassinum, et, voyant la collinequi domine la ville, il résolut, peut-être moins encore pour serapprocher du ciel que pour s’élever au-dessus des vapeurs dont leGarigliano couvre la vallée, de fonder sur le point culminant decette colline un monastère de son ordre.

Maintenant, à défaut de l’histoire, qui nousmanque, que l’on nous permette d’appeler à notre aide lalégende.

Saint Benoît, qui s’appelait alors Benoît toutcourt, ne fut pas plus tôt parvenu au sommet de la collineprédestinée, qu’il s’aperçut de la difficulté qu’il allait éprouverà transporter à une pareille hauteur les matériaux nécessaires àson édifice.

Il pensa alors à se faire aider dans cetravail par Satan.

Satan l’avait souvent tenté, jamais saintBenoît ne s’était laissé vaincre ; ce n’était pas assez de nes’être point laissé vaincre par Satan pour lui donner deslois : il fallait l’avoir vaincu. Saint Antoine, sur ce point,avait fait autant que Dieu lui-même.

Il s’agissait de mettre le diable dans uneposition telle, qu’il n’eût rien à lui refuser.

Soit de sa propre imagination, soit parinspiration céleste, saint Benoît, un matin, crut avoir trouvé cequ’il cherchait.

Il descendit à Cassinum, entra dans laboutique d’un brave serrurier, qu’il savait bon chrétien, l’ayantbaptisé lui-même une semaine auparavant.

Il lui ordonna de lui faire une paire depincettes.

Le serrurier lui en offrit une magnifiquepaire toute faite ; mais saint Benoît la refusa.

Il voulait une paire de pincettes touteparticulière, avec deux griffes là où les pincettes se réunissent.Il bénit l’eau dans laquelle le serrurier devait tremper son ferrouge, et lui recommanda par-dessus tout de ne jamais commencer nifinir son travail sans faire le signe de la croix.

– Voulez-vous que je les porte à VotreExcellence quand elles seront faites ? demanda leserrurier.

Saint Benoît, en effet, en attendant que sonmonastère fût bâti, habitait la grotte qui, aujourd’hui encore, ausommet du mont Cassin, est en vénération chez les fidèles commeayant été la demeure du saint.

– Non, lui répondit saint Benoît ; jeviendrai les chercher moi-même. Quand seront-ellesfaites ?

– Après-demain, sur le midi.

– À après-demain, donc.

Le jour dit, à l’heure dite, saint Benoîtentrait dans la forge du serrurier, et, dix minutes après, il ensortait, portant en mains les pincettes, mais les cachant avec soinsous son manteau.

Il y avait peu de nuits où, tandis que saintBenoît, dans sa grotte, lisait les Pères de l’Église, le diablen’entrât, soit par la porte, soit par la fenêtre et, de millefaçons différentes, n’essayât de tenter le bienheureux.

Saint Benoît prépara un pacte ainsiconçu :

« Au nom du Seigneur tout-puissant,créateur du ciel et de la terre, et de Jésus-Christ, son filsunique :

» Moi, Satan, archange maudit pour marébellion, m’engage à aider de tout mon pouvoir son serviteur saintBenoît à bâtir le monastère qu’il veut élever au sommet du montCassinum, en y transportant les pierres, les colonnes, les poutreset en somme tous les matériaux nécessaires à la fabrique duditcouvent – obéissant exactement et sans ruse à tous les ordres queme donnera Benoît.

» Au nom du Père, du Fils et duSaint-Esprit. Ainsi soit-il ! »

Il posa le papier plié sur la table, avec laplume et l’encrier qui lui avaient servi.

Le même soir, il fit ses apprêts et attendittranquillement.

Ces apprêts consistaient à mettre au feul’extrémité des pincettes bénites, et à faire rougir cetteextrémité, c’est-à-dire les pinces.

Mais on eût dit que Satan se doutait dequelque piège : il se fit attendre trois jours ou plutôt troisnuits.

La quatrième nuit, il vint enfin, profitantd’une tempête qui menaçait de mettre la création tout entière sensdessus dessous.

Malgré le fracas de la foudre, malgré la lueurdes éclairs, saint Benoît faisait semblant de dormir ; mais ildormait au coin de son feu, d’un œil seulement, et tenant lespincettes à portée de sa main.

Le saint simulait si bien le sommeil, queSatan s’y laissa prendre. Il s’avança sur la pointe des griffes etallongea le cou par-dessus l’épaule du saint.

C’était ce que demandait saint Benoit :il saisit les pincettes et lui prit adroitement le nez.

Si Satan eût eu affaire à des pincettesordinaires, si rouges qu’elles eussent été, il en aurait ri, le feuétant son élément ; mais c’étaient des pincettes forgées, onse le rappelle, sous l’invocation de la croix et trempées dansl’eau bénite.

Satan, se sentant pris, commença de sauter àdroite et à gauche, et à souffler le feu enflammé au visage desaint Benoît, à le menacer et à allonger les ongles de son côté.Mais saint Benoît était garanti par la longueur des pincettes, etplus Satan bondissait, plus il crachait feu et flammes, plus ilmenaçait saint Benoît, plus celui-ci serrait les pincettes d’unemain et faisait le signe de la croix de l’autre.

Satan vit qu’il avait affaire à plus fort quelui, que Dieu était l’allié du saint, et il demanda àcapituler.

– Soit, dit saint Benoît, je ne demande pasmieux.

Lis le parchemin qui est sur la table etsigne-le.

– Comment veux-tu, demanda Satan, que je liseavec une paire de pincettes entre les deux yeux ?

Lis d’un œil.

Il fallut faire ce qu’exigeait le saintanachorète, et, en louchant horriblement, Satan lut leparchemin.

Une fois Satan pris, il est bon diable et semontre, en général, assez accommodant : le tout est de leprendre.

Le parchemin lu, il dit :

– Comment veux-tu que je signe ? Je nesais point écrire.

– Eh bien, alors, fais ta croix, répondit lesaint.

À ces mots : « Fais ta croix, »Satan fit un tel bond, que, sans le crochet que le saint avait eula précaution de faire faire à l’extrémité des pincettes, il tiraitson nez de l’étau où il était serré.

– Allons, dit Satan, je crois que le pluscourt est de signer.

Et il prit la plume.

– Maintenant, dit le saint, il s’agit de faireles choses régulièrement. Commençons par la date et le millésime del’année. Et surtout, ajouta le saint, écrivons lisiblement, afinqu’il n’y ait pas d’ambiguïtés.

Satan écrivit d’une belle écriturebâtarde : 24 juillet de l’an 529.

– C’est fait, dit-il.

– Point de paresse, répliqua le saint.Ajoutons : De Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Il allait signer ; mais saint Benoîtl’arrêta.

– Un instant, un instant, dit-il :approuvons l’écriture.

Satan fut forcé d’écrire, en soupirant, maisenfin il écrivit : « Approuvé l’écritureci-dessus. »

– Et maintenant, signe, dit le saint.

Satan eut bien voulu chercher quelque nouvellenoise ; mais le saint serra les pincettes plus fort qu’il neles avait encore serrées, et Satan, pour en finir, se hâta d’écrireson nom.

Le saint s’assura que, des cinq lettres dunom, aucune n’était absente, que le parafe y était ; ilordonna à Satan de plier le parchemin en quatre et posa son rosairedessus.

Puis il ouvrit les pincettes.

D’un seul bond, Satan s’élança hors de lagrotte.

Pendant trois jours, une horrible tempêtedésola les Abruzzes et se fit sentir jusqu’à Naples. Le Vésuve, leStromboli et l’Etna jetèrent des flammes. Mais, comme cette tempêtevenait de Satan et non du Seigneur, le Seigneur ne permit pointqu’aucune personne ni aucune créature vivante y périt.

La tempête à peine calmée, saint Benoît envoyachercher un architecte. Le saint, quoique non canonisé encore,était déjà tellement vénéré dans le pays, que, dès le lendemain, unarchitecte accourut.

Saint Benoit lui expliqua ce qu’il désirait,et lui montra l’emplacement sur lequel il voulait bâtir uncouvent.

C’était, nous l’avons déjà dit, le pointculminant de la montagne.

On y arrivait, à cette époque, par un étroitsentier frayé par les chèvres.

Quelque respect qu’il eût pour le saint,l’architecte ne put s’empêcher de rire.

Saint Benoit lui demanda la raison de sonhilarité.

– Et par qui ferez-vous monter les matériauxjusqu’ici ? demanda l’architecte.

– Cela me regarde, répondit saint Benoît.

Saint Benoit ayant beaucoup voyagé,l’architecte crut qu’il avait recueilli dans ses voyages d’Orientquelques moyens dynamiques connus des seuls Égyptiens, qui étaient,comme on sait, les plus forts mécaniciens de l’antiquité ; et,le saint anachorète ne lui demandant point autre chose qu’undessin, il le lui fit sur-le-champ.

Le lendemain, son pacte en main, saint Benoîtappela Satan.

Satan accourut ; saint Benoit eut peine àle reconnaître : la colère lui avait donné la jaunisse, et ilavait le nez rouge comme un charbon ardent.

En général, lorsque Satan a pris un engagementquelconque, il le remplit très-fidèlement : c’est une justiceà lui rendre.

Le saint lui donna la liste des matériaux detoute espèce dont il avait besoin. Satan appela une vingtaine deses diables les plus alertes, qui à l’instant même se mirent à labesogne.

Le lieu choisi par le saint était voisin d’unbois et d’un temple consacré à Apollon ; le saint commanda,avant tout, à Satan d’incendier la forêt.

Satan frotta son nez à un arbre résineux, etl’arbre, s’enflammant à l’instant, communiqua sa flamme à toute laforêt.

Après cela, il lui ordonna de fairedisparaître du paysage le temple païen, moins quelques colonnestrès-belles qu’il réservait pour l’église de son monastère.

Satan prit les colonnes une à une sur sonépaule, et, de peur qu’il ne leur arrivât malheur, il lestransporta lui-même à l’endroit indiqué par le saint ; puis ilsouffla sur ce qui restait du temple, et le temple disparut.

En même temps, armé d’un marteau, saint Benoitmettait en pièces la statue du dieu.

Grâce à la coopération de Satan, le monastèrefut promptement bâti. Et, si l’on doutait de la part que le diableeut dans cette œuvre, nous renverrions les incrédules aux fresquesde Giordano, son chef-d’œuvre peut-être, parce qu’il l’exécuta àson retour d’Espagne, c’est-à-dire à l’apogée de son talent, et quireprésentent le roi des enfers et ses principaux ministres occupés,bien à contre-cœur, à bâtir le monastère de saint Benoît.

Le premier monastère, bâti par cettemiraculeuse puissance que saint Benoît avait prise sur le démon,était dans toute sa splendeur, et saint Benoît, vieux de soixanteans, dans toute sa renommée, lorsque, Totila, roi des Goths, quiavait beaucoup entendu parler du saint fondateur, eut l’idée de levisiter. Mais, les Goths n’étant pas encore chrétiens, c’était lacuriosité et non la foi qui guidait Totila vers le mont Cassinum.Il résolut donc de s’assurer par lui-même si celui auquel ilrendait visite était assez avant dans la grâce de Dieu pour voirclair à travers un déguisement. Il prit les habits d’un de sesvalets nommé Riga, lui fit revêtir les siens, et monta aumonastère, perdu dans la foule, espérant ainsi induire saint Benoîten erreur.

Instruit de la visite du roi, saint Benoîtalla au-devant de lui, et, voyant de loin Riga qui marchait en têtedu cortège, revêtu du manteau royal et la couronne en tête, il luicria :

– Mon fils, quitte cet habit, qui n’est pas letien.

À cette apostrophe, qui prouvait que l’espritde Dieu était avec son serviteur, Riga, plein de repentir etd’humilité, tomba à genoux, et tous les autres, même le roi,l’imitèrent.

Saint Benoît, sans s’arrêter à aucun autre,alla droit à Totila et le releva ; puis, lui ayant reprochéses mœurs dissolues, il l’exhorta à devenir meilleur, lui préditqu’il prendrait Rome, régnerait neuf années encore après l’avoirprise, et mourrait.

Totila se retira tout contrit, en promettantde s’amender.

Vers le même temps, c’est-à-dire le 12 février543, sainte Scholastique, sœur jumelle de saint Benoît, mourut. Lesaint, qui était en prière dans son oratoire, entendit un soupir,leva les mains au ciel, et, le toit s’étant ouvert, il vit passerune colombe qui montait au ciel.

– C’est l’âme de ma sœur, dit-il joyeusement.Grâces soient rendues au Seigneur !

Puis il appela ses religieux, leur annonçal’heureuse nouvelle, et tous allèrent, en chantant et tenant à lamain, en signe de joie, des rameaux verts et des fleurs, tousallèrent prendre le corps, d’où l’âme en effet était sortie, etl’ensevelirent dans la tombe déjà préparée pour la sainte et pourson frère.

L’année suivante – d’autres chroniqueursdisent la même année – le 21 mars, saint Benoît lui-même passadoucement de cette vie à l’autre, et, chargé d’ans, riche derenommée, resplendissant de miracles, alla s’asseoir à la droite duSeigneur.

Son corps fut couché près du corps de sainteScholastique, dans le même tombeau.

Saint Benoît était né à Norcia, dansl’Ombrie ; il était de la noble famille des Guardati. Sa mère,renommée par son amour céleste et sa charité, fut sanctifiée aveclui et sa sœur, sous le nom de sainte Abondance.

Les mères et les sœurs de tous ces grandssaints de la décadence de Rome et du moyen âge, dont Dante futl’Homère, sont presque toutes saintes aussi, et, appuyées sur leursfils et leurs frères, ces femmes, compagnes de leur vie, ont partau culte qui leur est rendu.

Ainsi, près de saint Augustin apparaît sainteMonique, et sainte Marcelline près de saint Ambroise.

Le monastère bâti par saint Benoît fut, en884, – Satan ayant sans doute repris le dessus, – brûlé par sesalliés les Sarrasins. Il avait déjà été saccagé par les Lombards en589, et devint, du temps des Normands, une véritable forteresse.Les abbés, qui avaient déjà le titre d’évêque, prirent celui depremier baron du royaume, qu’ils portent encore aujourd’hui.

Les tremblements de terre succédèrent auxbarbares et arrachèrent le monastère à ses fondements, une premièrefois en 1349, et une seconde fois en 1649. Urbain V, Guillaumede Grimoard, élu à Avignon, mais qui ramena la papauté à Rome,pontife pieux et lettré, érudit et artiste, ami de Pétrarque, etque la tiare alla chercher dans un couvent de bénédictins,contribua fort à rebâtir le saint monastère.

On sait tous les services rendus en France àl’histoire par les laborieux disciples de saint Benoît. Au montCassin, les ouvrages des plus grands écrivains de l’antiquitéfurent conservés par eux.

Au IXe siècle, l’abbé Desiderio, dela maison des ducs de Capoue, faisait copier par ses religieuxHorace, Térence, les Fastesd’Ovide et les Idyllesde Théocrite. Il faisait, en outre, venir de Constantinople desartistes mosaïstes, qu’il faut compter au nombre de ceux quirestaurèrent l’art en Italie.

La route qui serpente aux flancs de lamontagne sur laquelle est bâti le monastère fut construite par lessoins de l’abbé Ruggi. Elle est pavée de grandes dalles d’inégalegrandeur, comme celles des voies antiques, dalles que l’on retrouvesur la via Appia, que les Romains nommaient la reine des routes, etqui passe à deux lieues de là.

C’était le sentier que suivait le cavalier quia donné lieu à cette digression archéologique. Enveloppé dans ungrand manteau, il s’inquiétait peu de la violence du vent, qui,soufflant par rafales, s’apaisait tout à coup pour laisser tomberde larges ondées qu’accompagnaient, quoique l’on fût au mois dedécembre, des tonnerres et des éclairs pareils à ceux de la nuit oùSatan s’aventura si malencontreusement dans la grotte de saintBenoît. Puis, cette pluie tombée, le vent soufflait de nouveau,faisant rouler des masses de nuages si rapprochés de la terre, quele cavalier disparaissait au milieu d’eux pour reparaître dans uneéclaircie, et cela sans que pluie, tonnerres, éclairs ou nuagesparussent avoir prise sur lui et lui eussent fait, depuis le momentde son départ, hâter ou ralentir l’allure de son cheval.

Arrivé, au bout de trois quarts d’heure demarche, au sommet de la montagne, il disparut une dernière fois,non pas dans les nuages, mais dans la grotte que la tradition veutavoir été la demeure de saint Benoît, et, en reparaissant, setrouva en face du gigantesque couvent, qui, se découpant sur unciel marbré de gris et de noir, se dressait devant lui avecl’imposante majesté des choses immobiles.

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