L’Amérique mystérieuse – Todd Marvel Détective Milliardaire – Tome II

CHAPITRE III – LE SECRET DU PASSÉ

Le yacht de Todd Marvel, le Desdemonaavait quitté le port de New York quelques heures avant leBooker Washington près duquel il était amarré.

Le milliardaire n’emmenait avec lui dans cettetraversée que sa fiancée Miss Elsie, le tuteur de celle-ci, lebanquier Rabington, et le Canadien Floridor.

À bord du Desdemona qui jaugeaittrois mille tonneaux, et aurait pu recevoir des centaines depassagers, tout avait été sacrifié au luxe et à la rapidité.

Les machines qui actionnaient les hélicesétaient chauffées au pétrole et le yacht battant tous les records,mettait moins de quatre jours à franchir la distance de New York auHavre. L’aménagement intérieur était cité comme une véritablemerveille. Le Desdemona avait comme les grands paquebotstransatlantiques, des salles de bains, une piscine, uneserre-jardin, une salle de tennis, une galerie de tableaux et unebibliothèque des plus complètes.

Enfin, les étables, la basse-cour et lesviviers installés à l’avant et renfermant des élèves de choix,permettaient d’offrir aux passagers des menus aussi délicats queceux du Martin, du Delmonico ou du HollandHouse, les restaurants de New York les plus célèbres par letalent de leurs chefs.

Todd Marvel et Miss Elsie avaient éprouvé unvéritable bonheur à quitter cette terre d’Amérique où ils avaienteu tant à combattre et où ils se sentaient entourés d’invisiblesennemis.

Quand les côtes et la silhouette fatidique dela statue de la Liberté eurent disparu dans le lointain, les deuxfiancés éprouvèrent un sentiment de sécurité et de bonheur qu’ilsn’avaient pas ressenti depuis longtemps.

La journée passa comme un rêve. Sur les eauxd’un bleu profond, aussi calme – suivant l’expression des marins –que l’écluse d’un moulin, le yacht filait à la prodigieuse vitessede quarante nœuds à l’heure.

Par un accord tacite ni Miss Elsie ni ToddMarvel n’avaient parlé jusque-là du but très sérieux de ce voyageen Europe. Tous deux s’amusaient des mille féeries de l’océan dontle décor se trouve incessamment renouvelé.

Tantôt ils se plaisaient à contempler le jeud’une bande de marsouins qui s’ébattaient dans le sillage dunavire ; puis ce furent des nuées de poissons volants quiretinrent leur attention.

– Ces animaux, déclara Todd Marvel, sontles premiers aviateurs, je m’étonne qu’aucun savant n’ait eu l’idéed’étudier la manière dont ils arrivent avec leurs ailes-nageoiresrudimentaires, à se soutenir pendant quelques instants dans lesairs.

– Ces pauvres poissons, expliqua lebanquier Rabington, qui se piquait de certaines connaissancesscientifiques, sont les êtres les plus malheureux de la création.Ils s’échappent de l’eau pour éviter les bonites et les squales quileur font une chasse active, et la plupart du temps c’est pour êtredévorés par des oiseaux des mers auxquels ils offrent une proiefacile.

Doucement balancé dans un rocking-chair, unexcellent « regalia » entre les dents, le banquierprenait un ton doctoral et cette attitude lui était d’autant plusfacile, que Miss Elsie et son fiancé se gardaient bien de lecontredire, tout heureux de se sentir l’un près de l’autre et de sechuchoter à l’oreille de temps en temps quelques doucesparoles.

Après le dîner où Mr Rabington fit preuvesuivant sa coutume d’un appétit remarquable, le banquier se retiradans sa cabine pour y étudier à loisir quelques dépêchesfinancières transmises par l’appareil de T. S. F. duDesdemona. Elsie et Todd restèrent à flâner sur lepont.

Ils s’assirent sur un banc installé àl’arrière, et d’où le regard pouvait embrasser le vaste cercle del’horizon.

Le soleil disparaissait du côté de cette terred’Amérique qu’ils avaient quittée le matin et qui leur semblaitmaintenant aussi lointaine que le pôle Sud ou le Japon.

Les derniers rayons teignaient des plusdélicates nuances du rose vif, de l’écarlate, de la pourpre et del’émeraude le rideau mouvant des brumes. Légères d’abord, puis plusdenses, elles montaient de la mer calme et grise comme de grandesfumées. À un moment donné, l’avant du Desdemona s’effaçacomme empaqueté dans des voiles de gaze blanche.

Le soleil avait tout à fait disparu ; leciel bloqué de ses nuages pommelés, que les marins appellent des« balles de coton », semblait s’être abaissé comme unplafond sur le navire. La pomme du grand mât s’était fondue dansles nuages.

Elsie avait assisté silencieusement à toutesles phases de ce spectacle que le murmure solennel des vaguesrendait grandiose.

D’un geste instinctif, elle s’étaitpeureusement serrée contre son fiancé.

– Quand le soleil disparaît,murmura-t-elle, avec un frisson de peur où elle trouvait pourtantun certain plaisir, il me semble que c’est un ami qui nousquitte…

« Heureusement que vous me restez,ajouta-t-elle, avec une inflexion de voix d’une tendresse infinie…J’ai en vous la plus haute confiance, et je suis sûr que malgrétout, nous triompherons !

– Comme je suis heureux de vous entendreparler ainsi ! Vous voilà donc délivrée de vosinquiétudes ?

– Eh bien, non ! voulez-vous que jesois franche ? Je ne suis pas encore remise de l’émotion quem’a causée ce hideux Chinois qui s’était caché sous les rideaux dema fenêtre, et, ici même, il me semble que nous allons le voirsurgir de quelque coin ténébreux, au moment où nous nous yattendrons le moins.

– Chère petite Elsie, votre imagination aété vivement frappée, votre tempérament est très impressionnable,mais je puis vous affirmer moi, qu’il n’y a aucun individu suspectà bord du Desdemona. Le navire a été méticuleusementvisité dans ses moindres compartiments, le bassin où il a étéamarré a été gardé à vue.

À la grande surprise d’Elsie, Todd Marvels’interrompit pour rire aux éclats.

– Chère Elsie, reprit-il maintenant quenous sommes en pleine mer, il y a un secret que je puis vousrévéler. J’ai réussi à identifier le prétendu Chinois qui vous afait si grand-peur.

– Eh bien ?

– Ce n’était pas un Chinois du tout,c’était bel et bien un des agents de Klaus Kristian, ce jeunecoquin qu’on appelle Petit Dadd et qui nous a donné tant de fil àretordre à San Francisco.

– Pourvu qu’il n’ait pas réussi às’introduire à bord du yacht !

– Pour cela, dit Todd Marvel en riant debon cœur, vous pouvez être tout à fait rassurée. J’ai joué à PetitDadd un tour de ma façon.

– Pourquoi ne l’avez-vous pas faitarrêter ? demanda Miss Elsie avec étonnement.

– Ce que j’ai fait est beaucoup mieux. Ence moment ce jeune coquin est en route pour Monrovia dans l’AfriqueÉquatoriale d’où il aura, j’en suis sûr, la plus grande peine àrevenir. Nous serons probablement de retour de notre voyage enFrance qu’il ne sera pas encore revenu à New York.

– Comment avez-vous fait ?

– C’est une histoire très amusante. CePetit Dadd qui est bien la plus curieuse petite fripouille quej’aie jamais connue, n’avait rien trouvé de mieux pour s’introduireà bord du yacht, et sans doute pour me voler mes papiers, que de secacher dans une caisse de piano.

« Il avait trouvé un complice bénévole enla personne d’un des principaux employés de la grande agence dedéménagements Gardiner et C°.

« Le petit drôle avait réussi à fairecroire à ce brave homme qu’il était reporter au New YorkHerald et que c’était simplement pour mettre le public aucourant de mes faits et gestes qu’il consentait à s’enfermer dansce domicile peu confortable.

– Comment avez-vous appris toutcela ? demanda Miss Elsie.

– Je sais bien des choses, répondit lemilliardaire en souriant, mais j’avoue que dans cette occasion lehasard m’a servi.

« Dadd a eu l’imprudence d’exposer sonprojet à la taverne du Hollandais Volant dont la patronne– toute dévouée à la police – est une de vos vieillesconnaissances.

– Une connaissance à moi ?

– Ne soyez pas si surprise.Mrs Plitch dirigeait naguère un family house aun° 287 de Columbus Avenue à New York. C’est chez elle que futarrêté Klaus Kristian alors qu’il se faisait appeler le pasteurJérémias Bott et qu’il vous retenait prisonnière.

Miss Elsie frissonna. Son cœur battait àgrands coups.

– Comment, balbutia-t-elle, c’est cettehorrible sorcière ?

– Excusez-moi, chère petite Elsie,d’avoir ravivé chez vous de pénibles souvenirs ; mais cettesorcière, comme vous dites si bien, a réussi à obtenir sa grâce desnombreuses années de prison qu’elle avait encourues et elle estdevenue l’auxiliaire la plus zélée de la police.

– Rien ne m’étonne de cette hideusevieille, balbutia Miss Elsie en se rapprochant peureusement de sonfiancé.

– C’est elle qui a informé l’inspecteurHerbert des projets de Petit Dadd, qui n’agit certainement que parordre du docteur Klaus Kristian.

« J’aurais pu le faire arrêter, mais celan’eût pas servi à grand-chose. Il a la spécialité des évasions.Huit jours après, ç’aurait été à recommencer. J’ai trouvémieux.

« Grâce à l’inspecteur Herbert la caissequi sert actuellement de domicile à Petit Dadd, a été hissée à borddu Booker Washington qui emporte des colons noirs enAfrique Équatoriale.

« Je serais curieux de savoir la mine quefera ce vilain singe quand il se verra emmené si loin de son centred’opérations ordinaire.

Miss Elsie eut un faible sourire.

– C’est ingénieux, fit-elle, et pas trèsméchant. Je suis bien aise que vous m’ayez dit cela. Maintenant jerespire. Je dormirai tranquillement cette nuit sans avoir lapréoccupation de trouver un cambrioleur plié en forme de Z et cachédans une des armoires de ma cabine.

La soirée était d’une exquise douceur ;dans le grand silence de la nuit on n’entendait que le ronronnementdes hélices et le bruit léger des vagues. Les mouvements du rouliset du tangage étaient à peine sensibles. La lune se dégageant petità petit du brouillard apparaissait maintenant dans l’interstice degros nuages d’une blancheur de velours.

– Il faut pourtant, dit Todd Marvel aprèsun long silence, que nous parlions sérieusement. Il est des chosesnécessaires qu’il faut que je vous dise.

– Est-ce vraimentindispensable ?

« N’avez-vous pas toute ma confiance ettout mon amour ? Pourquoi faire sortir de leur tombeau lesfantômes du passé ?

– Il faut pourtant que vous sachiez,déclara-t-il. Celle qui doit être ma femme ne doit rienignorer.

– Vous avez raison, répondit gravementMiss Elsie. Il est juste que je partage le fardeau de vos chagrinset de vos ennuis, quels qu’ils soient.

Todd Marvel eut un geste énergique.

– Les chagrins, déclara-t-il, je n’ypense jamais quand je suis auprès de vous, les ennuis et lesdifficultés nous en triompherons.

– Je vous écoute, murmura la jeune filled’une voix à peine perceptible.

« Vous savez, ajouta-t-elle, que je suisvaillante quand il le faut.

– J’abrégerai cette terrible histoire,qui malheureusement est la mienne.

– La nôtre, répondit Miss Elsie avecdouceur.

– Je n’ai pas besoin de revenir sur ceque vous connaissez déjà. Vous savez, et les journaux même ontraconté comment mon père Mr Dick Marvel – il y aura dansquelques jours vingt-deux ans – fut assassiné dans descirconstances demeurées mystérieuses, au cours d’un voyage qu’ilavait fait en France, avec ma mère. Je n’avais alors que dix ans,et j’étais resté en Amérique pendant que le drame, qui me rendaitorphelin, se déroulait de l’autre côté de l’Atlantique.

– Le meurtrier n’a jamais pu êtreretrouvé ?

– Il a disparu, et ce n’est que très tardque j’ai, moi-même, été mis au courant de ces événements, encore mesuis-je heurté près de tous ceux que j’ai interrogés à un partipris de discrétion, sinon à un mauvais vouloir évident.

« Le vol a été certainement le mobile ducrime ; peu de temps avant son départ pour l’Europe, mon pèreavait réalisé la majeure partie de son énorme fortune. Je ne saisau juste quelle était la somme, mais on a parlé de dizaines demillions. On n’a rien retrouvé.

– Vous n’êtes pourtant pas pauvre ?fit observer la jeune fille.

– Je devrais être deux fois plus riche,car je n’ai hérité que des débris de la fortune paternelle et de ceque m’a laissé ma mère.

Et pour aller au-devant d’une question qu’illisait dans le regard de sa fiancée, Todd Marvel ajouta :

– Ma mère ne revint jamais en Amérique,et je ne me souviens d’elle que très vaguement. En apprenant lecrime qui avait causé la mort de son mari, et qui s’était accomplidans des circonstances particulièrement tragiques, elle devintfolle. Confiée à un aliéniste américain de grande réputation, elledemeura pendant plusieurs années dans un château où sa famillel’avait installée, en Bretagne. Puis elle disparut.

La voix de Todd Marvel s’était altérée, unepoignante souffrance se lisait sur ses traits et ce fut avec effortqu’il continua.

– Et l’on n’a jamais pu savoir ce qu’elleétait devenue, pas plus d’ailleurs que le médecin qui l’avaitsoignée. Il quitta le pays peu de temps après la fuite de la maladequi lui avait été confiée et personne depuis, ni en Amérique, ni enEurope, n’a jamais eu de ses nouvelles.

– Je ne savais pas, murmurait la jeunefille. Voilà bien la plus effrayante histoire que j’aie jamaisentendue !

« Il est étonnant, ajouta-t-elle après unmoment de réflexion, que dans ces conditions, vous ayez pu être misen possession de votre fortune ?

– Je ne l’ai dû qu’à l’énergie d’un demes oncles maternels, qui était en même temps mon tuteur ;mais, ce qui vous montrera que toute mon existence est dominée parune étrange fatalité, c’est que cet oncle, qui, certainement, étaitau courant de toute la vérité, périt lui-même, dans un accident dechemin de fer, quelques jours après que je fus entré en possessionde mes revenus.

« J’avais été élevé à l’universitéd’Harvard et l’on m’avait caché soigneusement tout ce drame defamille. Je savais seulement que j’étais orphelin, que je seraisriche ; j’avais l’insouciance de la jeunesse, et, de plus,j’étais doué pour les sciences, d’aptitudes tout à fait spéciales.J’avais au plus haut degré la curiosité de savoir. J’approfondistrès rapidement l’étude des mathématiques, de la chimie et de lamédecine.

« Je crois, fit-il en souriant, que si jevenais d’un jour à l’autre à être ruiné, je trouverais facilement àvivre de mon travail.

« J’avais une telle fièvre d’apprendreque les journées me semblaient trop courtes, les mois et les annéess’écoulaient pour moi avec une rapidité vertigineuse.

« Un jour vint pourtant où je dusrenoncer à mes études pour gérer la vaste fortune qui tombait entremes mains, et qui, pendant les dix années qui s’étaient écoulées,avait été plus que doublée par les prudentes spéculations de montuteur.

« Je fis mes débuts dans la haute sociéténew-yorkaise ; je fus admis dans le monde des« Cinq-cents » qui ne comprend que des milliardaires etdes multimillionnaires. Je connus les Astors, les Gould, lesVanderbilt, les Grant, les Carnegie et les Rockfeller, tous cesremueurs d’or, qui sont véritablement des rois et dont l’existencesemble un rêve…

« J’ai toujours été admirablementaccueilli par eux, mais je ne tardai pas à remarquer que, dans lafaçon dont on me parlait, il y avait certaines allusions, certainesréticences, parfois une froideur inexplicable, qui me donnaientbeaucoup à penser. Ma curiosité fut éveillée, et grâce à quelquesindiscrétions, à des enquêtes habilement menées, je finis par avoirvent de la légende qui courait sur la mort de mon père, DickMarvel.

« Les renseignements recueillis par moiétaient assez vagues ; je voulus avoir des précisions.Impossible. Je me heurtais à une véritable conspiration de silence,ou, ce qui est vraisemblable, peut-être ceux auxquels jem’adressais n’en savaient-ils pas plus que ce qu’ils m’avaient déjàappris.

« Mais plus les ténèbres semblaients’épaissir, plus je prenais à cœur de les dissiper…

– Et moi qui croyais que cette maniepolicière n’était chez vous qu’un caprice !

– Le caprice avait un but sérieux, et ilm’a permis en bien des occasions de punir des coquins et de rendreservice à d’honnêtes gens.

– Je brûle de savoir si, dans votrepropre cause, vous avez obtenu un succès complet ?

– J’ai bien obtenu déjà quelquesrésultats, murmura le jeune homme en secouant la tête, mais je suisencore loin du but que je m’étais proposé. Ma présence en Franceest nécessaire.

– La raison qui vous a fait retardernotre mariage est tout à votre honneur et je l’approuveentièrement. Vous ne voulez pas m’épouser avant d’avoir vengél’assassinat de votre père…

– Et surtout avant d’avoir retrouvé mamère. Cependant j’ai réfléchi.

– Que voulez-vous dire ? demanda lajeune fille, très émue.

– Les recherches auxquelles je me livrepeuvent durer encore longtemps. Il me semble que je n’ai pas ledroit de vous imposer un retard qui n’a déjà que trop duré. Si doncvous n’y voyez pas d’obstacle, notre mariage aura lieu dès notrearrivée en France. Il me semble, qu’encouragé par votre présence àmes côtés, je poursuivrai plus efficacement mon œuvre.

– Il sera fait suivant votre désir,murmura Miss Elsie en rougissant.

– Cela ne vous contrarie pas trop ?demanda-t-il en souriant.

Pour toute réponse, Elsie tendit son front àson fiancé, qui l’effleura d’un baiser.

Tous deux demeurèrent immobiles, la main dansla main, étroitement serrés l’un contre l’autre.

Cette enivrante minute se fût peut-êtreprolongée très longtemps, quand Mr Rabington apparut tout àcoup à l’extrémité du couloir qui reliait les cabines.

Il paraissait en proie à une violenteémotion.

– Savez-vous ce qui se passe ?s’écria-t-il. Le poste de T. S. F. vient d’enregistrer unmessage !…

– Eh bien ! demanda Todd Marvel trèscalme.

– À moins de vingt milles il y a unpaquebot en train de brûler, avec au moins douze cents passagers.Les malheureux nous demandent du secours !

– Nous y allons, s’écria Miss Elsie,espérons que nous arriverons à temps ! avec ce calme nousparviendrons peut-être à sauver tout le monde.

– Je vais donner l’ordre au capitaine deforcer les feux, de fermer les soupapes.

– On pourrait sauter, grommela lebanquier.

– Nous sauterons ou nous arriverons àtemps. Dans ces conditions, avec ses machines neuves, leDesdemona peut, à l’extrême rigueur, abattre sesquarante-quatre nœuds dans une heure…

Quelques minutes plus tard le yacht virait debord dans la direction du Sud. Les ordres de Todd Marvel avaientété exécutés sans la moindre objection de la part du capitaine etdu chef mécanicien.

Tout à coup la membrure du Desdemonacraqua dans ses moindres boulons. Le yacht bondit pour ainsi direau-dessus des vagues ; les hélices tournèrent à une vitessefolle ; le navire volait au-dessus de l’océan comme un floconde fumée emporté par la tempête ; les cheminées laissaientéchapper des torrents d’étincelles.

Floridor qui était venu rejoindre Todd Marvelse frottait les mains.

– Nous arriverons ! s’écria-t-il,nous arriverons !

– Ou nous coulerons, grommela le banquierRabington d’un air mécontent.

– Nous verrons bien, fit Miss Elsie avecson radieux sourire.

Les machines du Desdemona donnaienten ce moment tout le rendement dont elles étaient capables. Sousl’impulsion de ses hélices, la coque de nickel-d’acier du yachtfrémissait dans ses moindres jointures. Le navire fila à travers lebrouillard comme une fusée, laissa derrière lui des gerbes de feuqui le rendaient pareil à quelque météore. On eût dit qu’il étaitemporté par le souffle d’un ouragan.

Trois quarts d’heure s’étaient écoulés lorsquele capitaine qui se tenait à l’avant, armé d’une forte lunetteprismatique, signala une tache rouge dans la brume.

La tache grandit et les passagers du« Desdemona » purent apercevoir un grand steamer quibrûlait.

C’était le Booker Washington.

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