L’Amérique mystérieuse – Todd Marvel Détective Milliardaire – Tome II

CHAPITRE II – LE RÊVE DE MARTHE

L’hacienda de San Iago est peut-être un desplus anciens monuments de toute l’Amérique ; elle remonte autemps de la domination espagnole, comme l’attestent l’immense courcarrée entourée d’un cloître à arcades et décorée à son centre d’unjet d’eau, enfin les sculptures de l’antique chapelle, dont la tourrenferme encore une cloche et qui a été transformée en magasin àfourrages.

C’est dans cette cour intérieure ou patio,merveilleusement adaptée aux exigences du climat que se déroulaitpresque toute l’existence paisible des rares habitants del’hacienda. C’est sous les arcades du cloître, protégée contrel’ardeur du soleil par un rideau de lianes fleuries, que la tableétait mise à l’heure des repas. C’est là qu’on lisait, qu’on jouaitou qu’on écrivait, là aussi qu’on faisait la sieste, et parfoismême qu’on dormait, par les chaudes nuits, dans des hamacssuspendus entre les colonnes de la galerie, au murmure berceur dujet d’eau.

C’est là que, depuis qu’il était né, le petitGeorges Grinnel était bercé, promené et allaité par sa nourriceMarianna, une belle mulâtresse aux grands yeux noirs, toute dévouéeà Mrs Grinnel dont elle était la sœur de lait.

Encore alitée à la suite de coucheslaborieuses, Mrs Grinnel, par la fenêtre de sa chambre quidonnait sur le patio, pouvait de son chevet surveiller la nourriceet l’enfant qu’elle ne perdait pour ainsi dire pas de vue.

Il ne s’écoulait pas un quart d’heure sans queMrs Grinnel n’appelât Marianna.

– Apporte-moi le petit Georges, luidisait-elle.

Et elle caressait précautionneusement le petitêtre fragile, s’oubliant parfois à contempler cette physionomie àpeine ébauchée où elle croyait déjà retrouver les traits d’un maripassionnément aimé, qu’une épidémie de fièvre jaune lui avait ravi,en plein bonheur, six mois auparavant.

Alors des larmes venaient aux yeux de la jeunemère et elle remettait en silence son enfant dans les bras deMarianna.

Mrs Grinnel était riche, très riche même,mais elle n’était pas heureuse. La mort de son mari avait brisé savie ; le chagrin avait failli la tuer, ce n’est que depuis lanaissance du petit Georges qu’elle avait repris goût à l’existence,en sentant tressaillir dans son cœur une fibre nouvelle.

D’origine française – elle s’appelait MartheNoirtier de son nom de jeune fille – Mrs Grinnel, à la mort deses parents, s’était trouvée presque sans ressources sur le pavé deSan Francisco. Elle avait dû donner des leçons de français, fairede la couture et finalement, elle était entrée comme dactylographedans une grande banque, la Mexican Mining bank.

C’est là qu’elle avait fait connaissance del’ingénieur Grinnel, un Anglais attaché à l’une des exploitationsminières que possédait la banque dans l’Arizona.

L’ingénieur, qu’un héritage venait de mettreen possession du magnifique domaine de San Iago, avait donné sadémission et avait épousé Marthe Noirtier, dont il appréciaitautant que la beauté de blonde menue et délicate, le courage, laloyauté et la douceur.

Marthe avait gardé à l’homme qui l’avaitarrachée à la médiocrité et aux labeurs ingrats, pour lui faire uneexistence heureuse et large, une infinie gratitude. La tendressepassionnée qu’elle éprouvait pour son mari se doublait de tout ceque la reconnaissance a de plus noble dans une âme généreuse etfière.

La mort de son mari avait porté à la jeunefemme un coup terrible, pendant longtemps, elle avait été incapablede s’occuper d’aucune affaire sérieuse. Elle était demeurée dessemaines entre la vie et la mort, et pendant qu’elle était ainsiterrassée par la maladie et le chagrin, elle avait failli êtredépouillée de la plus grande partie de ce qu’elle possédait.

Des collatéraux avides, entre autres uncertain Elihu Kraddock, lui avaient intenté un procès, profitant dece que la rapidité foudroyante du décès de l’ingénieur avaitempêché celui-ci de faire un testament en faveur de sa femme.

Marianna, très « débrouillarde »comme beaucoup de mulâtresses, avait été voir des sollicitors, desavocats, avait obtenu du tribunal de Los Angeles, un arrêtmaintenant Mrs Grinnel en possession de ses biens jusqu’à lafin de la grossesse.

La naissance de Georges, qui héritaitnaturellement de son père et demeurait confié à la tutelle de samère, avait fait rentrer les collatéraux dans le néant et mis fin àtoute espèce de procès.

Aussi Mrs Grinnel regardait Mariannapresque comme une parente et avait toute confiance dans sesjugements.

Marianna cependant avait ses faiblesses.L’année d’auparavant, une troupe de cinéma, partie de Los Angelesétait venue s’installer dans le voisinage de l’hacienda, lesopérateurs avaient tourné un film auquel le vieux monastère, avecson cloître et son clocher faisait un « plein air »idéal.

D’une complexion inflammable, comme toutes lesfemmes de sa race, la mulâtresse avait eu l’imprudence de prêterl’oreille aux galanteries d’un vague cabotin qui l’avait fascinéepar sa belle prestance, quand il arborait le col de dentelles, lepourpoint de velours, le feutre à grand plumage et les bottes àentonnoir d’un seigneur du temps de Louis XIII.

Quand le brillant mousquetaire était repartipour New York avec le reste de la troupe, Marianna était enceinte,et les lettres qu’elle écrivit à son séducteur demeurèrent sansréponse.

L’enfant qu’elle mit au monde ne vécut quequelques jours et Mrs Grinnel, indulgente, fut la première àconsoler Marianna de la trahison et de l’abandon dont elle étaitvictime.

La mulâtresse avait reporté sur le petitGeorges toute l’affection qu’elle eût eue pour son enfant à elle etavait voulu servir de nourrice au baby qui, à quelques semainesprès, aurait été du même âge que celui qu’elle avait perdu.

Marianna occupait une chambre contiguë à cellede Mrs Grinnel et les deux pièces, situées au premier étage,donnaient sur le patio.

L’ameublement de cette chambre était trèssimple, les murs étaient blanchis à la chaux et le lit de cuivreétait entouré d’une moustiquaire de gaze blanche, ainsi que leberceau du baby ; un guéridon supportant un alcarazas pleind’eau fraîche ; un rocking-chair de bambou et une table detoilette avec quelques flacons ; au plafond, un ventilateurélectrique, et c’était tout.

La chambre de Mrs Grinnel, plus vaste,offrait le luxe de vieux meubles aux sculptures prétentieusementcontournées, aux incrustations d’étain et d’ébène, achetés à lavente d’une vieille famille espagnole.

La jeune femme, offrait un fin visage, émacié,comme affiné par la maladie et le chagrin, un profil délicat devierge gothique, nimbé d’une opulente chevelure blond cendré,naturellement crêpelée.

Qui l’eût vue endormie derrière le rempart degaze, aux rayons de la lune qui entraient par la fenêtre grandeouverte, eût cru à l’apparition de quelque princesse de légendes,captive dans les filets d’une méchante fée.

Malgré la douceur de cette nuit, dont la briseattiédie était chargée du parfum des orangers en fleur, Marthedormait d’un mauvais sommeil.

Une expression d’angoisse se peignait sur sestraits, elle soupirait profondément, et des paroles confusess’échappaient de ses lèvres.

Elle était tourmentée par des cauchemarsabsurdes.

Elle rêva qu’elle était encore dactylographe àla banque, mais quelqu’un venait de lui voler sa machine à écrireet le voleur n’était autre qu’un cousin de son mari, celui quiavait montré le plus d’acharnement dans le procès, Elihu Kraddock,un vrai bandit.

Elle courait après lui, éperdument, quand elles’apercevait que ce n’était plus sa machine qu’il emportait, maisbien le berceau du petit Georges.

Elihu s’était fondu dans un brouillard,maintenant, le berceau flottait sur une mer agitée, chaque vaguel’éloignait un peu plus du rivage, et l’enfant semblait appeler samère à son secours en agitant ses petits bras.

Puis un étrange monstre, un requin vert,hérissé de piquants comme certains poissons épineux, ouvrit unegueule énorme pour avaler le berceau, et le requin avait le profilsinistre d’Elihu ; la mer s’était brusquement changée en unefoule où grouillaient des milliers de faces ricanantes, qui toutesressemblaient à Elihu.

Marthe s’éveilla, le cœur battant à grandscoups, le front baigné de sueur.

Le clair de lune inondait la chambre de salueur argentée et sereine et dans le profond silence de la nuit,s’élevaient seulement la plainte lointaine des feuillages agitéspar le vent et le murmure du jet d’eau.

– Quel vilain rêve, murmura la jeunefemme en frissonnant, j’ai la fièvre.

« Marianna ! appela-t-elle.

Pieds nus, la mulâtresse accourut l’instantd’après.

– Que veux-tu, petite Marthe ?demanda-t-elle à sa sœur de lait, en lui parlant avec lesinflexions câlines dont on se sert pour parler aux enfants.

– J’ai eu un cauchemar, j’ai soif,donne-moi un peu d’eau et de citron.

Marianna prépara le breuvage rafraîchissant etle fit boire elle-même à Mrs Grinnel avec une sollicitudetoute maternelle.

– Dors petite sœur, lui dit-elle, je vaisbaisser la jalousie pour que la lumière de la lune ne te réveillepas.

Doucement, Marthe ferma les yeux et serendormit, mais un quart d’heure ne s’était pas écoulé que denouveau elle se réveilla en sursaut. Il lui avait semblé entendretout près d’elle chuchoter des voix confuses.

– On dirait qu’on a marché sous lesgaleries du patio, murmura-t-elle. Il me semble que j’entends unbruit de pas qui s’éloignent dans la campagne. Ou bien est-ce lebruit des battements de mon cœur qui tinte à mon oreille ?J’ai peur, je vais appeler Marianna.

La fidèle mulâtresse, habituée aux capricesdes insomnies de sa chère malade, accourut aussitôt.

– Je ne sais ce que j’ai, dit Marthe àvoix basse, j’ai le cœur serré comme s’il allait m’arriver unmalheur. J’ai peur de tout. Écoute comme mon cœur bat…

– Tu es trop nerveuse, fit doucementMarianna, veux-tu que je te donne une cuillerée de la potioncalmante ?

– Non, je veux que tu restes près de moiet que tu me parles. Je veux entendre le son de ta voix. Pourtantil ne faudrait pas laisser Georges tout seul.

– Cela ne fait rien, s’il criait ou mêmes’il remuait je l’entendrais d’ici, mais il n’y a pas de danger, ildort comme un charme, il n’a pas bougé de la nuit.

– Alors reste près de moi jusqu’à ce queje me rendorme. Je suis si triste quand je suis toute seule et queje réfléchis. Oh ! mon Dieu, il me semble encore entendre despas et des bruits de voix, très loin, dans le parc !…

– Je t’assure que moi je n’ai rienentendu, dit la mulâtresse avec une inaltérable patience. Tu sais,il y a tant de bruits dans la nuit qui s’expliquent toutnaturellement. De qui aurais-tu peur ? Le pays est tranquille,nous sommes trop près de Los Angeles pour qu’il y ait desbandits.

– Tu as peut-être raison, je suisaffaiblie, j’ai les nerfs à fleur de peau. Je dois êtrehallucinée…

– Pourquoi n’as-tu pas voulu prendre tapotion ?

– Non, cela m’assoupit momentanément etje me réveille plus nerveuse encore ensuite ; oh cette fois,je suis sûre que j’ai entendu, un petit cri plaintif comme un crid’enfant ! Et toujours ces pas qui semblent galoper dans mapauvre cervelle !

– Tu es folle, petite sœur, c’est le crid’un oiseau de nuit, d’un chat sauvage ou de quelque autre bête quetu as entendu.

– Je sais bien que tu as raison, maisc’est plus fort que moi… Je vais essayer de dormir. Tiens, prendsma main, que je te sente près de moi.

Mrs Grinnel ferma les yeux et mit sa mainblanche dans la longue main brune de Marianna, mais le sommeil nevenait pas.

– Écoute, dit la jeune mère, si tum’apportais mon petit Georges. Je crois que quand je l’auraiembrassé, après je pourrai dormir.

– Non, par exemple ! déclara lamulâtresse, impétueusement, il dort d’un bon sommeil, ce serait malde le réveiller ! Une fois qu’il aurait les yeux ouverts, jene pourrais plus le rendormir. Dors toi-même, le soleil se lèveraque tu n’auras pas encore fermé les yeux !

Un nuage passait sur la lune ; une brisevenue de la mer, rendit tout à coup plus fraîche l’atmosphèreembrasée de la nuit. Marthe tout à coup s’endormit, et, cette fois,pour de bon.

Marianna attendit encore quelque temps, pourêtre bien sûre que sa sœur de lait n’allait pas se réveiller, puiselle retira doucement sa main que Marthe n’avait pas lâchée etrentra dans sa chambre. Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit,elle était brisée de fatigue ; elle se jeta sur son lit etpresque instantanément tomba dans un de ces sommeils profonds quiressemblent à la mort.

Les premiers rayons du soleil qui filtraientpar les interstices des jalousies mal closes l’arrachèrent à cerepos bienfaisant. Avec des mouvements d’une lente et félinesouplesse, elle se détira languissamment, rattacha d’une mainnégligente sa chevelure éparse et sauta en bas de son lit.

Comme chaque matin, aussitôt debout, ellecourut au berceau du petit Georges ; elle fut d’abord alarméeen voyant que la moustiquaire était ouverte.

Un coup d’œil lui révéla la terrible vérité.Le berceau était vide.

Stupide d’étonnement et de chagrin, Mariannas’était affaissée sur un siège, où elle demeura quelques instants,comme anéantie, incapable de réfléchir. Elle ne pouvait se faire àl’idée qu’on eût volé le petit Georges.

– C’est impossible… répétait-ellemachinalement.

Brusquement elle se releva.

– Suis-je donc sotte !murmura-t-elle. C’est Marthe qui s’est réveillée avant moi et quiest venue chercher son petit comme elle fait quelquefois… Elle m’ena donné une peur…

Presque rassurée, la mulâtresse passa dans lachambre de Mrs Grinnel, mais celle-ci était encoreprofondément endormie et l’enfant n’était pas auprès d’elle.

Marianna se sentit près de défaillir. Elletremblait de tout son corps.

– Sainte Vierge ! balbutia-t-elle.Que vais-je devenir ? que dirai-je à la pauvre Marthe quandelle s’éveillera ? que lui répondrai-je quand elle medemandera ce que j’ai fait de son enfant ? Mon Dieu ! jevoudrais être morte !

À cette minute d’abattement succéda bientôt unaccès de fiévreuse énergie.

– Ce n’est pas tout de me lamenter,murmura-t-elle, il faut que je le retrouve, que je le rapporte dansson berceau avant que Marthe soit levée ! Il ne peut pas êtrebien loin… Et dire que je n’ai rien vu, rien entendu… Je suisfolle, Marthe me tuera si on lui a pris son petit Georges.

Tout en prononçant ainsi ces phrasesincohérentes, Marianna avait quitté sa chambre et ses regardséperdus fouillaient les moindres recoins du patio ; puis ellese rendit à la cuisine où Deborah, une vieille négresse au servicede la famille depuis vingt ans, préparait le chocolat du premierlunch.

Elle n’osa pas questionner Deborah, ni luiapprendre la funeste nouvelle. Elle s’entêtait dans cette idée,qu’il fallait qu’elle retrouvât l’enfant, avant qu’on se fût aperçude sa disparition et qu’elle le retrouverait sûrement.

Haletante, affolée, elle parcourut et explorainutilement toutes les pièces de la vaste habitation. Sondésespoir, son angoisse allaient croissant de minute en minute.

Elle s’engagea dans le couloir voûté quifaisait communiquer le patio avec le jardin. La porte du jardinétait ouverte.

– C’est par là que sont venus ceux quiont emporté le pauvre petit, pensa-t-elle, on a dû oublier defermer cette porte hier soir, et ils en ont profité…

Elle s’élança par les allées, sachant à peinece qu’elle faisait. Il lui semblait que son cœur allait se rompredans sa poitrine, tant il palpitait violemment ; une buée devertige flottait devant ses yeux, elle dut s’appuyer quelquesinstants au tronc d’un cocotier.

À ce moment, ses regards s’arrêtèrent sur unejeune tige de bananier toute fraîchement rompue, plus loin, lesarbustes délicats d’un massif étaient saccagés, foulés comme par lepassage d’une bête fauve. La mulâtresse comprit qu’elle était surla trace des ravisseurs.

Mais de quel genre étaient-ils ? Mariannase rappela avec un tremblement une des histoires que lui contait lavieille négresse qui l’avait élevée et dont la mémoire étaitabondamment fournie de toute sorte d’anecdotes terrifiantes. LesNoirs de la région sont persuadés que les chats sauvages seglissent dans le berceau des nouveau-nés, leur entourent le cou deleurs pattes de velours et les étouffent ; ensuite ils lesemportent pour leur sucer le sang à loisir.

– C’est une de ces horribles bêtes, qui adévoré le petit Georges ! se dit la pauvre mulâtresse plusmorte que vive, voilà pourquoi je n’ai rien entendu.

Elle demeura quelque temps sous le coup decette affreuse supposition, enfin elle eut le courage de regarderde près les vestiges accusateurs.

Alors elle distingua sur les plates-bandes lesempreintes de pas très nettes qui la conduisirent jusqu’au murassez élevé séparant le jardin du parc. Là les traces d’uneeffraction étaient nettement visibles, les lianes qui couronnaientla crête du mur étaient arrachées, les branches d’un abricotierétaient cassées et les fruits piétinés jonchaient le sol.

Marianna fut une minute presque consolée, enpensant que le cher petit n’avait pas été la proie d’une bêtesauvage, mais presque aussitôt, une autre suggestion presque aussidésolante s’imposa à son esprit troublé. Elle venait brusquement dese rappeler que le browning placé au chevet de son lit avaitdisparu, ce à quoi, dans son trouble, elle n’avait pas d’abordprêté grande attention, et, en même temps, le procès intenté àMrs Grinnel par ses avides collatéraux lui revenait enmémoire.

– Ce sont eux qui ont fait le coup !bégaya-t-elle éperdue. La mort de Georges les mettrait enpossession de la propriété… Il y en a un surtout, Kraddock, ElihuKraddock, un vrai bandit, qui est capable de tout…

Avec la vivacité de sensations particulièreaux gens de couleur, la mulâtresse entrevit comme dans un éclair,Marthe pleurant son enfant assassiné et, par surcroît, ruinée,chassée de sa maison, réduite à chercher pour vivre quelque chétifemploi.

– Et tout cela par ma faute,s’écria-t-elle à haute voix, par ma damnée négligence. Si cela estvrai, je n’affronterai pas les reproches de Marthe, je metuerai ! Cela vaut mieux…

Comme rassérénée par cette faroucherésolution, Marianna ouvrit la petite porte qui donnait sur le parcet continua à suivre la trace des ravisseurs. Pendant quelquetemps, ce lui fut chose facile, le sol spongieux avait gardénettement les empreintes, mais un peu plus loin, les aiguillestombées des cèdres et des séquoias formaient une couche élastiqueet sèche où toute trace disparaissait.

Désespérée, Marianna continua à errer sous lesgrands arbres, tournant à droite et à gauche, fouillant lesbuissons, s’élançant brusquement pour revenir sur ses pas l’instantd’après.

Elle était parvenue à l’endroit le plus épaisdu bois quand un cri d’horreur et d’agonie, un hurlement quin’avait rien de la voix humaine s’éleva des profondeurs lointaineset parvint à ses oreilles.

Presque immédiatement, la terrifiante clameurs’était tue ; la campagne déserte était retombée dans lesilence.

Glacée d’épouvante, à bout de forces, lamulâtresse s’était instinctivement appuyée au tronc d’un arbre,puis avait glissé à terre, privée de sentiment.

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