Le Dossier 113

Chapitre 4

 

Quatre jours plus tard, un matin, M. Lecoq – le Lecoq officiel,celui qui ressemble à un chef de bureau – se promenait dans soncabinet, interrogeant à chaque moment la pendule.

Enfin on sonna, et la fidèle Janouille introduisit Mme Nina etProsper Bertomy.

– Ah ! fit M. Lecoq, vous êtes exacts, les amoureux, c’estbien.

– Nous ne sommes pas amoureux, monsieur, répondit Mme Gypsy, etil a fallu les ordres exprès de M. Verduret pour nous réunir unefois encore. Il nous a donné rendez-vous ici, chez vous.

– Très bien !… dit le policier célèbre, alors, veuillezattendre ici quelques instants, je vais le prévenir.

Pendant plus d’un quart d’heure que Nina et Prosper restèrentseuls ensemble, ils n’échangèrent pas une parole. Enfin, une portes’ouvrit, et M. Verduret parut.

Nina et Prosper voulaient se précipiter vers lui, il les cloua àleur place d’un de ces regards auxquels on ne résiste pas.

– Vous venez, leur dit-il, d’un ton dur, pour connaître lesecret de ma conduite. J’ai promis… je tiendrai ma parole,quoiqu’il m’en coûte en ce moment, écoutez-moi donc.

» Mon meilleur ami est un brave et loyal garçon, nommé Caldas.Cet ami était, il y a dix-huit mois, le plus heureux des hommes.Épris d’une jeune femme, il ne vivait que par elle et pour elle,et, niais qu’il était, il s’imaginait que, lui devant tout, ellel’aimait…

– Oui ! s’écria Gypsy, oui, elle l’aimait !…

– Soit. Elle l’aimait tant qu’un beau soir elle partit avec unautre. Sur le premier moment, Caldas, fou de douleur, voulait setuer. Puis, réfléchissant, il se dit que mieux valait vivre et sevenger.

– Mais alors !… balbutia Prosper.

– Alors, Caldas s’est vengé à sa manière. C’est-à-dire que sousles yeux de la femme qui l’a trahi, il a fait éclater son immensesupériorité sur l’autre. Faible, lâche, inintelligent, l’autreroulait dans l’abîme ; la puissante main de Caldas l’a retenu.Car vous avez compris, n’est-ce pas ?… La femme, c’estNina ; le séducteur, c’est vous ; quant à Caldas…

D’un geste violent, il fit sauter sa perruque et ses favoris, etla tête intelligente et fière du vrai Lecoq apparut.

– Caldas !… s’écria Nina.

– Non, pas Caldas, pas Verduret, non plus, mais Lecoq, l’agentde la sûreté…

Il y eut un moment de stupeur, après lequel M. Lecoq se retournavers Prosper.

– Ce n’est pas à moi seul, dit-il, que vous devez votre salut.Une femme, en ayant le courage de se confier à moi, m’a rendu latâche facile. Cette femme est mademoiselle Madeleine, c’est à elleque j’avais juré que monsieur Fauvel ne saurait jamais rien… Votrelettre a rendu mes combinaisons impossibles. J’ai dit…

Il voulut regagner sa chambre, mais Nina lui barra lepassage.

– Caldas ! disait-elle, je t’en conjure, je suis unemalheureuse !… Ah ! si tu savais, grâce,pitié !…

Prosper sortit seul de chez M. Lecoq.

Le 15 du mois dernier a été célébré, à l’église deNotre-Dame-de-Lorette, le mariage de M. Prosper Bertomy et de MlleMadeleine Fauvel.

La maison de banque est toujours rue de Provence, mais M.Fauvel, comptant se retirer à la campagne, en a changé la raisonsociale qui est maintenant : Prosper Bertomy et Cie.

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